Qu’ils et elles œuvrent dans le privé ou dans le public, tous construisent,
inspirent ou infléchissent au quotidien les politiques du numérique. POLITICO a
listé la crème de la crème : voici les 42 personnes les plus influentes du
moment.
1. ARTHUR MENSCH
Fondateur de Mistral AI
C’est comme si tous les espoirs de la tech tricolore reposaient sur lui. A la
tête de la décacorne Mistral AI depuis 2023, Arthur Mensch a été propulsé comme
l’une des figures les plus emblématiques de la French Tech, et même de la tech
européenne à l’heure où le Vieux Continent peine à se faire une place dans la
course à l’intelligence artificielle.
Même Gabriel Zucman n’ose pas briser le rêve : l’inflexible économiste a bien
voulu imaginer des aménagements à sa taxe sur les très (très) hauts patrimoines
lorsqu’Arthur Mensch a enfilé son costume pour dire, sur le plateau du 20 heures
de France 2, qu’il ne serait pas en mesure de la payer — le polytechnicien a
toutefois plaidé pour “plus de justice fiscale en France”.
L’entrepreneur parvient malgré tout à naviguer dans l’instabilité politique et à
engranger les contrats (avec CMA CGM, France Travail ou encore Free), en
s’appuyant sur le président Macron, mais pas que. Mistral joue aussi le bon
élève au niveau européen : elle a été la première à signer le “code de bonnes
pratiques” issu du règlement européen sur l’IA, pourtant décrié par les
entreprises du secteur.
Au-delà des enjeux de souveraineté, que l’entreprise met en avant, elle doit
désormais transformer l’essai et montrer que son IA rivalise avec ses
concurrentes américaines dans la course à la performance.
Arthur Mensch | POOL photo by Ludovic Marin/AFP via Getty Images
2. XAVIER NIEL
Fondateur d’Iliad
A 58 ans, le trublion des télécoms aime toujours autant titiller ses
concurrents. Pendant qu’eux jouent les bons élèves, Xavier Niel, lui, offre un
VPN gratuit à ses abonnés. Un formidable outil de contournement de la
vérification de l’âge pour accéder, notamment, aux sites pornographiques.
L’an dernier, son livre Une sacrée envie de foutre le bordel (Flammarion) a
rappelé opportunément à ses fans qu’il était encore loin de la retraite. Dans la
foulée, l’homme d’affaires iconoclaste montait même sur scène pour raconter son
parcours et ses choix entrepreneuriaux, aussi agressifs que visionnaires.
Rappelez-vous, l’autodidacte a fait ses premiers pas dans le Minitel rose, avant
d’exploser avec Free dans les télécoms, en proposant la première offre “triple
play” française, puis un forfait mobile illimité qui pousse la concurrence à
casser les prix.
Depuis, le milliardaire met des billes un peu partout : dans la French Tech
(Deezer, Sorare, Alan, ou encore l’incubateur Station F), le cloud et l’IA
(Scaleway et OpCore), les médias (le groupe Le Monde, la société de production
Mediawan), la formation (école 42). Pour l’heure, seuls la télévision et le
cinéma lui résistent encore. En 2023, Niel a échoué à obtenir une fréquence TNT
face à TF1 et M6. Intéressé par la reprise d’UGC, celui qui est aussi le gendre
de Bernard Arnault s’est récemment fait doubler par Vincent Bolloré.
3. JOHANNA BROUSSE
Cheffe de la section J3 du parquet de Paris
Elle est en train de devenir la bête noire des plateformes. Un an après
l’arrestation spectaculaire du patron de Telegram Pavel Durov, la
vice-procureure Johanna Brousse a ouvert les dossiers au rythme (effréné) de
l’actualité du secteur : enquête contre la plateforme X d’Elon Musk, contre le
site de streaming vidéo Kick, et désormais contre Apple et son assistant vocal
Siri.
Le terrain est nouveau pour cette section qui s’était d’abord concentrée sur les
arnaques en ligne et la cybercriminalité plus “conventionnelle”. Si 2025 est
l’année des nouveaux fronts, la section J3 est désormais attendue au tournant
sur les résultats de ces nouvelles procédures contre les plateformes de portée
mondiale.
Louée pour son sérieux et son expertise, construite sur le tas, Johanna Brousse,
40 ans, mène ce virage avec sa (petite) équipe de cinq magistrats. Les mois à
venir seront cruciaux pour déterminer si ces enquêtes françaises sont conformes
au droit européen, alors que Bruxelles est censé être à la manœuvre en matière
de régulation des grandes plateformes.
4. MARTIN AJDARI
Président de l’Arcom
Malgré ses bonnes connexions dans le secteur audiovisuel — il est passé par
Radio France et France Télévisions, a été directeur de cabinet de la ministre de
la Culture Aurélie Filippetti et directeur général des médias et industries
culturelles au sein du même ministère —, sa première année à la tête du
régulateur n’aura pas été de tout repos. Celui qui a pris début février les
rênes de l’Arcom a dû faire face, au cœur de l’été, au tsunami de l’affaire Jean
Pormanove, du nom de ce streameur mort en direct sur la plateforme Kick.
Face aux mises en cause dans l’opinion publique et au sein même de la classe
politique, Martin Ajdari a dû prendre son bâton de pèlerin pour rappeler quelles
étaient les missions du régulateur — et leurs limites en matière de régulation
du numérique.
Il n’empêche : le tapage médiatique a eu l’effet d’un électrochoc, et la
nouvelle feuille de route de l’Arcom, tout juste dévoilée, montre un
durcissement à l’égard des plateformes. Sur le contrôle de l’âge notamment :
Martin Ajdari a promis de contrôler strictement le respect des CGU et de
s’assurer que les services n’exposent pas les plus jeunes à des contenus
dangereux. Les plateformes sont invitées dès cet automne à rendre des comptes.
5. DONALD TRUMP
Président des Etats-Unis
Vous ne l’attendiez pas dans notre classement, et pourtant… Depuis son retour à
la Maison-Blanche, Donald Trump donne le tempo en matière de régulation du
numérique, invitant à maintes reprises le législateur européen à revoir sa
copie.
L’Américain rêve de faire un strike en dégommant : la fameuse “taxe Gafam”
déployée dans plusieurs pays européens (dont la France) ; le DMA, qui traque les
abus de position dominante dans la tech ; le DSA, qu’il accuse de brider la
liberté d’expression à l’américaine.
Et ce n’est pas tout : sa décision d’augmenter unilatéralement les droits de
douane sur les produits chinois a fait déferler bon nombre de colis venus d’Asie
sur le sol européen, poussant plusieurs Etats membres (dont la France) et la
Commission européenne à réagir. Shein et Temu ne lui disent pas merci !
Benoit Coeuré | Horacio Villalobos#Corbis/Corbis via Getty Images
6. BENOÎT CŒURÉ
Président de l’Autorité de la concurrence
Peu connu du grand public lorsqu’il est propulsé en 2022 à la tête du régulateur
de la concurrence, Benoît Cœuré est un économiste passé par la Banque centrale
européenne et la direction du Trésor. Le successeur d’Isabelle de Silva trace
pourtant sa route dans le numérique.
Ses obsessions pour 2026 ? L’intelligence artificielle et la culture. L’autorité
planche ainsi sur un rapport consacré aux enjeux d’accès à l’énergie par les
acteurs de l’IA. Il garde également l’œil sur la façon dont ils nourrissent
leurs modèles, puisqu’il a mené une série de consultations sur le respect du
droit d’auteur. Car l’Autorité de la concurrence est chargée de veiller au
respect des accords sur le droit voisin, qui prévoit que les géants du numérique
versent de l’argent aux médias.
Surprise au générique : la “création de contenus vidéo” et le petit monde des
agences d’acteurs feront aussi l’objet d’un rapport d’ici à la fin de l’année.
Une initiative directement soufflée par la commission d’enquête de l’Assemblée
sur les violences dans le cinéma.
Enfin, Benoît Cœuré devrait jouer un rôle de premier plan dans la vente de SFR :
le régulateur devra y mettre son nez, Bouygues Telecom, Free et Orange ayant
déposé une offre conjointe de rachat.
7. THOMAS COURBE
Directeur général des entreprises
Il est l’un des rares locataires de Bercy qui n’a pas besoin de garder ses
cartons de déménagement à portée de main. Depuis sept ans à la tête de la
direction générale des entreprises (DGE), Thomas Courbe est devenu l’une des
principales interfaces entre le ministère et les boîtes privées — y compris
celles du numérique. La DGE a en effet renforcé ses compétences dans le domaine,
en pilotant notamment l’Institut national pour l’évaluation et la sécurité de
l’intelligence artificielle (Inesia), créé cette année.
La direction de Thomas Courbe — et son service de l’économie numérique — a
également la main sur la régulation du secteur : c’est une note de la DGE qui a
donné le coup de grâce et définitivement enterré la loi dite “Marcangeli”,
censée créer une majorité numérique à 15 ans.
La DGE a également su jouer des coudes pour la mise en œuvre du règlement
européen sur l’intelligence artificielle (AI Act), afin d’éviter que la Cnil ne
soit seule aux manettes du texte en France. Finalement, ce sera la direction
générale des entreprises, épaulée par la Répression des fraudes (DGCCRF), qui
assurera la coordination. Rien de très étonnant : c’est Thomas Courbe qui
représente les autorités françaises au bureau européen de l’IA, chargé de mettre
en œuvre l’AI Act.
8. SARAH EL HAÏRY
Haut-commissaire à l’enfance
Rare figure de stabilité en ces temps troublés, Sarah El Haïry a rapidement
endossé son rôle de haut-commissaire à l’enfance, devenant une interlocutrice
essentielle des associations de protection de l’enfance. A défaut de pouvoir
légiférer, l’ancienne ministre déléguée à l’Enfance — et vice-présidente du
MoDem — a interpellé le grand public et les élus sur l’impact des écrans sur les
jeunes et les risques engendrés par le numérique. Parmi eux : la diffusion, à
l’ère de l’intelligence artificielle, de photos d’enfants sur les réseaux
sociaux, ou encore les jeux vidéo en ligne.
9. NICOLAS DUFOURCQ
Directeur général de Bpifrance
Nicolas Dufourcq, c’est aussi — et surtout — un franc-parler. Directeur général
de la banque publique Bpifrance depuis sa création en 2013, l’énarque — qui
avait développé Wanadoo dans une autre vie — est un soutien inépuisable des
entreprises et des entrepreneurs. Prenons-en pour preuve ses déclarations
acérées contre la taxe Zucman, un “truc complètement absurde”, une “histoire de
jalousie à la française” et un signe de la “haine des riches”…
Le parrain de la French Tech investit sur des dossiers qu’il considère comme
stratégiques et soutient financièrement quatre start-ups sur cinq en France,
avec un slogan : “Vous envoyez du bois, nous envoyons du blé.” Et la conviction
que les entrepreneurs ont toutes les solutions pour la France.
Anne Le Hénanff | Magali Cohen/Hans Lucas/AFP via Getty Images
10. ANNE LE HÉNANFF
Ministre déléguée à l’Intelligence artificielle et au Numérique
Fraîchement nommée au Numérique, Anne Le Hénanff a au moins un avantage aux yeux
de l’écosystème tech, lassé de la valse des gouvernements : elle ne découvre pas
les sujets numériques. Bien au contraire.
Membre de la Commission supérieure du numérique, l’ex-députée Horizons a été
rapporteure sur le volet cloud du projet de loi visant à sécuriser l’espace
numérique. Elle est surtout une aficionada des questions cyber et de
souveraineté : à peine élue à l’Assemblée, en 2022, la Bretonne a conduit une
mission sur la cyberdéfense. Elle était, jusqu’à sa nomination au gouvernement,
rapporteure du plus gros morceau du projet de loi cyber, qui transpose la
directive NIS2. Elle fait également partie des députés “lanceurs d’alerte” sur
le contrat envisagé entre l’Assemblée nationale et Bleu, la succursale made in
France de Microsoft Azure. Sans être une antiaméricaine à la Philippe Latombe,
son ex-collègue MoDem, note un lobbyiste de la tech.
Anne Le Hénanff s’est aussi opposée à la remise en cause du chiffrement des
communications, portée par l’ancien ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, et
souhaité de longue date par les services de sécurité intérieure.
11. ARTHUR DELAPORTE
Député PS du Calvados
Lui ne manque pas d’idées pour encadrer les plateformes et réguler les
influenceurs. Coauteur de la toute première loi encadrant le secteur de
l’influence, Arthur Delaporte a présidé la commission d’enquête de l’Assemblée
nationale sur TikTok, dont les conclusions sont alarmantes. Dans la foulée, face
au flou persistant autour de l’algorithme et l’impact du réseau social sur les
jeunes, le député a saisi le parquet de Paris, dénonçant “une possible
responsabilité de la plateforme dans la mise en danger de la vie d’autrui”.
Le socialiste n’entend pas s’arrêter là. Aux côtés de Stéphane Vojetta, il a été
chargé, par l’ex-ministre déléguée au Numérique Clara Chappaz, d’une mission
visant à combler les failles de leur première loi sur les pratiques commerciales
des influenceurs. Le député poursuit ses auditions jusqu’en novembre et espère
achever son rapport avant la fin de l’année.
12. MARC-ANTOINE BRILLANT
Chef de service à Viginum
Il est la vigie du gouvernement face aux ingérences étrangères. A la tête de
Viginum depuis 2023, Marc-Antoine Brillant voit venir les vagues d’ingérences
numériques en amont des élections municipales de 2026, mais surtout de la
présidentielle de 2027. A ce titre, il ne serait pas contre un renforcement des
compétences de son service — une refonte des décrets de Viginum est d’ailleurs
dans les tuyaux pour accompagner le virage offensif récemment pris par le Quai
d’Orsay.
Diplômé de Saint-Cyr et passé par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes
d’information (Anssi), Marc-Antoine Brillant est en première ligne, alors que
les ingérences ne viennent plus seulement de Russie, mais aussi d’Azerbaïdjan,
d’Iran ou encore… des Etats-Unis. En mars, il avait d’ailleurs pointé un risque
d’ingérences liées à Elon Musk et sa plateforme X.
13. DONALD TANG
Président exécutif de Shein
Il est la bête noire de l’industrie textile — qui l’accuse de détruire le tissu
commercial français et européen — et la cible directe d’une proposition de loi
contre la fast-fashion, en cours d’examen au Parlement. Qu’à cela ne tienne :
Donald Tang multiplie les interventions médiatiques, ces derniers mois, pour
convaincre qu’il est un partenaire économique de confiance.
Au Figaro, le patron de Shein assure d’ailleurs vouloir “contribuer au renouveau
des centres-villes français”. En témoigne son partenariat avec Pimkie ou plus
récemment celui avec le groupe SGM, qui doit permettre à la marque chinoise
d’être présente au BHV et dans cinq magasins des Galeries Lafayette. Ces
annonces ont déclenché un tollé médiatique et convaincu certains parlementaires
qu’il fallait accélérer sur la réécriture de la loi sur la fast-fashion.
Sans compter qu’un deuxième front s’ouvre pour Donald Tang avec les négociations
sur le budget 2026. Shein et d’autres enseignes asiatiques, accusées d’inonder
la France de leurs produits bon marché, sont visées par une taxe de 2 euros sur
les petits colis — en attendant une réforme européenne prévue pour 2028.
Gabriel Zucman | Francois Walschaerts/AFP via Getty Images
14. GABRIEL ZUCMAN ET PHILIPPE AGHION
Economistes
Ce sont les deux économistes stars de la rentrée. L’un avec son idée de taxe sur
l’ensemble des actifs des plus riches. L’autre avec le prix Nobel, reçu le 13
novembre.
Tous deux se sont d’ailleurs retrouvés en face-à-face lors du grand raout annuel
de France Digitale à la mi-septembre. Le lobby des start-ups avait bousculé son
programme pour insérer un débat sur la controversée taxe Zucman.
Très vocaux dans les médias, les opposants à cet impôt sur les très hauts
patrimoines — dont l’inventeur ne “pouvait être que Français”, selon Bruno
Retailleau — ont trouvé dans les entrepreneurs de start-ups des alliés idéaux.
Arthur Mensch, le fondateur de Mistral, s’est par exemple retrouvé à parler
justice fiscale au 20 heures de France 2.
En défendant l’innovation et la destruction créatrice, Pierre Aghion est, quant
à lui, l’un des économistes préférés des start-ups. Le leadership technologique,
plaide-t-il, est le meilleur moyen d’assurer la puissance économique. Une thèse
reprise avec joie par les géants numériques pour limiter les tentatives de
régulation, selon certains.
15. HENNA VIRKKUNEN
Vice-présidente exécutive de la Commission européenne, chargée de la
Souveraineté numérique, de la Sécurité et de la Démocratie
Notre classement ne pouvait pas faire l’impasse sur celle qui a remplacé Thierry
Breton dans le cœur des acteurs de la tech. Quoique…
Malgré son portefeuille large et stratégique — l’IA et les technologies de
pointe, le cloud, les semi-conducteurs, les réseaux, ou encore la cybersécurité
—, cette Finlandaise de 53 ans, nommée commissaire au Numérique en décembre 2024
à l’occasion du deuxième mandat d’Ursula von der Leyen, est restée
particulièrement discrète depuis sa nomination — trop, diront ses détracteurs.
En cause : sa réaction jugée un peu tiède face aux attaques incessantes de
Donald Trump contre les lois numériques européennes.
A ces critiques, venues notamment des parlementaires européens, Henna Virkkunen
a répondu d’un simple “stay calm”. “Je travaille constamment sur ces sujets.
Mais bien sûr, chacun a des styles personnels très différents”, a-t-elle conclu.
16. SARAH LACOCHE
Directrice de la DGCCRF
La DGCCRF a vu son champ de compétences s’élargir ces dernières années, à mesure
que le commerce en ligne — et ses dérives — gagnait du terrain sur les ventes
physiques. Lutter contre les fausses promotions et les clauses abusives, veiller
à la sécurité des produits et aux bonnes pratiques des influenceurs, et bientôt
encadrer de l’IA… Un éventail de missions que Sarah Lacoche, directrice depuis
mai 2023, essaie de mener à bien, malgré des moyens humains et financiers
qu’elle juge insuffisants.
Ces derniers mois, la Répression des fraudes était attendue au tournant : au
terme de deux ans d’enquête, elle a finalement prononcé une amende de 40
millions d’euros contre le géant chinois de la fast-fashion Shein.
Sarah Lacoche est aussi sous le feu des projecteurs avec le projet de taxation
des petits colis, poussé par la France et désormais porté au niveau européen.
Dans ce cadre, la DGCCRF travaille d’arrache-pied avec les douanes sur un
nouveau protocole de coopération, très attendu par le petit monde du e-commerce.
17. JULIE LAVET
Cheffe des politiques publiques et des partenariats d’OpenAI pour l’Europe
Julie Lavet occupe l’un des postes de lobbyiste les plus en vue en cette période
du tout-IA. Depuis 2024, la Française est à la tête des affaires publiques du
géant OpenAI pour l’Europe. Une sacrée promotion pour celle qui s’occupait
auparavant des relations publiques d’Apple en France, mais surtout une montée en
intensité, alors que sa nouvelle entreprise est scrutée par les régulateurs
européens.
La trentenaire a réalisé son cursus honorum en cabinet ministériel, en
rejoignant en 2016 celui de Manuel Valls, alors Premier ministre. Elle y était
chargée des relations avec le Parlement.
Toujours basée à Paris, Julie Lavet devra sans nul doute gérer les relations
tendues avec les ayants droit, qui reprochent aux modèles d’intelligence
artificielle d’être entraînés sur leurs contenus sans autorisation ni
rémunération. Leur frustration grandit, alors qu’OpenAI a jusqu’ici douché les
espoirs de l’Alliance de la presse d’information générale et a séché les
dernières réunions sur le sujet organisées par le gouvernement.
18. MARIE-LAURE DENIS
Présidente de la Cnil
Conseillère d’Etat, Marie-Laure Denis est présidente de la Commission nationale
de l’informatique et des libertés depuis février 2019. Cette haute fonctionnaire
a consacré vingt ans de carrière à la régulation au sein d’autorités
administratives indépendantes : le Conseil supérieur de l’audiovisuel (devenu
l’Arcom) jusqu’en 2011, le régulateur des télécoms (l’Arcep) jusqu’en 2017, et
la Commission de régulation de l’énergie de 2017 à 2019.
Renouvelée en novembre 2023, elle est parvenue à faire avancer la Cnil sur une
ligne de crête : composer entre son rôle de gendarme des données et sa mission
d’accompagnement à l’innovation.
Marie-Laure Denis a inscrit sur la liste de ses priorités la protection de
l’enfance en ligne et l’éducation au numérique, mais aussi la prévention des
risques cyber et la régulation de l’intelligence artificielle. Sous sa
présidence, la Cnil devra encore achever sa mue en régulateur de l’IA, dont le
rôle dépasse largement celui de protecteur des données personnelles.
19. PHILIPPE LATOMBE
Député MoDem de Vendée
Membre de la commission des Affaires économiques, l’élu a fait de la
souveraineté numérique son cheval de bataille. Il est d’ailleurs l’auteur d’un
rapport parlementaire sur le sujet, publié en 2021. Du soutien aux start-ups au
transfert de données vers les Etats-Unis, en passant par le cloud souverain et
l’open data, Philippe Latombe se mobilise sur tous les fronts et milite pour une
volonté politique plus forte, à Paris et à Bruxelles, afin de protéger
entreprises nationales et citoyens.
Jusque-là, on ne peut pas dire qu’il ait été pleinement entendu. L’élu a tout
même profité de son poste de président de la commission spéciale chargée
d’examiner le projet de loi cybersécurité pour pousser — avec un succès mitigé —
nombre de mesures en faveur de la souveraineté et contre les lois
extraterritoriales à l’américaine.
20. CÉLINE BERTHON
Directrice générale de la sécurité intérieure
Elle est le visage de la — par nature discrète — direction générale de la
sécurité intérieure (DGSI). Céline Berthon, policière de formation, a été la
première femme à prendre la tête des renseignements intérieurs en 2024.
Depuis quelques mois, elle n’hésite plus à porter publiquement les doléances de
ses équipes. Le sujet le plus abrasif : une demande de levée du chiffrement des
messageries (WhatsApp, Signal, etc.) qui, selon elle, “aveuglent” les services
de renseignement, alors que les criminels et terroristes se tournent vers ces
solutions pour échapper à la surveillance des autorités.
Bien que son lobbying n’ait pas suffi à introduire une telle mesure, lorsqu’elle
a été examinée par le Parlement, Céline Berthon n’entend pas lâcher l’affaire.
D’autant qu’une nouvelle menace trouve désormais sa place dans son giron : les
ingérences étrangères, dont elle a elle-même été la cible.
21. STÉPHANE PACAUD
Directeur de WGCZ, propriétaire des sites XVideos et XNXX
L’homme est un caillou dans la chaussure de l’Arcom. Classé parmi les 500 plus
grosses fortunes de France par Challenges, avec plus de 600 millions d’euros en
banque, Stéphane Paccaud doit sa réussite à un réseau de sites pornographiques,
dont les très populaires XVideos et XNXX. Récemment, il a aussi mis la main sur
Jacquie et Michel.
Originaire du Creusot, en Saône-et-Loire, l’homme cultive la discrétion. Il
expliquait en 2019 se “moquer totalement de [se] faire connaître” et tançait
“l’incompétence” des médias, les accusant de “sensationnalisme” sur la question
du porno.
Stéphane Pacaud mène la bataille contre le contrôle d’âge sur les sites porno.
Son recours auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) risque
fort de mettre en défaut le régulateur tricolore, celui-ci ayant empiété sur le
droit européen, selon le rapporteur général de la CJUE. La décision doit être
rendue prochainement et pourrait détricoter les mesures de contrôles d’âge
construites par le législateur français.
22. JUSTINE ATLAN
Directrice générale d’e-Enfance
Directrice générale d’e-Enfance, association qui accompagne les victimes de
cyberharcèlement, Justine Atlan a, depuis toujours, soigné ses relations avec
l’exécutif : de Luc Chatel, ministre de l’Education nationale en 2009, à Clara
Chappaz, qui a quitté son poste au Numérique il y a quelques jours. Sa cause a
même séduit Brigitte Macron, qui l’a reçue pour parler des ravages des écrans
sur les jeunes enfants.
Loin de s’opposer aux acteurs de la tech, la lobbyiste a su tisser une relation
de confiance avec leurs représentants, qu’elle convie d’ailleurs chaque année,
aux côtés des régulateurs et des élus, au Parc des Princes pour le tournoi de
football caritatif de l’association.
Sur le fond des sujets, Justine Atlan a défendu ces derniers mois la mise en
place d’un système de vérification de l’âge des internautes et d’un contrôle
parental pour l’inscription des moins de 15 ans sur les réseaux sociaux. Plus
récemment, elle a appelé les parlementaires à chercher un financement pour les
signaleurs de confiance — chargés par l’Arcom de faire remonter aux plateformes
les contenus illicites.
23. ANNE BOUVEROT
Envoyée spéciale sur l’IA et coprésidente du Cian
Après avoir organisé avec succès le Sommet sur l’IA à Paris en février dernier,
Anne Bouverot est devenue l’un des rouages de la politique française en matière
d’intelligence artificielle.
C’est donc tout naturellement que l’ancienne ministre déléguée au Numérique
Clara Chappaz s’est tournée vers l’envoyée spéciale d’Emmanuel Macron pour l’IA
pour présider — aux côtés de Guillaume Poupard, directeur général adjoint de
Docaposte et ancien patron de l’Anssi — le tout nouveau Cian (Conseil de l’IA et
du numérique).
Anne Bouverot, qui a passé dix-huit ans chez Orange, est aussi présidente du
conseil d’administration de l’Ecole normale supérieure, où elle s’est
spécialisée dans les impacts sociétaux de l’IA.
24. MARC LOLIVIER
Délégué général de la Fevad
A la tête de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad)
depuis 2002, Marc Lolivier est incontournable dans le petit monde des boutiques
en ligne.
Dans les prochains mois, celui qui représente la France au sein de la fédération
européenne du e-commerce (Ecommerce Europe) aura du pain sur la planche. A Paris
d’abord, avec le budget 2026 dans lequel se profile une taxe de 2 euros sur les
petits colis destinée freiner l’arrivée massive de produits asiatiques dans
l’Hexagone. Selon Marc Lolivier, cette mesure devrait renforcer la compétitivité
des e-commerçants tricolores.
Mais le gros de son travail se fera bel et bien à Bruxelles, où la Commission
européenne prépare un texte sur la protection du consommateur à l’ère numérique
(Digital Fairness Act).
25. NATHALIE TEHIO
Présidente de la Ligue des droits de l’homme
Avocate au barreau de Paris, spécialiste des libertés publiques et des violences
policières, Nathalie Tehio a rejoint le bureau national de la LDH en 2020, avant
d’en prendre la présidence en mai 2024.
A l’époque, les émeutes font rage en Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement décide
de suspendre le réseau social TikTok dans l’archipel. “Une atteinte à la liberté
de communication des idées et des opinions” immédiatement dénoncée par
l’association, qui attaque d’urgence cette décision en justice.
Ce virage numérique s’est poursuivi ces derniers mois. Par exemple, la LDH a
porté plainte en février contre Apple pour collecte illégale de données via son
assistant Siri. A peu près au même moment, l’association a aussi joué les
lanceuses d’alerte, attirant l’attention de l’Arcom au sujet de la plateforme
Kick et les violences perpétrées sur la chaîne Le Lokal.
Nathalie Tehio réfléchit sérieusement à faire de la LDH un signaleur de
confiance, au titre du règlement européen sur les services numériques (DSA). Ce
statut permettrait à l’association de faire remonter plus rapidement les
contenus illicites aux plateformes.
26. PASCAL ROGARD
Directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques
Inlassable défenseur de “l’exception culturelle”, il ne mâche pas ses mots
lorsqu’il s’agit de clasher les plateformes — notamment TikTok, qu’il menace
régulièrement d’un procès pour non-versement des droits d’auteur.
Juriste de formation et lobbyiste influent à Paris comme à Bruxelles, où il a
mené le combat pour l’adoption de la directive sur le droit d’auteur, Pascal
Rogard a fait toute sa carrière au service de la culture, d’abord auprès des
producteurs et réalisateurs de cinéma, puis des auteurs.
Son dernier combat en date (et à venir) : faire barrage à OpenAI, très tentée de
présenter son film d’animation généré par IA au… Festival de Cannes 2026.
Remonté comme un coucou, le patron de la SACD a écrit à la présidente du
festival, Iris Knobloch, pour s’enquérir de la place qu’aurait ce projet sur la
Croisette.
27. LAURE DE LA RAUDIÈRE
Présidente de l’Arcep
Pas facile de succéder à l’hyperactif Sébastien Soriano. Laure de La Raudière a
pourtant réussi à imprimer sa marque dans le secteur des télécoms. Normalienne
et ingénieur télécoms, elle a passé onze ans chez France Télécom, avant de
fonder sa société de conseil. Elue députée UMP d’Eure-et-Loire en 2007, elle
s’investit dans les dossiers numériques et fait pas moins de neuf rapports sur
le sujet, allant de la neutralité du net à l’économie numérique, en passant par
la couverture du territoire.
Sa nomination début 2021 à la tête de l’Arcep, l’autorité de régulation du
secteur, surprend autant qu’elle rassemble. Ce qui a fait pencher la balance ?
“Elle est à la fois très ancrée dans la politique locale et sait traiter de
sujets techniques arides”, expliquait alors aux Echos le ministre de l’Economie
Bruno Le Maire, qui aurait vivement recommandé la députée à Emmanuel Macron.
Depuis l’été, la présidente de l’Arcep s’est donné une mission : étendre la
régulation numérique de l’UE aux services de cloud et d’IA des géants
américains, pour faciliter l’émergence d’alternatives européennes.
28. VINCENT STRUBEL
Directeur général de l’Anssi
Il est un pur produit de l’Anssi. Ingénieur X-Télécoms, membre du corps des
Mines, Vincent Strubel a fait de la sécurité des systèmes d’information sa
spécialité. Il rejoint l’agence en 2009 en tant que chef du laboratoire
architectures matérielles et logicielles, puis occupe les postes de responsable
des expertises et de directeur de l’Opérateur des systèmes d’information
interministériels classifiés — une émanation de l’Anssi —, avant d’être nommé DG
en 2023.
En bon fonctionnaire, Vincent Strubel dépasse rarement les bornes de son devoir
de réserve, mais sait habilement pointer les responsabilités des uns et des
autres — et livrer le fond de sa pensée sur une disposition législative. Et
quand il sort du cadre, c’est que l’heure est grave. Tout récemment, il a remis
à sa place le hackeur-influenceur Clément Domingo, ulcéré par l’ampleur d’une
rumeur de cyberattaque “massive” contre une agence de l’Etat.
29. PAVEL DUROV
Fondateur et dirigeant de Telegram
D’amoureux autoproclamé de la France, Pavel Durov est devenu son détracteur.
Alors que le fondateur de Telegram est désormais sous contrôle judiciaire dans
l’Hexagone depuis plus d’un an, il s’est tourné vers les médias et ses followers
pour dénoncer la procédure qui le vise, et le tient pour responsable des
activités illégales qui se déroulent sur sa messagerie.
Désormais brouillé avec la France, il a délaissé son deuxième nom, Paul du Rove
— qu’il avait choisi en accédant à la nationalité tricolore en 2021, avec
l’appui d’Emmanuel Macron —, et s’attaque frontalement à certains services,
comme la DGSE et son patron Nicolas Lerner.
Durov peut néanmoins s’appuyer dans son combat sur le soutien d’Elon Musk et de
plusieurs influenceurs de la sphère MAGA, qui n’hésitent pas à faire le
déplacement en France pour l’interviewer dans la prison dorée des hôtels
parisiens.
30. BENOÎT TABAKA
Directeur des affaires publiques de Google France
C’est l’un des lobbyistes les plus connus du secteur numérique. Et pour cause :
du Forum des droits sur l’internet au secrétariat général du Conseil national du
numérique, en passant par les affaires publiques du groupe PriceMinister, Benoît
Tabaka a déjà eu plusieurs vies professionnelles.
A la tête des affaires publiques de Google France depuis 2018, il a récemment
pris du galon et dirige, depuis septembre, les relations institutionnelles et
politiques publiques du géant américain en Europe du Sud.
Il faut dire que la “méthode Tabaka” a fait ses preuves, à Paris comme à
Bruxelles. Cordial, réactif aux demandes du législateur, rechignant rarement à
faire une énième audition sur le même sujet au nom de la sacro-sainte
“pédagogie”, il a su tisser une relation apaisée avec les pouvoirs publics
(ministres, parlementaires et même collectivités locales), privilégiant le
dialogue à l’opposition de principe.
Gaspard G | Teresa Suarez/EPA
31. GASPARD G
Influenceur
Tout juste nommé vice-président de l’Union des métiers de l’influence et des
créateurs de contenu (Umicc), le youtubeur Gaspard G a récemment pris un virage
plus politique. Son objectif : obtenir des aides de l’Etat pour les influenceurs
d’information, afin de réduire leur dépendance aux partenariats avec les
marques. Cette ambition s’accompagne d’une autre demande : la reconnaissance
d’un véritable statut pour ces influ-journalistes qui aident, selon lui, à la
lutte contre la désinformation.
Gaspard G poursuit par ailleurs ses propres projets en tant que créateur et
producteur de contenu. A la tête de l’agence Intello, il a notamment accompagné
ces derniers mois des présentateurs, comme Claire Chazal et Stéphane Bern, à
faire leur mue sur YouTube. En parallèle, l’influenceur pénètre peu à peu
l’écosystème politique via des interviews pour sa chaîne d’actualité. Parmi ses
invités, des poids lourds, comme François Hollande ou Emmanuel Macron.
32. ROXANNE VARZA
Directrice de Station F
Quel start-uppeur peut prétendre n’avoir jamais visité son temple de la tech ?
Roxanne Varza, la patronne de Station F, est l’une des personnalités les mieux
connectées de l’écosystème des start-ups français. Il faut dire que Station F
parvient toujours à se placer sur la carte des événements tricolores du
numérique. Hub des grands rendez-vous de la tech, il est aussi le lieu de
réception des soirées VIP organisées par des géants, comme OpenAI, et de dîners
confidentiels.
Au cœur de cette plaque tournante du réseautage tech, Roxanne Varza tient la
barre depuis plus de dix ans. Née à Palo Alto, naturalisée Française, l’ancienne
journaliste avait été repérée par le milliardaire Xavier Niel, fondateur de
Station F, alors qu’elle prêtait sa plume au média TechCrunch.
Roxanne Varza (qui est également micro-influenceuse sur Spotify) accompagne
désormais les projets d’incubation du patron d’Iliad. Dernier en date :
l’accélérateur de start-ups sportives du Paris Saint-Germain, qui s’est
installé, lui aussi, à Station F.
33. PIERRE LOUETTE
PDG du groupe Les Echos et président de l’Apig
A la tête du groupe Les Echos depuis 2023, cet ancien magistrat de la Cour des
comptes est depuis 2024 le très influent président de l’Alliance de la presse
d’information générale (Apig). Un poste qu’il a déjà occupé de 2020 à 2022 dans
le contexte très tendu des négociations sur les droits voisins entre les acteurs
de la presse et les plateformes.
Le retour de ce fin négociateur à la tête de l’Apig coïncide avec l’ouverture
d’un nouveau front dans la bataille qui oppose les ayants droit et les
entreprises de la tech : celui du développement de l’intelligence artificielle
et de la rémunération des auteurs.
Alors que la concertation menée par les ministères de la Culture et du Numérique
patine, Pierre Louette n’hésite plus à passer à l’offensive. Avec le Syndicat
des éditeurs de la presse magazine (SEPM), l’Apig a lancé une action contre
trois bases de données publiques, largement utilisées par les géants de l’IA
pour entraîner leurs modèles.
Pierre Louette a aussi saisi, il y a quelques jours, l’Autorité de la
concurrence au sujet des négociations avec Meta sur les droits voisins. L’Apig
juge en effet “insultante” la proposition de rémunération du géant américain et
dénonce un abus de position dominante.
34. ALEX HITCHENS
Influenceur
Pour les pouvoirs publics, il est l’incarnation française du courant
masculiniste sur les plateformes qui aggrave les stéréotypes de genre.
L’influenceur et coach en séduction Alex Hitchens totalise pratiquement 400 000
abonnés sur YouTube et 719 000 sur un compte de secours sur TikTok — l’officiel
a été fermé à la demande de la ministre chargée de l’Egalité femmes-hommes
Aurore Bergé.
Le vidéaste ne s’en cache pas : il faut choquer pour percer dans l’influence.
Lui, par exemple, n’a pas hésité à conseiller aux femmes de ne pas sortir dans
la rue après 22 heures. Cette déclaration lui a valu des échanges tendus avec
les députés Laure Miller (EPR) et Arthur Delaporte (PS) lors de son audition par
la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur TikTok — qu’il a quittée
brutalement.
Devenue virale, la séquence a mis en lumière ce courant que les pouvoirs publics
aimeraient endiguer. Et pour cause : selon l’Office anticybercriminalité (Ofac),
qui gère la plateforme de signalement Pharos, le mouvement incel prend de
l’ampleur en Europe. En réponse, le Haut conseil à l’égalité préconise même la
création d’un “délit de sexisme” pour encadrer ce type de contenu.
35. SYLVIE VALENTE LE HIR
Sénatrice LR de l’Oise
Elle n’est pas du genre à baisser les bras. Malgré l’instabilité et la valse des
gouvernements, la rapporteure sur la proposition de loi sur la fast-fashion a
fait des pieds et des mains pour inscrire le texte à l’ordre du jour du Sénat.
Un lobbying réussi, qui s’est soldé par l’adoption d’un texte largement remodelé
le 2 juin.
Sous sa houlette, la Chambre haute a revu un élément clé de la PPL : la
définition même de la fast-fashion, qui se base désormais sur le nombre de
produits neufs et non plus de références présentes sur un site. Une façon
d’exclure les marketplaces françaises ou européennes, comme Kiabi ou Zalando,
qu’elle tient à protéger face à la concurrence des Shein ou Temu. Mais sa
réécriture ne fait pas l’unanimité et pourrait bien faire l’objet de débats en
commission mixte paritaire.
36. GUILLAUME POUPARD
Directeur général adjoint de Docaposte et coprésident du Cian
Depuis son départ de l’Anssi en 2023, Guillaume Poupard dit tout haut avec sa
voix rassurante ce que son successeur, Vincent Strubel, pense tout bas.
Notamment sur la remise en cause du chiffrement des communications par
l’ex-ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.
A la tête de Docaposte depuis janvier 2023, il n’a pas rompu pour autant ses
liens avec le gouvernement. A peine avait-il achevé sa mission d’envoyé spécial
sur l’IA de confiance pour le sommet de Paris — où il a œuvré à la création d’un
institut de l’évaluation des risques de l’intelligence artificielle — qu’il a
aidé à choisir le nouveau président du Campus Cyber. Lassé d’écrire des posts
LinkedIn — c’est lui qui le dit ! —, l’ingénieur a depuis trouvé dans le Conseil
de l’IA et du numérique (Cian) une nouvelle plateforme pour diffuser ses idées,
notamment auprès de l’exécutif.
Octave Klaba | Julien de Rosa/IP3/Getty Images
37. OCTAVE KLABA
Président d’OVHcloud
C’est le porte-voix du cloud tricolore. Et il vient tout droit de Pologne.
Octave Klaba a consacré trois décennies à son entreprise OVH pour tenter de
grignoter des parts de marché aux géants américains. Il leur emprunte pourtant
tous les codes : son entreprise est nichée dans la “Roubaix Valley”, et il
n’oublie jamais de faire le show. Guitare à la main, Klaba ouvre chacun des “OVH
Summits” par un concert de rock.
Depuis quelques années, l’entrepreneur s’est lancé un nouveau défi : construire
tant bien que mal un “champion des services cloud”, à partir d’anciennes pépites
déchues de la tech française. En 2021, il a racheté la boîte de cloud gaming
Shadow, puis a convaincu, deux ans plus tard, la Caisse des dépôts d’investir à
ses côtés pour reprendre le moteur de recherche Qwant.
Ses appels à la souveraineté numérique ont trouvé directement écho auprès des
sénateurs de la commission d’enquête sur la commande publique, qui appelle à
orienter les achats publics vers la tech hexagonale. OVH attend désormais de
piquer à Microsoft le contrat d’hébergement du Health Data Hub avant de crier
victoire.
38. ERIC BOTHOREL
Député EPR des Côtes-d’Armor
Adoubé par le secteur des télécoms, à qui il prête une oreille attentive, le
député breton œuvre pour réduire la fracture territoriale de la couverture
numérique.
Membre de la commission des Affaires économiques, Bothorel agit aussi en
contrepoids des tentations de régulation de l’exécutif ou de certains de ses
camarades : il s’oppose ainsi à la vérification d’âge en ligne, à l’interdiction
des réseaux sociaux pour les plus jeunes, comme au règlement européen
ChatControl.
Aboutissement de cette prise de distance, il a décidé de quitter EPR pour
rejoindre les rangs de ses apparentés. Mais il sait toujours se comporter en bon
soldat pour défendre le gouvernement, par exemple pour préserver la copie
initiale du projet de loi cyber dont il est rapporteur général.
39. MAYA NOËL
Directrice générale de France Digitale
Directrice du lobby des jeunes pousses France Digitale depuis plus de quatre
ans, Maya Noël est l’avocate des start-ups dans les périodes de gros temps —
dont l’année 2025 fait partie. Après avoir atteint des sommets en 2022, les
levées de fonds du secteur n’ont fait que baisser, a diagnostiqué France
Digitale en septembre 2025.
De quoi renforcer l’argumentaire de Maya Noël, qui devra défendre l’écosystème
dans les négociations budgétaires à venir, à l’heure où la tentation est grande
de trancher net dans les avantages des entreprises.
Celle qui a fait ses classes en cofondant YBorder — une plateforme RH pour
trouver des profils de développeurs —, avant de rejoindre le fondateur de
BlaBlaCar Frédéric Mazzella à France Digitale, se prépare à prendre son bâton de
pèlerin pour convaincre les nouveaux occupants de Bercy des bienfaits de la
start-up nation. Un concept qui, France Digitale veut le croire, survivra au
macronisme.
40. PAUL MIDY
Député EPR de l’Essonne
Elu à l’Assemblée nationale depuis 2022, Paul Midy se veut la voix des
start-ups, qu’il défend à chaque sursaut de l’actualité. Cette année, il a ainsi
ferraillé contre la taxe Zucman, et a volé au secours des entrepreneurs cryptos
et de leurs données sensibles après une série de rapts.
A l’Assemblée, Paul Midy est souvent celui par lequel les coups de poker sur la
politique du numérique passent : en 2024, il avait été l’émissaire surprise d’un
amendement visant à revenir sur le chiffrement des applis de messagerie.
Son maître mot : lutter contre “l’impunité en ligne”, un combat qui passerait
selon lui par une fin de “l’anonymat sur les réseaux sociaux”. Et qu’il n’a pas
abandonné malgré des revers dans l’arène parlementaire.
Le prochain chantier de ce polytechnicien, passé par plusieurs start-ups, sera
de défendre les avantages fiscaux des jeunes pousses dans les négociations
budgétaires, à l’heure de la rigueur dans la gestion des finances publiques.
41. PATRICK CHAIZE
Sénateur LR de l’Ain
“On ne peut pas lui reprocher de ne pas connaître ses sujets”, reconnaît une
lobbyiste souvent en désaccord avec lui. Patrick Chaize a une obsession : les
télécoms, qu’il veille à mettre à l’agenda parlementaire aussi fréquemment qu’il
le peut. Chaque année, le sénateur se démène pour minimiser l’ampleur des coupes
budgétaires et, en parallèle, instiller l’idée d’un plan “France Numérique 2030”
pour remettre à plat le financement des réseaux comme des politiques d’inclusion
numérique.
Fils d’électricien automobile, président de l’Avicca, l’association des
collectivités locales engagées dans le numérique, Patrick Chaize est dur avec
les opérateurs télécoms — il souhaite les voir améliorer la qualité des
raccordements en fibre optique — et avec les plateformes numériques. Lors des
émeutes du printemps 2023, il avait fait la demande ébouriffante que celles-ci
suppriment les contenus incitant à la violence. L’amendement avait été écarté en
douceur. Patrick Chaize est un parlementaire que l’on ménage, tant dans le
secteur télécoms que du côté du gouvernement.
42. SASHA LUCCIONI
Chercheuse spécialisée dans l’intelligence artificielle et le changement
climatique
Elle est l’une des précurseures dans la recherche sur l’impact environnemental
de l’intelligence artificielle. Sasha Luccioni est chargée des questions d’IA et
de climat pour la licorne franco-américaine Hugging Face depuis quatre ans et
exige sans relâche plus de transparence de la part des entreprises d’IA sur
leurs émissions carbone. Un enjeu brûlant à mesure que de nouveaux datacenters
sortent de terre et que les entreprises cherchent à obtenir toujours plus de
capacités de calcul.
A 34 ans, la chercheuse canadienne a ainsi contribué à créer l’outil CodeCarbon
ou les energy scores pour tenter d’imposer un référentiel de transparence en
matière énergétique. Si les entreprises d’IA se sont faites plutôt discrètes sur
ce point, la donne serait-elle en train de changer ? Mistral AI a en tout cas
publié cette année sa première étude d’impact, de l’entraînement à l’usage des
modèles, avec l’appui de l’Ademe et du cabinet Carbone 4.
Tag - Intelligence artificielle
BRUXELLES — La Commission européenne a affirmé que ses règles en matière de
numérique étaient sorties indemnes de l’accord commercial conclu dimanche avec
les Etats-Unis.
La réglementation de l’UE qui pèse sur les géants américains de la tech
constitue un gros point de désaccord entre les deux parties. L’absence de
précisions dans l’accord entre la présidente de la Commission européenne, Ursula
von der Leyen, et le président des Etats-Unis, Donald Trump, a permis à chacun
de mettre en avant sa propre interprétation.
L’UE a affirmé que ses règles étaient préservées, mais les Etats-Unis pensent
toujours qu’elles doivent être discutées.
“L’attaque [de l’UE] contre nos entreprises technologiques, ce sera mis sur la
table”, a assuré à CNBC mardi le secrétaire américain au Commerce, Howard
Lutnick, lorsqu’on lui a demandé si l’accord de dimanche justifiait la poursuite
des négociations commerciales avec l’UE.
Cela montre que les Etats-Unis ne semblent pas vouloir renoncer à la campagne
qu’ils mènent depuis des mois contre les règles de l’UE en matière de modération
des contenus, de concurrence numérique et d’intelligence artificielle, malgré
l’insistance de l’Union à dire que ses réglementations ne font pas l’objet de
négociations dans le cadre des pourparlers sur leurs relations commerciales.
Pire encore, des parlementaires craignent que l’exécutif européen ait déjà cédé
du terrain ou que les Etats-Unis se sentent en position de force après l’accord
de dimanche pour continuer à critiquer le droit européen.
AUCUNE CONCESSION ACCORDÉE
La Commission s’est empressée de souligner que la réglementation du numérique
était l’un des domaines sur lesquels elle n’avait pas cédé le moindre
centimètre. Des textes ont été exclus des négociations, tels que le règlement
sur les services numériques (DSA) et celui sur les marchés numériques (DMA).
“Il n’y a absolument aucun engagement sur la réglementation du numérique, ni sur
la fiscalité numérique”, a insisté un responsable de l’UE lundi. Il a ajouté que
la défense, par la Commission, de l’autonomie de l’Union en matière de
régulation n’avait pas été suffisamment reconnue.
Cela semblait être une victoire pour Bruxelles. Pendant ce temps, les Etats-Unis
se sont employés à arracher des concessions sur les barrières commerciales
visant le secteur du numérique à d’autres pays lors de négociations
commerciales, par exemple lors de celles avec l’Indonésie.
Début juillet, Henna Virkkunen, la vice-présidente exécutive de la Commission
chargée de la Souveraineté technologique, a tracé une ligne rouge, déclarant à
POLITICO que le DSA, le DMA et le règlement européen sur l’intelligence
artificielle “ne faisaient pas partie des négociations commerciales de notre
côté”.
Un tacle cinglant de la part d’une haute responsable de l’UE, après des mois de
violentes critiques aux Etats-Unis, où responsables publics, parlementaires et
dirigeants de la tech ont comparé les règles européennes tantôt à de la censure
(DSA), tantôt à un ciblage injuste des entreprises américaines (DMA) ou à un
étouffement de l’innovation (AI Act).
LE FERONT-ILS, LE FERONT-ILS PAS ?
Mais l’accord de dimanche contient certaines formulations qui donnent aux
Etats-Unis des munitions pour franchir cette ligne plus tard.
Ursula von der Leyen a admis, dans ses premières déclarations après la signature
de l’accord, que les deux parties allaient continuer à “lever les obstacles non
tarifaires”. Les Etats-Unis ont ensuite déclaré que les deux parties allaient
“lever les obstacles non tarifaires injustifiés sur le numérique”.
Jim Jordan, un puissant élu républicain qui a mené les attaques contre le DSA en
tant que président de la commission judiciaire du Congrès américain, a glissé
après une visite à Bruxelles lundi que le DSA pourrait être un “point de
discussion dans les négociations commerciales en cours entre la Maison-Blanche
et l’Union européenne”. | Michael Reynolds/EPA
Dans les jours qui ont suivi l’accord, les Etats-Unis ont commencé à saper
l’affirmation de l’UE selon laquelle elle avait obtenu une victoire et préservé
sa réglementation sur le numérique.
Jim Jordan, un puissant élu républicain qui a mené les attaques contre le DSA en
tant que président de la commission judiciaire du Congrès américain, a glissé
après une visite à Bruxelles lundi que le DSA pourrait être un “point de
discussion dans les négociations commerciales en cours entre la Maison-Blanche
et l’Union européenne”.
Il a promis de “prendre contact avec les gens de la Maison-Blanche” à ce sujet.
Howard Lutnick n’a pas tardé à reprendre sa suggestion mardi.
La Maison-Blanche a ouvert un second front en publiant, lundi en fin de journée,
une fiche d’information dans laquelle elle affirme que l’Union européenne
n’appliquera pas les “frais de réseau”. Il s’agit d’une proposition visant à
mettre à contribution les plus grandes plateformes, principalement américaines,
telles que Netflix et YouTube, au financement des infrastructures de
télécommunications en Europe.
Le porte-parole de la Commission pour les questions de commerce extérieur, Olof
Gill, a confirmé cette information aux journalistes mardi, lors d’une session
mouvementée au cours de laquelle l’Union s’est efforcée de défendre son accord
commercial.
“C’est exact, mais cela n’affecte pas nos règles ni notre marge de manœuvre
réglementaire”, a-t-il assuré, soulignant que “nous ne renonçons pas à notre
droit de réglementer de manière autonome dans le domaine numérique”.
RESTER SUR SES GARDES
Certains craignent qu’au lieu de régler définitivement la question, Bruxelles
doive continuer à rester sur ses gardes lorsqu’elle déploiera ou appliquera ses
règles sur le numérique.
Henna Virkkunen a promis en juin que plusieurs enquêtes dans le cadre du DSA
seraient menées à bien dans les semaines et les mois à venir, en particulier une
enquête sur le réseau social X d’Elon Musk.
“Maintenant que l’accord est conclu, nous devrions nous attendre à des
résultats”, anticipe Nick Reiners, analyste tech senior chez Eurasia Group.
“Cela dit, la Commission sera prudente, car l’accord n’est encore que de
principe.”
L’exécutif européen devra également se montrer prudent sur la question des frais
de réseau dans son prochain texte sur les télécommunications, le Digital
Networks Act, prévu pour décembre.
Elle a mis de côté cette proposition très controversée de frais de réseau,
également connue sous le nom de “fair share”, pour un certain temps, choisissant
plutôt d’explorer d’autres options réglementaires. Cet argument ne convainc pas
ses opposants, pour qui la mesure changera de nom, mais reviendra à payer des
frais de réseau.
Le recul de l’UE sur cette mesure ayant été révélé au grand jour, la Commission
devra peut-être agir avec plus de prudence et être prête à tordre le cou à toute
accusation selon laquelle elle rompt la paix commerciale en réintroduisant cette
redevance en catimini.
D’autres ont une vision encore plus pessimiste.
Ils affirment que Bruxelles a cédé aux conditions de Trump, ce qui permettra aux
Etats-Unis de s’en prendre encore plus durement à l’Union.
“Cela envoie le mauvais signal : si nous plions sous la pression, qu’est-ce qui
empêchera Trump de s’en prendre ensuite à notre législation ?”, a alerté
l’eurodéputé des Socialistes et démocrates Brando Benifei, l’un des chefs de
file au Parlement sur l’AI Act, dans un communiqué.
La Commission n’a pas commenté les remarques d’Howard Lutnick avant la
publication de cet article.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en
français par Jean-Christophe Catalon.