PARIS — Les cadres d’EDF vont devoir s’habituer aux mocktails. A partir du 1er
janvier, plus une seule goutte d’alcool ne sera en effet tolérée chez
l’énergéticien.
Les boissons alcoolisées seront interdites sur l’ensemble des sites de
l’entreprise et de ses filiales, parmi lesquelles le distributeur Enedis ou
Dalkia, spécialisé dans les réseaux de chaleur et de froid, ou le chaudiériste
nucléaire Framatome. Cela comprend aussi les pots et repas professionnels, selon
une décision du comité exécutif d’EDF du 22 septembre, que POLITICO a pu
consulter.
La décision a été impulsée par Bernard Fontana, arrivé en mai à la tête de
l’entreprise publique. Il avait déjà instauré la même politique chez Framatome,
une filiale d’EDF spécialisée dans les équipements nucléaires, lorsqu’il la
dirigeait.
Motifs de cette interdiction, invoqués par EDF, qui a confirmé l’information à
POLITICO : “santé publique” et “exemplarité managériale”. L’alcool était déjà
proscrit sur les sites industriels du groupe, notamment les centrales
nucléaires, où la sécurité est primordiale. Des contrôles peuvent même avoir
lieu pour s’assurer de la sobriété des salariés sur certains sites.
Cette décision n’est pas liée au plan massif d’économies annoncé par Bernard
Fontana, précise encore l’énergéticien.
C’EST DU SÉRIEUX
Dans le détail, les stands du groupe dans les différents salons ne proposeront
pas d’alcool non plus — quand d’autres entreprises concurrentes proposent sur
les mêmes salons des déjeuners arrosés ou trinquent aux nouveaux contrats sur
les leurs. Le stand d’EDF était ainsi l’un des rares sans alcool au Salon
mondial du nucléaire, qui s’est tenu à Villepinte au début du mois de novembre,
a constaté POLITICO.
La nouvelle politique s’appliquera aussi aux séminaires ou vœux du Nouvel An
organisés par EDF, ainsi qu’aux notes de frais pour les repas en déplacement
(l’alcool consommé ne sera plus remboursé), précise la décision du comité
exécutif consultée par POLITICO.
Seule exception évoquée : un éventuel événement “extérieur associant des parties
prenantes externes, avec modération” et sur décision d’un membre du comité
exécutif ou d’un dirigeant d’une filiale, précise encore le document.
TOUR DE TABLE SYNDICAL
La décision, qui concernera l’ensemble des 190 000 salariés du groupe, n’a pas
été prise sans heurts. A l’origine, la direction d’EDF souhaitait que cette
nouvelle politique s’applique immédiatement, ce qui a suscité une levée de
boucliers de la part de la CFE-CGC, premier syndicat de l’entreprise. Elle a
finalement été décalée de quelques mois, au 1er janvier prochain.
Amélie Henri, déléguée syndicale centrale CFE-CGC, regrette auprès de POLITICO
que les représentants du personnel n’aient initialement pas été consultés,
malgré une “culture du dialogue sociale” en principe “importante” chez EDF.
La consommation d’alcool chez EDF “était déjà bien réglementée”, juge pour sa
part Gwénaël Plagne, secrétaire CGT du CSE central du groupe. Il y voit le signe
d’une “politique toujours plus répressive menée par la direction d’EDF” et
craint la multiplication des sanctions.
“C’est le sujet du moment, Tonton Bernard a réussi son buzz”, relativise
toutefois un syndicaliste.
En France, la consommation de vin, poiré, cidre ou bière est tolérée sur le lieu
de travail, en toute modération et dans le respect du règlement intérieur de
l’entreprise. L’ivresse sur le lieu de travail est interdite. Certaines
entreprises interdisent déjà l’alcool sur des sites industriels, notamment
Renault.
SOBRIÉTÉ À TOUS LES ÉTAGES
La sobriété n’est pas que dans les verres. Bernard Fontana a promis la mise en
place d’un plan d’économies à son arrivée à la tête d’EDF. Le dîner organisé au
début du mois par EDF pour rassembler le gratin du nucléaire au Plaza Athénée,
un hôtel de luxe situé avenue Montaigne à Paris, a failli en faire les frais.
Ayant eu vent du lieu du dîner organisé en marge du salon mondial du nucléaire
civil, le PDG a voulu l’annuler, selon deux personnes au fait des échanges. Il
n’a pas eu gain de cause, le lieu étant déjà réservé et des frais engagés.
Un dîner de “très haut niveau, CEOs only avec tuxedo”, selon l’une d’entre
elles. Peut-être une des dernières occasions pour les dirigeants de
l’énergéticien de trinquer sous une bannière EDF.