Les gouvernements peuvent être tenus légalement responsables de leur inaction en
matière de climat, a déclaré la plus haute juridiction du monde dans une
décision historique rendue mercredi. Cette décision pourrait ouvrir la voie à
une cascade de poursuites judiciaires.
Dans la première décision de ce type, la Cour internationale de justice (CIJ) a
estimé que le droit international en vigueur obligeait tous les pays — qu’ils
aient signé l’accord de Paris de 2015 sur le climat ou, comme les États-Unis,
qu’ils quittent le traité — à lutter contre le réchauffement climatique.
L’inaction des gouvernements — et notamment l’absence de réglementation
suffisante des entreprises qui portent atteinte au climat —, “constitue (…) un
fait internationalement illicite” qui peut avoir des conséquences juridiques,
notamment une “réparation intégrale aux Etats lésés sous forme de restitution
[ou] d’indemnisation”.
En lisant l’avis unanime, le président de la CIJ, Yuji Iwasawa, a souligné “la
menace urgente et existentielle que représente le changement climatique” et a
exposé une vision très large de ce qui pourrait constituer une telle violation.
“Le fait qu’un Etat ne prenne pas les mesures appropriées pour protéger le
système climatique des émissions [de gaz à effet de serre], notamment en
produisant des combustibles fossiles, en les consommant, en octroyant des
licences pour l’exploration de tels combustibles ou des subventions en leur
faveur, peut constituer un fait internationalement illicite attribuable à cet
Etat”, a-t-il déclaré.
Les défenseurs de la justice climatique et les pays particulièrement vulnérables
aux effets du réchauffement climatique ont célébré la décision de la CIJ comme
une victoire historique dans leur combat pour demander des comptes aux plus
grands émetteurs.
Bien que l’avis lui-même ne soit pas contraignant, il représente
l’interprétation par les juges de traités internationaux contraignants, des
conventions existantes et du droit coutumier, et sera influent dans les futures
actions en justice relatives au climat. Il ouvre également la possibilité aux
pays touchés par les catastrophes climatiques et l’élévation du niveau de la mer
de poursuivre les grands pollueurs tels que les Etats-Unis et l’Union
européenne.
Deux semaines d’audiences se sont tenues en décembre, au cours desquelles de
nombreux grands émetteurs ont fait valoir que le cadre climatique existant de
l’ONU était suffisant en tant qu’outil juridique. De nombreux pays plus pauvres
et vulnérables au changement climatique ont demandé à la CIJ une interprétation
plus large permettant d’éventuelles réparations. La Cour s’est rangée du côté de
ces derniers ce mercredi.
L’avis de la CIJ est le résultat d’une campagne de plusieurs années menée par de
jeunes militants de la petite nation insulaire du Vanuatu, dont la survie est
menacée par l’élévation du niveau de la mer et des tempêtes de plus en plus
violentes.
Les efforts déployés pour lutter contre le changement climatique “ne sont pas de
l’idéalisme, comme certains voudraient le faire croire. La Cour vient de
confirmer qu’il s’agit d’obligations contraignantes”, a déclaré Ralph Regenvanu,
ministre du climat du Vanuatu.
“Je suis certain que l’arrêt d’aujourd’hui inspirera de nouvelles affaires dans
lesquelles les victimes du monde entier, d’un point de vue juridique, se
rendront compte qu’elles peuvent faire valoir leurs droits et demander des
comptes.”
LE CLIMAT À L’ÉPREUVE DE TRUMP
La demande d’orientation juridique du Vanuatu se répartissait en deux volets :
premièrement, elle demandait à la CIJ de clarifier les obligations des pays en
vertu du droit international en matière de lutte contre les émissions et,
deuxièmement, les conséquences juridiques pour les pays dont les actions — ou
l’inaction — nuisent au climat.
Les juges ont noté que les traités internationaux existants sur le climat, tels
que l’Accord de Paris et la convention globale des Nations unies, établissent
des “obligations contraignantes” pour les pays afin de protéger le système
climatique de la planète contre les émissions de gaz à effet de serre qui font
grimper la température mondiale.
Ces obligations comprennent l’adoption de mesures visant à réduire les émissions
et à s’adapter aux conséquences du changement climatique, les pays développés —
responsables de la majeure partie de la pollution historique par les gaz à effet
de serre — jouant un rôle de premier plan dans ces efforts.
Mais des obligations similaires existent dans le droit coutumier non écrit, ont
insisté les juges.
“Les Etats ont l’obligation de prévenir les dommages significatifs à
l’environnement en agissant avec la diligence requise et de mettre en œuvre tous
les moyens à leur disposition pour empêcher que les activités exercées dans les
limites de leur juridiction ou sous leur contrôle causent des dommages
significatifs au système climatique et à d’autres composantes de
l’environnement”, peut-on lire dans l’avis.
Sans mentionner les Etats-Unis, qui, sous la présidence de Donald Trump, se
retirent pour la deuxième fois de l’Accord de Paris, Yuji Iwasawa, de la CIJ, a
déclaré que le fait de ne pas être membre des traités sur le changement
climatique ne dispense pas un pays de son devoir de lutter contre le
réchauffement de la planète.
“Les obligations coutumières sont les mêmes pour tous les Etats et existent
indépendamment du fait qu’un État soit ou non partie aux traités sur le
changement climatique”, a-t-il déclaré.
Les pays ont également le devoir de coopérer dans la lutte contre le changement
climatique en vertu du droit international, a déclaré la Cour.
L’ENVIRONNEMENT PROPRE EST UN “DROIT HUMAIN”
La violation de ces obligations “constitue un fait internationalement illicite
engageant la responsabilité de cet Etat”, ont déclaré les juges.
Une telle violation peut avoir des conséquences juridiques, notamment, si un
lien de causalité peut être établi entre l’inaction d’un Etat en matière de
climat et les dommages causés par une catastrophe climatique survenue ailleurs,
la “réparation intégrale des Etats lésés”.
L’établissement d’un tel lien de causalité est difficile, a reconnu Yuji
Iwasawa, “mais cela ne signifie pas que l’identification d’un lien de causalité
soit impossible dans le contexte du changement climatique”.
En lisant l’avis, Yuji Iwasawa a proposé une interprétation large des
obligations légales des pays en matière de changement climatique.
Notamment, il a déclaré que la CIJ considère la limitation du réchauffement
climatique à 1,5°C au-dessus des niveaux préindustriels comme le “principal
objectif” que les pays ont accepté dans le cadre de l’Accord de Paris. L’accord
oblige les pays à limiter la hausse des températures à “bien moins” de 2°C et
idéalement à 1,5°C, mais c’est ce dernier qui est devenu un symbole de l’action
climatique mondiale.
La planète s’est déjà réchauffée de 1,3°C et certains scientifiques pensent que
le monde a manqué l’occasion d’atteindre l’objectif de 1,5°C.
D’une manière générale, la Cour a déclaré que les efforts déployés au niveau
mondial pour lutter contre le changement climatique constituent un élément
essentiel de la législation en matière de droits de l’homme.
“Le droit humain à un environnement propre, sain et durable est essentiel à la
jouissance des autres droits humains”, a déclaré Yoji Iwasawa. “En vertu du
droit international des droits de l’Homme, les Etats sont tenus de prendre les
mesures nécessaires à cet égard.”
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en
français par Alexandre Léchenet.
Tag - Adaptation au changement climatique
PARIS — Marine Le Pen ne veut pas que les Français transpirent, qu’il s’agisse
de la montée de l’extrême droite ou du mercure qui grimpe.
“Il est grand temps que la France déploie un grand plan d’équipement pour la
climatisation”, a déclaré la patronne du Rassemblement national lundi, alors que
la France et le reste de l’Europe souffrent d’une importante vague de chaleur.
Les températures dangereusement élevées, qui devraient atteindre 36° à Paris et
jusqu’à 40° ailleurs en France, ont incité le gouvernement à placer 84
départements en alerte canicule, un chiffre sans précédent.
Dans un post publié sur X, Marine Le Pen a battu le fer pendant qu’il était
aussi chaud que le reste, en politisant le retard français sur l’adoption de la
climatisation. Elle a accusé le gouvernement de forcer les gens ordinaires à
souffrir de la chaleur alors que les “soi-disant élites françaises” bénéficient
de l’air conditionné.
“Il est surréaliste de dire à des familles d’arrêter de travailler du jour au
lendemain car les écoles ne peuvent plus accueillir nos bambins tout en leur
conseillant d’aller au cinéma du coin qui lui, est climatisé”, a-t-elle
argumenté.
Frédéric Falcon, député RN, a expliqué que l’objectif du parti était d’installer
des climatiseurs “le plus largement possible : administration, école, maisons de
retraite, particuliers”.
“Nous sommes très en retard avec le sud de l’Europe, y compris dans le sud de la
France”, a-t-il ajouté.
L’Europe est moins bien équipée en climatisation que des pays comme les
États-Unis ou le Japon, mais le changement climatique en a fait le continent qui
se réchauffe le plus rapidement sur la planète. Les Français ne sont pas
traditionnellement de grands adeptes de la climatisation, mais le nombre de
ménages français qui installent des systèmes de refroidissement croit.
En ce qui concerne la climatisation, le gouvernement a soutenu l’installation de
systèmes de refroidissement dans les bâtiments stratégiques et les transports
publics, mais il privilégie d’autres moyens de refroidissement plus neutres en
carbone, tels que la végétalisation, la rénovation énergétique ou le
développement de solutions plus innovantes, comme le réseau de froid
géothermique utilisé pour le village olympique l’année dernière.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en
français par Alexandre Léchenet.