PARIS — Rien de rien, il ne regrette rien. Invité au sommet POLITICO sur la
compétitivité, Bruno Retailleau a réitéré sa volonté de cesser les subventions
en faveur des énergies renouvelables. Le ministre de l’Intérieur démissionnaire
avait publié une tribune en ce sens cet été.
S’il indique que la France a “besoin d’énergies renouvelables”, il estime que
celles-ci “ont atteint un niveau de maturité économique” tel qu’il est temps de
réduire les subventions qui leur sont accordées.
“C’est un problème budgétaire”, tranche-t-il, estimant qu’il serait possible de
faire “des milliards d’économies” en mettant un terme aux subventions. Il s’est
par ailleurs inquiété des coûts des raccordements électriques induits par le
déploiement des renouvelables.
Il y a également un problème de surproduction selon lui, avec une consommation
électrique en berne depuis treize ans. “Cet été, on subventionnait un prix
négatif”, s’est plaint Bruno Retailleau, en référence aux nombreux épisodes
estivaux où l’offre d’électricité dépassait la demande, faisant chuter les prix.
“Je veux qu’on approche de façon cartésienne, rationnelle et économique ces
questions-là”, explique le ministre démissionnaire de l’Intérieur, qui indique
que la tribune n’était pas “le fruit d’un caprice”, mais la suite d’une longue
réflexion.
Il a rappelé avoir, en tant que président du département de la Vendée, accepté
le projet d’un parc éolien offshore entre l’Île d’Yeu et Noirmoutier. Mais il a
aussi fait un plaidoyer en faveur du nucléaire, permettant d’avoir
“l’électricité la plus décarbonée au monde”, et avec une filière à 95%
française.
“On a fermé Fessenheim pour ouvrir Saint-Avold”, a également regretté le
président des Républicains, en référence à la centrale nucléaire fermée en 2020
et à celle au charbon, fermée en 2022, mais réouverte en urgence quelques mois
plus tard à la suite de la crise énergétique découlant de la guerre en Ukraine.
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BRUXELLES — La Commission européenne a dévoilé mercredi une législation visant à
réduire l’empreinte carbone de l’UE de 90 % d’ici à 2040 avec quelques
ajustements, réduisant l’ambition de départ.
L’exécutif européen, suivant les recommandations de ses conseillers
scientifiques, a proposé ce chiffre il y a plus d’un an, envisageant un objectif
ambitieux qui, comme pour les objectifs 2030 et 2050 de l’Union européenne,
devait être atteint uniquement grâce aux efforts déployés au sein de l’UE.
Cet objectif s’est toutefois heurté à une forte résistance de la part des
gouvernements, ce qui a incité la Commission à leur accorder une marge de
manœuvre sans précédent pour l’atteindre.
Une partie de l’objectif pourra être atteint grâce à des crédits carbone
internationaux, un mécanisme controversé qui externalise une partie des efforts
climatiques de l’Union européenne vers les pays en développement.
Par ce biais, les gouvernements de l’UE seraient en mesure de financer des
projets climatiques dans d’autres pays et de comptabiliser les réductions
d’émissions qui en résultent dans leurs propres objectifs. Les critiques, y
compris les conseillers scientifiques de l’Union, avertissent que cela risque de
saper les efforts nationaux de décarbonisation de l’UE.
Comme l’a rapporté POLITICO en début de semaine, la Commission propose de fixer
des limites strictes aux crédits, de conditionner leur utilisation à une étude
d’impact appropriée, d’exiger que les projets financés produisent des réductions
d’émissions significatives et suggère de les exclure du marché du carbone de
l’UE.
L’exécutif européen souhaite également qu’un maximum de 3 points de pourcentages
de l’objectif soit atteint grâce à des crédits, s’alignant ainsi sur la position
de l’Allemagne en la matière.
La proposition accorde également aux pays deux concessions supplémentaires pour
faciliter la réalisation de l’objectif : d’une part, l’intégration des
absorptions de CO2 dans le marché carbone de l’UE, ce qui permettrait d’alléger
la pression sur les industries énergo-intensives ; d’autre part, une plus grande
flexibilité entre les objectifs d’absorption du CO2 et les objectifs de
réduction des émissions des pays.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en
français par Alexandre Léchenet.
BRUXELLES — La France souhaite retarder l’accord sur le prochain objectif
climatique de l’Union européenne, a déclaré le président Emmanuel Macron à
l’issue du sommet des dirigeants européens qui s’est tenu jeudi.
La Commission européenne dévoilera la semaine prochaine une proposition
controversée visant à réduire de 90% les émissions de gaz à effet de serre de
l’Union européenne d’ici à 2040.
L’exécutif européen prévoit depuis longtemps d’associer à cet objectif
climatique celui pour 2035. Cet objectif n’est pas contraignant, mais il est
exigé de tous les pays dans le cadre de l’Accord de Paris avant la COP30 à
Belém, au Brésil.
L’ONU ayant fixé une échéance en septembre pour l’objectif 2035, la Commission
espère un accord rapide sur l’objectif 2040. Mais certains gouvernements se
rebellent.
POLITICO révélait mercredi que la France se rangeait du côté des traditionnels
retardataires de l’UE en matière de climat, la Pologne et la Hongrie, pour
demander à l’UE de découpler les deux objectifs.
À l’époque, des représentants du gouvernement français avaient vigoureusement
démenti ces informations. Mais à l’issue du Conseil européen de jeudi à
Bruxelles, Emmanuel Macron a confirmé qu’il souhaitait traiter l’objectif 2035
séparément. Et prendre plus de temps pour discuter de celui pour 2040.
“Ce qui nous est demandé pour Belém, ce sont des trajectoires nationales pour
2035,
c’est tout ; on le fera”, a-t-il déclaré lors d’une conférence de presse en
réponse à une question de POLITICO. “Maintenant, il y a une volonté d’avoir des
objectifs en 2040, j’y suis favorable.”
Mais il a insisté : “Les objectifs pour 2040 [ne peuvent pas être] un débat
technique fait en quelques semaines. Ça doit être un débat démocratique à 27.”
Le découplage des objectifs risque d’aboutir à un objectif pour 2035 plus bas
que prévu, inquiétant sur le rôle de leader mondial du bloc en matière de climat
à un moment où beaucoup attendent de l’UE qu’elle comble le vide laissé par le
retrait des États-Unis de l’Accord de Paris.
Toutefois, Emmanuel Macron ne pense pas qu’il faille précipiter la discussion.
“C’est formidable si on l’a pour Belém, mais ce n’est pas ça qui est attendu de
nous pour Belém, la COP à venir. C’est les [objectifs pour] 2035. Ce n’est pas
d’avoir des objectifs européens en 2040. Donc, ne nous surcontraignons pas.”
“On va arrêter de se tirer une balle dans le pied. Ce n’est pas un objectif pour
Belém. Si on l’a pour Belém, super. Si ça doit prendre plus de temps, prenons
plus de temps pour bien le faire.”
DÉBAT ANIMÉ
Le président de la République a également déclaré que l’objectif pour 2040
devait être “compatible avec notre compétitivité” et a insisté sur le fait que
les énergies renouvelables et l’énergie nucléaire devaient être traitées de la
même manière dans le cadre des futurs plans climatiques de l’Union européenne.
Les pays ont également besoin de davantage de marge de manœuvre pour atteindre
l’objectif, et davantage d’investissements, a-t-il fait valoir.
Si ces différentes demandes sont prises en comptes dans le paquet législatif de
la Commission, il pourra soutenir l’objectif, a encore suggéré Emmanuel Macron.
De nombreux gouvernements ont envoyé de longues listes de demandes pour accepter
l’objectif de 2040, et la Commission devrait déjà accorder aux pays une grande
flexibilité pour atteindre l’objectif, afin de rallier une majorité de pays.
Les dirigeants de l’UE ont discuté des objectifs climatiques au cours d’un dîner
jeudi soir, un débat que le Premier ministre belge Bart De Wever a qualifié de
“houleux”.
L’initiative d’Emmanuel Macron a été soutenue par le président polonais Donald
Tusk. La Hongrie a déjà exprimé son soutien au découplage des deux objectifs.
En revanche, le Danemark, qui prendra la présidence tournante du Conseil de l’UE
la semaine prochaine, souhaite s’en tenir au calendrier de la Commission et
fixer les deux objectifs en septembre.
LES AMBITIONS EN QUESTION
La Commission souhaite fixer un objectif pour 2035 à mi-chemin entre l’objectif
actuel de l’UE pour 2030 et la prochaine étape de 2040, ce qui correspondrait à
une réduction de 72,5% des émissions par rapport à 1990.
Sans l’objectif de 2040, il n’y a pas de voie claire à suivre. Une trajectoire
linéaire entre 2030 et l’échéance de la neutralité climatique de l’Union en 2050
— une option soutenue par la Pologne — aboutirait à un objectif inférieur à 2035
d’environ 66%.
La France se présente souvent comme la protectrice de l’Accord de Paris, qui
célèbre son dixième anniversaire cette année, et la pression française pour un
report a été froidement accueillie par les défenseurs du climat et les pays les
plus vulnérables aux effets du réchauffement climatique.
Tina Stege, envoyée des Îles Marshall pour le climat, a déclaré lors du sommet
des Nations unies sur les océans qui s’est tenu à Nice au début du mois que les
dirigeants des îles du Pacifique s’étaient entretenus avec Emmanuel Macron et
lui avaient dit que le plus grand risque pour la sécurité du Pacifique était la
crise climatique.
“Nous l’avons exhorté à guider l’UE vers un [objectif 2035] ambitieux. Si la
France renonce maintenant à cette ambition, il s’agirait d’un revirement majeur
et nous serions extrêmement inquiets de ce que cela signifie pour leur
engagement en faveur de la sécurité du Pacifique”, a-t-elle ajouté.
L’eurodéputée autrichienne Lena Schilling, ancienne activites de Fridays for
Future, le mouvement initié par Greta Thunberg, a rappelé à Emmanuel Macron que
“l’action climatique internationale est née à Paris”, ajoutant : “Ne soyez pas
celui qui la tue.”
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en
français par Alexandre Léchenet.