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L’Union européenne inflige une amende de 120 millions d’euros à la plateforme X
BRUXELLES — La Commission européenne a infligé vendredi une amende de 120 millions d’euros à X, le réseau social d’Elon Musk. Il s’agit de la toute première sanction prononcée en vertu du règlement européen sur les services numériques (DSA). Cette décision, qui risque d’exacerber les tensions avec les États-Unis, a d’ores et déjà suscité des critiques de la part de J.D. Vance. Le vice-président américain a ainsi jugé que cette amende était une sanction pour “absence de censure”. Le montant de l’amende est pourtant modéré par rapport aux sanctions infligées précédemment par Bruxelles aux entreprises technologiques.  Dans le cadre des négociations commerciales, les États-Unis ont fait pression à plusieurs reprises sur l’UE pour qu’elle assouplisse sa réglementation. X a été reconnu coupable de manquement aux obligations de transparence qui lui incombent en tant que très grande plateforme en ligne, au titre du règlement sur les services numériques (DSA). La Commission a jugé le design de la coche bleue de X “trompeur” après sa transformation en fonctionnalité payante. L’exécutif européen a également déclaré que le répertoire publicitaire de X manquait de transparence et ne permettait pas aux chercheurs d’accéder aux données publiques, comme l’exige la loi. Cette amende ne marque que la fin d’une partie de l’enquête menée par l’UE et ouverte il y a près de deux ans. D’autres volets, portant sur les efforts déployés par X pour lutter contre la diffusion de contenus illégaux et la manipulation de l’information, sont toujours en cours. Bruxelles subit une pression croissante de la part des dirigeants européens, des eurodéputés et des organisations de défense des droits numériques pour conclure l’enquête sur X, et prouver ainsi son engagement à protéger les citoyens en ligne.  “Notre objectif n’est pas d’infliger les amendes les plus élevées, mais de garantir l’application de notre législation numérique. Si vous respectez nos règles, vous n’aurez pas d’amende”, a déclaré Henna Virkkunen, vice-présidente exécutive de la Commission européenne chargée de la souveraineté numérique, lors d’un point de presse vendredi matin. En vertu du DSA, les entreprises peuvent être condamnées à une amende pouvant atteindre 6 % de leur chiffre d’affaires annuel mondial. Si les revenus mondiaux de X sont estimés à quelques milliards d’euros, ceux des entreprises de Musk sont bien plus importants. Répondant aux propos de Vance, Virkkunen a déclaré aux journalistes : « Le DSA n’a rien à voir avec la censure ; cette décision concerne la transparence de X. » Elle a également indiqué que le montant de l’amende avait été jugé “proportionné” et calculé en tenant compte de “la nature de ces infractions, de leur gravité pour les utilisateurs européens concernés et de leur durée”. Interrogé sur la méthode de calcul de l’UE, un haut fonctionnaire de la Commission a réaffirmé le principe de proportionnalité et précisé qu’il ne pouvait être “réduit à une simple formule économique”. De son côté, la ministre française déléguée à l’IA et au Numérique Anne Le Hénanff a affirmé que la France “souten[ait] pleinement cette décision … qui envoie un message clair à l’ensemble des plateformes”. X n’a pas immédiatement répondu à notre demande de commentaires.
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La commissaire européenne Teresa Ribera accuse les Etats-Unis de “chantage” dans les négociations commerciales
BRUXELLES — La commissaire européenne chargée de la Concurrence, Teresa Ribera, n’a pas mâché ses mots contre l’administration Trump, l’accusant d’utiliser le “chantage” pour contraindre l’UE à assouplir sa réglementation du numérique. Le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, a suggéré lundi à Bruxelles que les Etats-Unis pourraient modifier leur approche en matière de droits de douane sur l’acier et l’aluminium si l’UE revoyait ses règles en matière de numérique. Les responsables européens ont interprété ses remarques comme visant les réglementations phares de l’UE, notamment celle sur les marchés numériques (DMA). “C’est du chantage”, a considéré la commissaire espagnole dans un entretien à POLITICO mercredi. “Le fait que ce soit leur intention ne signifie pas que nous acceptons ce genre de chantage.” Teresa Ribera — qui, en tant que première vice-présidente exécutive de la Commission, est la numéro 2 de l’exécutif européen derrière la présidente Ursula von der Leyen — a souligné que la réglementation européenne du numérique ne devrait pas avoir de lien avec les négociations commerciales. L’équipe de Donald Trump cherche à réviser l’accord conclu par le président américain avec Ursula von der Leyen dans son golf écossais en juillet. Ces déclarations interviennent à un moment sensible des négociations commerciales en cours. Washington considère le DMA comme discriminatoire, parce que les grandes plateformes technologiques qu’il réglemente — comme Microsoft, Google ou Amazon — sont presque toutes américaines. Il s’insurge également contre le règlement sur les services numériques (DSA), qui vise à limiter les discours haineux illégaux et la désinformation en ligne, car il est conçu pour encadrer les réseaux sociaux comme X d’Elon Musk. Teresa Ribera a rappelé que ces règles étaient une question de souveraineté, et qu’elles ne devraient pas entrer dans le champ d’une négociation commerciale. “Nous respectons les règles, quelles qu’elles soient, qu’ils ont établies pour leurs marchés : le marché numérique, le secteur de la santé, l’acier, tout ce que vous voulez […] les voitures, les normes”, a-t-elle posé en parlant des Etats-Unis. “C’est leur problème, leur réglementation et leur souveraineté. Il en va de même ici.” Teresa Ribera, avec la commissaire aux Technologies numériques Henna Virkkunen, supervise le DMA, qui veille au bon comportement des grandes plateformes numériques et à une concurrence équitable. Elle a vivement réagi aux propos tenus par Howard Lutnick lors de sa rencontre avec des responsables et des ministres européens lundi, martelant que “les règles européennes en matière de numérique ne sont pas à négocier”. Henna Virkkunen tenait la même ligne mardi. Lundi, elle a présenté à ses homologues américains le paquet de mesures de simplification de l’UE, comprenant la proposition d’omnibus numérique. Ce paquet a été présenté comme une initiative européenne visant à réduire les formalités administratives, mais certains l’ont interprété comme une tentative de répondre aux préoccupations des Big Tech américaines en matière de régulation. Le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, a suggéré lundi à Bruxelles que les Etats-Unis pourraient modifier leur approche en matière de droits de douane sur l’acier et l’aluminium si l’UE revoyait ses règles en matière de numérique. | Nicolas Tucat/Getty Images Interrogée sur les raisons qui l’ont poussée à faire une déclaration aussi forte, Teresa Ribera a répondu que les remarques d’Howard Lutnick constituaient “une attaque directe contre le DMA”, avant d’ajouter : “Il est de ma responsabilité de défendre le bon fonctionnement du marché numérique en Europe.” DES FISSURES APPARAISSENT Malgré la réplique intransigeante de Teresa Ribera, la solidarité des Etats membres envers le DMA commence doucement à se fissurer. Après la réunion de lundi, Howard Lutnick a pointé que certains ministres européens du Commerce n’étaient pas aussi réticents que la Commission à l’idée de revoir les règles numériques de l’UE : “Je vois beaucoup de ministres […] certains sont plus ouverts d’esprit que d’autres”, a-t-il observé sur Bloomberg TV, affirmant que si l’Europe veut des investissements américains, elle doit changer son modèle de régulation. Parmi les participants, au moins une Européenne semble d’accord. L’Allemande Katherina Reiche, qui s’est exprimée en marge de la réunion, a déclaré à la presse qu’elle était favorable à un nouvel assouplissement des règles de l’UE en matière de numérique. “L’Allemagne a clairement fait savoir qu’elle voulait avoir la possibilité de jouer un rôle dans le monde numérique”, a exposé Katherina Reiche, citant en particulier le DMA et le DSA. Les efforts de lobbying déployés par Washington contre les règles européennes sur le numérique s’inscrivent dans le cadre d’une bataille plus large menée par les Etats-Unis au niveau mondial pour affaiblir les lois sur le numérique dans les pays étrangers. Ce mois-ci, la Corée du Sud a cédé au lobbying de l’administration Trump en revenant en arrière sur son propre projet d’encadrement de la concurrence dans le secteur numérique. Le représentant américain au commerce prépare son rapport 2026 et lance une nouvelle série de consultations dans les semaines à venir. Entre-temps, la Commission poursuit son évaluation des règles dans le cadre de son Digital Fairness Fitness Check et de la révision en cours du DMA. Mais entre le lobbying de Washington et les Etats membres qui se désolidarisent, la question n’est pas seulement de savoir ce à quoi va aboutir la révision du DMA, mais s’il peut survivre à la guerre commerciale. Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais, puis a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.
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Le parquet de Paris ouvre une enquête sur la plateforme de streaming Kick
PARIS — Le parquet de Paris a annoncé ce mardi l’ouverture d’une enquête préliminaire concernant le site de streaming Kick pour “fourniture en bande organisée de plateforme en ligne illicite”.  Une semaine après le décès du streameur Jean Pormanove en plein direct, le parquet cherche à savoir si le site australien “fournissait, en connaissance de cause, des services illicites, notamment par la diffusion de vidéos d’atteintes volontaires à l’intégrité de la personne”.  L’enquête, confiée à l’office anti-cybercriminalité (OFAC), devra également déterminer si Kick respectait ses obligations au titre du règlement européen sur les services numériques (DSA). Et notamment l’obligation “de signaler aux autorités les risques d’atteintes à la vie ou à la sécurité des personnes”.  Sur sa chaîne, la plus suivie en France, Jean Pormanove, de son vrai nom Raphaël Graven, subissait des actes de violences physiques et verbales de la part de ses partenaires de stream depuis plus d’un an.  Cette enquête est ouverte “en concertation avec le parquet de Nice”, le parquet de Paris ayant une compétence nationale sur les sujets cyber.   Le parquet de Nice a déjà ouvert deux enquêtes : l’une en décembre à la suite des révélations de Mediapart, l’autre au lendemain de la mort de Raphaël Graven. Elles se poursuivent. Pour l’heure, aucun lien direct n’a été identifié entre sa mort et les violences qu’il a subies. 
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La réaction des autorités en question après la mort d’un streamer en direct
PARIS — Pourquoi les autorités compétentes, alertées depuis des mois des violences subies en direct par Jean Pormanove, ne sont-elles pas intervenues avant la mort du streamer ? Ce lundi, Raphaël Gavren, alias Jean Pormanove, a été retrouvé mort dans son lit, lors d’une diffusion en direct qui durait depuis plusieurs jours.   Cet ancien militaire était depuis plusieurs années l’un des protagonistes de la chaîne JeanPormanove. Comptant plus de 160 000 abonnés, elle était hébergée par la plateforme australienne Kick — un concurrent de Twitch, proposant des vidéos en direct avec des règles de modération réputées moins strictes.  Or, plusieurs signalements avaient été réalisés ces derniers mois auprès de la justice, mais aussi du gouvernement et de l’autorité de régulation de l’audiovisuel et du numérique, l’Arcom.  Interrogée par POLITICO, Nathalie Tehio, présidente de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), estime que cette affaire interroge la réactivité des pouvoirs publics sur une situation de violences “qui était connue”.  Animée par quatre streamers, la chaîne JeanPormanove s’était en effet spécialisée dans les formats violents, dans lesquels Raphaël Gavren jouait régulièrement le rôle de souffre-douleur.  Après sa mort, et malgré la suspension de la chaîne par la plateforme Kick, les extraits de ces violences ont envahi les réseaux sociaux. On le voit subir des coups, strangulations, insultes et humiliations répétées de la part de ses costreamers, connus sous les pseudos Naruto et Safine. Ces violences étaient encouragées par certains spectateurs de la chaîne, qui pouvaient effectuer des dons aux vidéastes sur Kick. La ministre déléguée à l’Intelligence artificielle et au Numérique a dénoncé une “horreur absolue” et s’en est remise à l’enquête ouverte par le parquet de Nice en “recherche des causes de la mort” de Raphaël Gavren.   De son côté, le député-streameur Denis Masséglia a demandé “l’ouverture d’une enquête permettant d’identifier d’éventuels manquements” de la part de l’Arcom, notamment “concernant la diffusion continue de contenus qui, à mon sens, auraient dû être interdits”.  La plateforme Kick a quant à elle indiqué sur X s’engager “à collaborer pleinement avec les autorités dans le cadre de ce processus”, tout en adressant ses “sincères condoléances” aux proches de Raphaël Graven.  UNE PREMIÈRE ENQUÊTE EN DÉCEMBRE  Le parquet de Nice avait pourtant ouvert une enquête le 16 décembre 2024, après la publication d’un article de Mediapart détaillant les sévices subis par Raphaël Graven et par l’un de ses compagnons de streaming, Coudoux, en situation de handicap et placé sous curatelle.   Cette enquête préliminaire, qui ne ciblait pas directement la plateforme Kick, portait sur trois chefs d’accusation : “provocation publique par un moyen de communication au public par voie électronique à la haine ou à la violence”, “violences volontaires en réunion sur personnes vulnérables” et “diffusion d’enregistrement d’images relatives à la commission d’infractions d’atteintes volontaires à l’intégrité de la personne”.   Les costreamers Naruto et Safine avaient ainsi été interpellés le 9 janvier, avant d’être relâchés et de reprendre leurs activités. “Tant les personnes susceptibles d’être mises en cause que celles d’être victimes contestaient la commission d’infractions”, avait alors communiqué le procureur de Nice.   “La difficulté du dossier est que les violences en question étaient présentées comme consenties et scénarisées, et que la victime n’a pas déposé plainte”, analyse l’avocat Alexandre Archambault.  Outre la justice, les autorités nationales avaient été alertées à l’époque.  Dans le cadre de son enquête, Mediapart avait en effet sollicité l’Arcom, ainsi que le cabinet de la ministre déléguée à l’Intelligence artificielle et au Numérique Clara Chappaz, sans recevoir de réponse de la part du ministère.  Sollicité par POLITICO, le cabinet de la ministre n’a pas donné suite au moment de la publication de cet article.  En février, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) avait saisi l’Arcom. Sa présidente Nathalie Tehio indique que cette saisine est “restée sans réponse”. Elle précise cependant qu’il s’agit d’un délai “courant” pour l’Arcom, dont elle estime le temps de réponse à environ six mois. “Il y a une question de moyens” pour cette institution, regrette Nathalie Tehio.   ENTRE LES MAILLES DU FILET DES AUTORITÉS  C’est ainsi que la plateforme Kick semble avoir échappé au contrôle des régulateurs du numérique.  Bien que l’Union européenne ait renforcé ces dernières années sa régulation des plateformes, les autorités françaises et bruxelloises ont en effet tardé à établir le contact avec Kick, et notamment à identifier si la plateforme avait une représentation en Europe — comme le requiert le règlement européen sur les services numériques (Digital Services Act).  Le détail est pourtant loin d’être anodin : les marges de manœuvre de l’Arcom dépendent du pays où Kick a désigné son représentant légal. S’il est installé dans un autre Etat membre de l’Union Européenne (UE), c’est alors le régulateur de ce pays qui est chargé de superviser la plateforme.  Ce 20 août, la Commission européenne a finalement indiqué à POLITICO que Kick lui avait signalé un représentant légal à Malte. En théorie, seule La Valette peut donc enquêter sur Kick et l’enjoindre de faire le nécessaire pour modérer les contenus illicites — ou même lui infliger une amende au titre du DSA.  Dans un communiqué daté du même jour, l’Arcom a indiqué avoir “contacté ce représentant légal ainsi que le régulateur maltais […] afin d’obtenir des informations détaillées sur les moyens dédiés par le service à la modération francophone, ainsi que sur le cas spécifique de la chaîne Jeanpormanove”. Un dialogue avec Kick.com a été engagé, assure l’Arcom. Cette désignation de représentant semble en tout cas récente. Contactée par POLITICO, l’autorité maltaise des télécommunications, la Malta Communications Authority (MCA), indique ne pas avoir en avoir été notifiée à date du 20 août.  Les conditions générales de Kick indiquent d’ailleurs que le site, d’origine australienne, est basé en Angleterre et donc sous sa juridiction, sans mention d’un représentant au sein de l’UE.  La Commission européenne ne pourra pas non plus intervenir pour réguler Kick : elle ne supervise que les très grandes plateformes (VLOP), qui comptent plus de 45 millions d’utilisateurs en Europe. Or les chiffres communiqués par la plateforme sont bien en deçà de ce seuil.  “On est sur un cas qui, malheureusement, sera amené à être de plus en plus fréquent si les pouvoirs publics n’interviennent pas et que les plateformes restent passives”, estime auprès de POLITICO le député socialiste Arthur Delaporte, qui travaille sur une proposition de loi de régulation de l’influence en ligne.  Selon la ministre déléguée Clara Chappaz, Kick avait malgré tout la “responsabilité légale de retirer les contenus manifestement illicites” dont ils auraient eu connaissance. JeanPormanove était, jusqu’à sa suppression en début de semaine, la chaîne la plus suivie sur Kick en France.  Sur les réseaux sociaux, Kick avait également utilisé des contenus mettant en scène Raphaël Graven pour promouvoir la plateforme.  Contacté par POLITICO, Kick n’a pas souhaité préciser si la chaîne de Jean Pormanove contrevenait à ses conditions d’utilisation au cours des mois passés. Ces dernières interdisent pourtant explicitement “les contenus qui représentent ou incitent à une violence abjecte, y compris les atteintes graves, la souffrance ou la mort”. Eliza Gkritsi a contribué à cet article.
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Flou, l’accord commercial permet aux Etats-Unis de s’en prendre à nouveau aux règles de l’UE sur le numérique
BRUXELLES — La Commission européenne a affirmé que ses règles en matière de numérique étaient sorties indemnes de l’accord commercial conclu dimanche avec les Etats-Unis. La réglementation de l’UE qui pèse sur les géants américains de la tech constitue un gros point de désaccord entre les deux parties. L’absence de précisions dans l’accord entre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le président des Etats-Unis, Donald Trump, a permis à chacun de mettre en avant sa propre interprétation. L’UE a affirmé que ses règles étaient préservées, mais les Etats-Unis pensent toujours qu’elles doivent être discutées. “L’attaque [de l’UE] contre nos entreprises technologiques, ce sera mis sur la table”, a assuré à CNBC mardi le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, lorsqu’on lui a demandé si l’accord de dimanche justifiait la poursuite des négociations commerciales avec l’UE. Cela montre que les Etats-Unis ne semblent pas vouloir renoncer à la campagne qu’ils mènent depuis des mois contre les règles de l’UE en matière de modération des contenus, de concurrence numérique et d’intelligence artificielle, malgré l’insistance de l’Union à dire que ses réglementations ne font pas l’objet de négociations dans le cadre des pourparlers sur leurs relations commerciales. Pire encore, des parlementaires craignent que l’exécutif européen ait déjà cédé du terrain ou que les Etats-Unis se sentent en position de force après l’accord de dimanche pour continuer à critiquer le droit européen. AUCUNE CONCESSION ACCORDÉE La Commission s’est empressée de souligner que la réglementation du numérique était l’un des domaines sur lesquels elle n’avait pas cédé le moindre centimètre. Des textes ont été exclus des négociations, tels que le règlement sur les services numériques (DSA) et celui sur les marchés numériques (DMA). “Il n’y a absolument aucun engagement sur la réglementation du numérique, ni sur la fiscalité numérique”, a insisté un responsable de l’UE lundi. Il a ajouté que la défense, par la Commission, de l’autonomie de l’Union en matière de régulation n’avait pas été suffisamment reconnue. Cela semblait être une victoire pour Bruxelles. Pendant ce temps, les Etats-Unis se sont employés à arracher des concessions sur les barrières commerciales visant le secteur du numérique à d’autres pays lors de négociations commerciales, par exemple lors de celles avec l’Indonésie. Début juillet, Henna Virkkunen, la vice-présidente exécutive de la Commission chargée de la Souveraineté technologique, a tracé une ligne rouge, déclarant à POLITICO que le DSA, le DMA et le règlement européen sur l’intelligence artificielle “ne faisaient pas partie des négociations commerciales de notre côté”. Un tacle cinglant de la part d’une haute responsable de l’UE, après des mois de violentes critiques aux Etats-Unis, où responsables publics, parlementaires et dirigeants de la tech ont comparé les règles européennes tantôt à de la censure (DSA), tantôt à un ciblage injuste des entreprises américaines (DMA) ou à un étouffement de l’innovation (AI Act). LE FERONT-ILS, LE FERONT-ILS PAS ? Mais l’accord de dimanche contient certaines formulations qui donnent aux Etats-Unis des munitions pour franchir cette ligne plus tard. Ursula von der Leyen a admis, dans ses premières déclarations après la signature de l’accord, que les deux parties allaient continuer à “lever les obstacles non tarifaires”. Les Etats-Unis ont ensuite déclaré que les deux parties allaient “lever les obstacles non tarifaires injustifiés sur le numérique”. Jim Jordan, un puissant élu républicain qui a mené les attaques contre le DSA en tant que président de la commission judiciaire du Congrès américain, a glissé après une visite à Bruxelles lundi que le DSA pourrait être un “point de discussion dans les négociations commerciales en cours entre la Maison-Blanche et l’Union européenne”. | Michael Reynolds/EPA Dans les jours qui ont suivi l’accord, les Etats-Unis ont commencé à saper l’affirmation de l’UE selon laquelle elle avait obtenu une victoire et préservé sa réglementation sur le numérique. Jim Jordan, un puissant élu républicain qui a mené les attaques contre le DSA en tant que président de la commission judiciaire du Congrès américain, a glissé après une visite à Bruxelles lundi que le DSA pourrait être un “point de discussion dans les négociations commerciales en cours entre la Maison-Blanche et l’Union européenne”. Il a promis de “prendre contact avec les gens de la Maison-Blanche” à ce sujet. Howard Lutnick n’a pas tardé à reprendre sa suggestion mardi. La Maison-Blanche a ouvert un second front en publiant, lundi en fin de journée, une fiche d’information dans laquelle elle affirme que l’Union européenne n’appliquera pas les “frais de réseau”. Il s’agit d’une proposition visant à mettre à contribution les plus grandes plateformes, principalement américaines, telles que Netflix et YouTube, au financement des infrastructures de télécommunications en Europe. Le porte-parole de la Commission pour les questions de commerce extérieur, Olof Gill, a confirmé cette information aux journalistes mardi, lors d’une session mouvementée au cours de laquelle l’Union s’est efforcée de défendre son accord commercial. “C’est exact, mais cela n’affecte pas nos règles ni notre marge de manœuvre réglementaire”, a-t-il assuré, soulignant que “nous ne renonçons pas à notre droit de réglementer de manière autonome dans le domaine numérique”. RESTER SUR SES GARDES Certains craignent qu’au lieu de régler définitivement la question, Bruxelles doive continuer à rester sur ses gardes lorsqu’elle déploiera ou appliquera ses règles sur le numérique. Henna Virkkunen a promis en juin que plusieurs enquêtes dans le cadre du DSA seraient menées à bien dans les semaines et les mois à venir, en particulier une enquête sur le réseau social X d’Elon Musk. “Maintenant que l’accord est conclu, nous devrions nous attendre à des résultats”, anticipe Nick Reiners, analyste tech senior chez Eurasia Group. “Cela dit, la Commission sera prudente, car l’accord n’est encore que de principe.” L’exécutif européen devra également se montrer prudent sur la question des frais de réseau dans son prochain texte sur les télécommunications, le Digital Networks Act, prévu pour décembre. Elle a mis de côté cette proposition très controversée de frais de réseau, également connue sous le nom de “fair share”, pour un certain temps, choisissant plutôt d’explorer d’autres options réglementaires. Cet argument ne convainc pas ses opposants, pour qui la mesure changera de nom, mais reviendra à payer des frais de réseau. Le recul de l’UE sur cette mesure ayant été révélé au grand jour, la Commission devra peut-être agir avec plus de prudence et être prête à tordre le cou à toute accusation selon laquelle elle rompt la paix commerciale en réintroduisant cette redevance en catimini. D’autres ont une vision encore plus pessimiste. Ils affirment que Bruxelles a cédé aux conditions de Trump, ce qui permettra aux Etats-Unis de s’en prendre encore plus durement à l’Union. “Cela envoie le mauvais signal : si nous plions sous la pression, qu’est-ce qui empêchera Trump de s’en prendre ensuite à notre législation ?”, a alerté l’eurodéputé des Socialistes et démocrates Brando Benifei, l’un des chefs de file au Parlement sur l’AI Act, dans un communiqué. La Commission n’a pas commenté les remarques d’Howard Lutnick avant la publication de cet article. Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.
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