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Trump s’en prend aux dirigeants européens dans un grand entretien : “Je pense qu’ils sont faibles”
This story is also available in English. Donald Trump présente l’Europe comme un groupe de pays “en décrépitude” dirigés par des personnes “faibles” dans un grand entretien accordé à POLITICO, sermonnant ses alliés et les décrivant comme incapables de contrôler les flux migratoires et de mettre fin à la guerre en Ukraine. Il signale en outre être prêt à soutenir des candidats à des élections en Europe partageant sa vision du continent.  Cette attaque en règle contre les dirigeants politiques européens représente la dénonciation la plus virulente à ce jour du président américain à l’encontre des démocraties européennes, au risque de provoquer une rupture franche avec des pays comme la France et l’Allemagne aux relations déjà très tendues avec l’administration Trump.  “Je pense qu’ils sont faibles”, dit Trump à propos des dirigeants politiques européens. “Mais je pense aussi qu’ils veulent être tellement politiquement corrects.”  “Ils ne savent pas quoi faire”, ajoute-t-il. “L’Europe ne sait pas quoi faire.”  Les commentaires de Trump sur l’Europe interviennent à un moment particulièrement délicat dans les négociations visant à mettre fin à la guerre menée par la Russie en Ukraine, alors que les dirigeants européens s’inquiètent de plus en plus du risque que les Etats-Unis abandonnent l’Ukraine et ses alliés continentaux face à l’agression russe. Dans l’interview, Trump ne donne aucune assurance aux Européens à ce sujet et déclare que la Russie est manifestement en position de force par rapport à l’Ukraine.  Le président américain s’est exprimé depuis la Maison-Blanche, au cours d’un entretien enregistré lundi avec Dasha Burns, journaliste à POLITICO et animatrice du podcast The Conversation. Donald Trump a été désigné personnalité la plus influente sur la politique européenne pour l’année à venir, dans un classement où ont par le passé figuré à la première place le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy, la présidente du Conseil italienne Giorgia Meloni ou encore le Premier ministre hongrois Viktor Orbán.  Les commentaires du président américain sur l’Europe contrastent fortement avec certaines de ses remarques sur les sujets de politique intérieure dans l’interview. Aux Etats-Unis, Trump et son parti sont confrontés à une série de revers électoraux et à un dysfonctionnement croissant au Congrès, sur fond de mécontentement des électeurs confrontés à des difficultés économiques importantes.   Trump peine à adapter son discours à cette nouvelle réalité : dans l’interview, il attribue une note « A +++++ » à la situation économique du pays, et insiste sur le fait que les prix seraient en baisse dans tous les domaines, tout en refusant d’esquisser des mesures pour faire face à la hausse imminente des primes d’assurance maladie.  Même dans un contexte de turbulences croissantes aux Etats-Unis, Trump reste une figure singulière de la politique internationale.  Ces derniers jours, une vague de consternation a traversé les capitales européennes à la publication du nouveau document sur la stratégie de sécurité nationale de Trump, un manifeste très virulent qui oppose son administration à l’establishment politique européen traditionnel et promet de « cultiver la résistance » intérieure au statu quo européen en matière d’immigration et d’autres questions politiquement sensibles.  Dans l’interview, Trump a encore grossi le trait sur cette vision du monde, décrivant des villes comme Londres et Paris comme croulant sous le poids de l’immigration en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique. Sans un changement de politique frontalière, déclare Trump, certains États européens « ne seront plus des pays viables ».  Utilisant un langage incendiaire, Trump qualifie le maire de gauche de Londres, Sadiq Khan, fils d’immigrants pakistanais et premier maire musulman de la ville, de « désastre » et attribue son élection à l’immigration : « Il a été élu parce que beaucoup de gens sont arrivés. Ils votent pour lui maintenant. »  Lundi, le président du Conseil européen, António Costa, a reproché à l’administration Trump ce document sur la sécurité nationale et a exhorté la Maison Blanche à respecter la souveraineté et le droit à l’autonomie gouvernementale de l’Europe.  « Des alliés ne menacent pas d’interférer dans la vie démocratique ou les choix politiques internes de leurs partenaires », a déclaré Costa. « Ils les respectent. »  Dans son entretien avec POLITICO, Trump empiète sur ces limites et déclare qu’il continuera à soutenir ses candidats préférés lors des élections européennes, même au risque d’offenser les sensibilités locales.  « Je serais prêt à soutenir », a déclaré Trump. « J’ai soutenu des personnes, mais j’ai soutenu des personnes que beaucoup d’Européens n’aiment pas. J’ai soutenu Viktor Orbán », le Premier ministre hongrois d’extrême droite que Trump dit admirer pour ses politiques de contrôle des frontières.  C’est la guerre entre la Russie et l’Ukraine, plutôt que la politique électorale, qui semble occuper le plus l’esprit de Trump. Il affirme avoir proposé un nouveau projet de plan de paix, qui a plu selon lui à certains responsables ukrainiens, mais que Zelenskyy lui-même n’aurait pas encore examiné. « Ce serait bien qu’il le lise », déclare Trump.  Zelenskyy a rencontré lundi les dirigeants français, allemand et britannique et a continué à s’opposer à la cession de territoire ukrainien à la Russie dans le cadre d’un accord de paix.  Le président américain déclare ne guère miser sur les dirigeants européens dans la recherche d’une fin à la guerre : « Ils parlent, mais ils ne produisent rien, et la guerre continue encore et encore. »  Dans un nouveau geste de défiance à l’égard de Zelenskyy, politiquement affaibli en Ukraine par un scandale de corruption, Trump renouvelle son appel à ce que l’Ukraine organise de nouvelles élections.  « Ils n’ont pas organisé d’élections depuis longtemps », déclare Trump. « Vous savez, ils parlent de démocratie, mais on en arrive à un point où ce n’est plus une démocratie.»  AMÉRIQUE LATINE  Tout en affirmant poursuivre un programme de paix à l’étranger, Trump déclare qu’il pourrait étendre encore les actions militaires menées par son administration en Amérique latine contre des cibles qu’elle estime liées au trafic de drogue. Trump a déployé une force militaire massive dans les Caraïbes pour frapper les trafiquants de drogue présumés et faire pression sur le régime autoritaire du Venezuela.  Au cours de l’interview, Trump refuse à plusieurs reprises d’exclure l’envoi de troupes américaines au Venezuela dans le cadre d’une initiative visant à renverser le dirigeant autoritaire Nicolás Maduro, qu’il accuse d’exporter de la drogue et des personnes dangereuses vers les États-Unis. Certains dirigeants de la droite américaine ont averti Trump qu’une invasion terrestre du Venezuela constituerait une ligne rouge pour les conservateurs qui ont voté pour lui en partie pour mettre fin aux opérations militaires à l’étranger.  « Je ne veux ni confirmer ni infirmer. Je ne parle pas de cela », déclare Trump à propos du déploiement de troupes terrestres, ajoutant : « Je ne veux pas vous parler de stratégie militaire. »  Mais le président précise qu’il envisagerait d’utiliser la force contre des cibles dans d’autres pays où le trafic de drogue est très actif, notamment au Mexique et en Colombie.  « Bien sûr, je le ferais », a-t-il déclaré.  Trump défend tout juste certaines de ses actions les plus controversées en Amérique latine, notamment sa récente grâce accordée à l’ancien président hondurien Juan Orlando Hernández, qui purgeait une peine de plusieurs décennies dans une prison américaine après avoir été condamné pour un vaste complot de trafic de drogue. Trump déclare qu’il savait « très peu » de choses sur Hernández, si ce n’est que « des personnes très bien informées » lui avaient dit que l’ancien président hondurien avait été injustement pris pour cible par ses adversaires politiques.  « Ils m’ont demandé de le faire et j’ai dit que je le ferais », reconnaît Trump, sans nommer les personnes qui avaient demandé la grâce pour Hernández.  Santé et économie Invité à évaluer la situation l’économique sous son mandat, Trump la qualifie de succès retentissant : « A ++++ ». A propos du mécontentement des électeurs concernant le coût de la vie, Trump déclare que l’administration Biden en est responsable : « J’ai hérité de ce bazar. J’ai hérité d’un vrai bazar ». Le président est confronté à un environnement politique hostile en raison des difficultés financières des Américains. Environ la moitié des électeurs et près de 4 personnes sur 10 ayant voté pour Trump en 2024 ont déclaré dans un récent sondage POLITICO que le coût de la vie n’avait jamais été aussi élevé. Trump déclare qu’il pourrait apporter des modifications supplémentaires à sa politique tarifaire afin de contribuer à faire baisser le prix de certains produits, comme il l’a déjà fait, mais il insiste sur le fait que, dans l’ensemble, les choses vont dans la bonne direction en termes de prix. « Les prix sont tous en baisse », a déclaré Trump, ajoutant : « Tout est en baisse. » Les prix ont augmenté de 3% au cours des 12 mois se terminant en septembre, selon le dernier indice des prix à la consommation.
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L’Union européenne inflige une amende de 120 millions d’euros à la plateforme X
BRUXELLES — La Commission européenne a infligé vendredi une amende de 120 millions d’euros à X, le réseau social d’Elon Musk. Il s’agit de la toute première sanction prononcée en vertu du règlement européen sur les services numériques (DSA). Cette décision, qui risque d’exacerber les tensions avec les États-Unis, a d’ores et déjà suscité des critiques de la part de J.D. Vance. Le vice-président américain a ainsi jugé que cette amende était une sanction pour “absence de censure”. Le montant de l’amende est pourtant modéré par rapport aux sanctions infligées précédemment par Bruxelles aux entreprises technologiques.  Dans le cadre des négociations commerciales, les États-Unis ont fait pression à plusieurs reprises sur l’UE pour qu’elle assouplisse sa réglementation. X a été reconnu coupable de manquement aux obligations de transparence qui lui incombent en tant que très grande plateforme en ligne, au titre du règlement sur les services numériques (DSA). La Commission a jugé le design de la coche bleue de X “trompeur” après sa transformation en fonctionnalité payante. L’exécutif européen a également déclaré que le répertoire publicitaire de X manquait de transparence et ne permettait pas aux chercheurs d’accéder aux données publiques, comme l’exige la loi. Cette amende ne marque que la fin d’une partie de l’enquête menée par l’UE et ouverte il y a près de deux ans. D’autres volets, portant sur les efforts déployés par X pour lutter contre la diffusion de contenus illégaux et la manipulation de l’information, sont toujours en cours. Bruxelles subit une pression croissante de la part des dirigeants européens, des eurodéputés et des organisations de défense des droits numériques pour conclure l’enquête sur X, et prouver ainsi son engagement à protéger les citoyens en ligne.  “Notre objectif n’est pas d’infliger les amendes les plus élevées, mais de garantir l’application de notre législation numérique. Si vous respectez nos règles, vous n’aurez pas d’amende”, a déclaré Henna Virkkunen, vice-présidente exécutive de la Commission européenne chargée de la souveraineté numérique, lors d’un point de presse vendredi matin. En vertu du DSA, les entreprises peuvent être condamnées à une amende pouvant atteindre 6 % de leur chiffre d’affaires annuel mondial. Si les revenus mondiaux de X sont estimés à quelques milliards d’euros, ceux des entreprises de Musk sont bien plus importants. Répondant aux propos de Vance, Virkkunen a déclaré aux journalistes : « Le DSA n’a rien à voir avec la censure ; cette décision concerne la transparence de X. » Elle a également indiqué que le montant de l’amende avait été jugé “proportionné” et calculé en tenant compte de “la nature de ces infractions, de leur gravité pour les utilisateurs européens concernés et de leur durée”. Interrogé sur la méthode de calcul de l’UE, un haut fonctionnaire de la Commission a réaffirmé le principe de proportionnalité et précisé qu’il ne pouvait être “réduit à une simple formule économique”. De son côté, la ministre française déléguée à l’IA et au Numérique Anne Le Hénanff a affirmé que la France “souten[ait] pleinement cette décision … qui envoie un message clair à l’ensemble des plateformes”. X n’a pas immédiatement répondu à notre demande de commentaires.
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Règlement sur les services numériques
Réseaux sociaux
Le Royaume-Uni envisage d’interdire les dons en cryptomonnaies aux partis politiques
LONDRES — Le gouvernement britannique envisage d’interdire les dons en cryptomonnaies aux partis politiques, ce qui pourrait sonner l’alerte chez Reform UK et son leader Nigel Farage. En pleine ascension dans les sondages au Royaume-Uni, ce parti populiste a ouvert la porte aux actifs numériques pour les dons au printemps dernier, dans le cadre de la “révolution crypto” qu’il promet pour le Royaume-Uni. Et il en a même déjà accepté. Aucune mesure contre ce procédé ne figure dans le document décrivant les contours du prochain projet de loi du gouvernement britannique sur les élections (ou Elections Bill), présenté comme un plan visant à renforcer la démocratie du pays. Mais les responsables publiques envisagent désormais d’interdire l’usage des cryptomonnaies dans le financement des responsables politiques, selon trois personnes au fait des discussions récentes sur ce projet de loi. Le gouvernement n’a pas démenti qu’une telle mesure était à l’étude, et s’est contenté d’indiquer qu’il “donnerait plus de détails dans [s]on Elections Bill”. Cette année, Reform UK est devenu le premier parti politique britannique à accepter des dons en cryptomonnaie. Nigel Farage a indiqué à Reuters en octobre que sa formation avait reçu “quelques” dons sous forme de cryptoactifs après que la Commission électorale — qui réglemente les dons aux partis politiques — a confirmé qu’elle avait été informée du premier don en cryptomonnaie. Reform UK a mis en place sa propre plateforme pour les dons en cryptomonnaies et a promis des contrôles “renforcés” pour éviter tout abus. Reform UK a mis en place sa propre plateforme pour les dons en cryptomonnaies et a promis des contrôles “renforcés” pour éviter tout abus. | Dan Kitwood/Getty Images Nigel Farage, qui détient des cryptoactifs de long terme, s’est présenté au secteur britannique des cryptos comme leur “seul espoir”. Il cherche ainsi à imiter son allié de longue date, le président américain Donald Trump, qui a largement adhéré aux monnaies numériques. Nigel Farage a souligné qu’il soutenait publiquement la filière depuis “bien avant Trump”. DIFFICILE À TRACER Le plan initial de l’exécutif pour son Elections Bill comprend une série de mesures allant de l’instauration du droit de vote à 16 ans au renforcement des pouvoirs de la Commission électorale. Aucune mesure ne figure contre les dons en cryptomonnaies, mais le gouvernement, dirigé par les travaillistes — qui sont loin derrière Reform UK dans les sondages —, est sous pression pour instaurer une interdiction. Parmi ceux qui ont suggéré un durcissement figurent le ministre Pat McFadden, le président du comité spécial des affaires économiques et du commerce à la Chambre des communes, Liam Byrne, et le président du groupe parlementaire transpartisan sur la lutte contre la corruption et l’équité fiscale, Phil Brickell. Les experts en transparence ont alerté qu’il pouvait être difficile de tracer l’origine des dons en cryptomonnaies. Cela fait craindre que les dons venus de l’étranger aux partis politiques et aux candidats — interdits dans presque tous les cas de figure par la loi au Royaume-Uni —, ainsi que les bénéfices tirés d’activités criminelles et les opérations de blanchiment d’argent puissent passer à travers les mailles du filet. Le projet de loi électorale des travaillistes devrait également imposer de nouvelles règles aux partis politiques et à leurs donateurs. Il devrait prévoir un durcissement sur les dons provenant de sociétés-écrans et d’associations non déclarées, et pourrait obliger les partis à enregistrer et à conserver une évaluation des risques liés aux dons susceptibles de présenter un risque d’ingérence étrangère. Les cryptomonnaies sont un nouveau champ de bataille en matière d’ingérence étrangère. Les services de renseignement russes adoptent de plus en plus les monnaies numériques pour échapper aux sanctions et financer des actions de déstabilisation — comme lors des élections en Moldavie — depuis que Moscou a été coupé du système bancaire mondial à la suite de l’invasion de l’Ukraine. La question de l’intervention du Kremlin dans la politique britannique a refait surface ces derniers mois après que Nathan Gill — ancien chef de Reform au Pays de Galles et ex-député européen du Brexit Party de Nigel Farage — a été condamné à dix ans et demi de prison le mois dernier parce qu’il a été rémunéré pour faire des déclarations prorusses au Parlement européen. Nigel Farage a pris ses distances avec Nathan Gill, décrivant l’ancien député européen comme une “pomme pourrie” qui l’avait trahi. Cela n’a pas empêchait le Parti travailliste de passer à l’offensive : le Premier ministre Keir Starmer demandant à Nigel Farage de lancer une enquête interne sur les activités de Nathan Gill. Selon un porte-parole du ministère du Logement, des Communautés et des Collectivités locales, qui est responsable du projet de loi : “Le système de financement politique dont nous avons hérité a rendu notre démocratie vulnérable aux ingérences étrangères.” “Nos nouvelles règles strictes en matière de dons en politique, telles que définies dans notre stratégie électorale, protégeront les élections au Royaume-Uni tout en veillant à ce que les partis puissent continuer à se financer.” Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais, puis a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.
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Transparence
La commissaire européenne Teresa Ribera accuse les Etats-Unis de “chantage” dans les négociations commerciales
BRUXELLES — La commissaire européenne chargée de la Concurrence, Teresa Ribera, n’a pas mâché ses mots contre l’administration Trump, l’accusant d’utiliser le “chantage” pour contraindre l’UE à assouplir sa réglementation du numérique. Le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, a suggéré lundi à Bruxelles que les Etats-Unis pourraient modifier leur approche en matière de droits de douane sur l’acier et l’aluminium si l’UE revoyait ses règles en matière de numérique. Les responsables européens ont interprété ses remarques comme visant les réglementations phares de l’UE, notamment celle sur les marchés numériques (DMA). “C’est du chantage”, a considéré la commissaire espagnole dans un entretien à POLITICO mercredi. “Le fait que ce soit leur intention ne signifie pas que nous acceptons ce genre de chantage.” Teresa Ribera — qui, en tant que première vice-présidente exécutive de la Commission, est la numéro 2 de l’exécutif européen derrière la présidente Ursula von der Leyen — a souligné que la réglementation européenne du numérique ne devrait pas avoir de lien avec les négociations commerciales. L’équipe de Donald Trump cherche à réviser l’accord conclu par le président américain avec Ursula von der Leyen dans son golf écossais en juillet. Ces déclarations interviennent à un moment sensible des négociations commerciales en cours. Washington considère le DMA comme discriminatoire, parce que les grandes plateformes technologiques qu’il réglemente — comme Microsoft, Google ou Amazon — sont presque toutes américaines. Il s’insurge également contre le règlement sur les services numériques (DSA), qui vise à limiter les discours haineux illégaux et la désinformation en ligne, car il est conçu pour encadrer les réseaux sociaux comme X d’Elon Musk. Teresa Ribera a rappelé que ces règles étaient une question de souveraineté, et qu’elles ne devraient pas entrer dans le champ d’une négociation commerciale. “Nous respectons les règles, quelles qu’elles soient, qu’ils ont établies pour leurs marchés : le marché numérique, le secteur de la santé, l’acier, tout ce que vous voulez […] les voitures, les normes”, a-t-elle posé en parlant des Etats-Unis. “C’est leur problème, leur réglementation et leur souveraineté. Il en va de même ici.” Teresa Ribera, avec la commissaire aux Technologies numériques Henna Virkkunen, supervise le DMA, qui veille au bon comportement des grandes plateformes numériques et à une concurrence équitable. Elle a vivement réagi aux propos tenus par Howard Lutnick lors de sa rencontre avec des responsables et des ministres européens lundi, martelant que “les règles européennes en matière de numérique ne sont pas à négocier”. Henna Virkkunen tenait la même ligne mardi. Lundi, elle a présenté à ses homologues américains le paquet de mesures de simplification de l’UE, comprenant la proposition d’omnibus numérique. Ce paquet a été présenté comme une initiative européenne visant à réduire les formalités administratives, mais certains l’ont interprété comme une tentative de répondre aux préoccupations des Big Tech américaines en matière de régulation. Le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, a suggéré lundi à Bruxelles que les Etats-Unis pourraient modifier leur approche en matière de droits de douane sur l’acier et l’aluminium si l’UE revoyait ses règles en matière de numérique. | Nicolas Tucat/Getty Images Interrogée sur les raisons qui l’ont poussée à faire une déclaration aussi forte, Teresa Ribera a répondu que les remarques d’Howard Lutnick constituaient “une attaque directe contre le DMA”, avant d’ajouter : “Il est de ma responsabilité de défendre le bon fonctionnement du marché numérique en Europe.” DES FISSURES APPARAISSENT Malgré la réplique intransigeante de Teresa Ribera, la solidarité des Etats membres envers le DMA commence doucement à se fissurer. Après la réunion de lundi, Howard Lutnick a pointé que certains ministres européens du Commerce n’étaient pas aussi réticents que la Commission à l’idée de revoir les règles numériques de l’UE : “Je vois beaucoup de ministres […] certains sont plus ouverts d’esprit que d’autres”, a-t-il observé sur Bloomberg TV, affirmant que si l’Europe veut des investissements américains, elle doit changer son modèle de régulation. Parmi les participants, au moins une Européenne semble d’accord. L’Allemande Katherina Reiche, qui s’est exprimée en marge de la réunion, a déclaré à la presse qu’elle était favorable à un nouvel assouplissement des règles de l’UE en matière de numérique. “L’Allemagne a clairement fait savoir qu’elle voulait avoir la possibilité de jouer un rôle dans le monde numérique”, a exposé Katherina Reiche, citant en particulier le DMA et le DSA. Les efforts de lobbying déployés par Washington contre les règles européennes sur le numérique s’inscrivent dans le cadre d’une bataille plus large menée par les Etats-Unis au niveau mondial pour affaiblir les lois sur le numérique dans les pays étrangers. Ce mois-ci, la Corée du Sud a cédé au lobbying de l’administration Trump en revenant en arrière sur son propre projet d’encadrement de la concurrence dans le secteur numérique. Le représentant américain au commerce prépare son rapport 2026 et lance une nouvelle série de consultations dans les semaines à venir. Entre-temps, la Commission poursuit son évaluation des règles dans le cadre de son Digital Fairness Fitness Check et de la révision en cours du DMA. Mais entre le lobbying de Washington et les Etats membres qui se désolidarisent, la question n’est pas seulement de savoir ce à quoi va aboutir la révision du DMA, mais s’il peut survivre à la guerre commerciale. Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais, puis a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.
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Apple is bringing AirPods live translation to Europe after all
Interpreters of Brussels, beware. After a public spat with the European Commission in September, Apple now says that it plans to roll out its live translation feature for AirPods in the coming month. “We had to delay the launch while we undertook additional engineering work to comply with European Commission rules,” a spokesperson for Apple said in a statement. The iPhone maker had previously warned that European users would not be able to access the real-time translation feature through their earbuds due to its interpretation of its obligations under the EU’s rulebook for big tech platforms, the Digital Markets Act. The EU rules mandate certain features in Apple’s phones and tablets to ensure interoperability with competitor devices. Apple has challenged those obligations in the EU courts. According to Apple, the firm had to develop a “complicated” solution to comply with the DMA, creating a new audio-routing API so third-party apps and devices could manage simultaneous audio paths.  The firm takes the position that had it shared the feature sooner, it would have been fined and forced to stop shipping products in the EU. The spokesperson said that Apple remained deeply concerned that the European Commission’s “aggressive” interpretations of the rules are putting “users at risk and is bad for innovation.” “In the EU, the aim of our digital legislation is to preserve innovation and freedom of choice,” said a spokesperson for the European Commission. “And this is exactly what we see today.”
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La gouvernement engage une procédure de suspension de Shein
PARIS — Sur instruction du Premier ministre, le gouvernement a engagé une procédure de suspension du site Shein, a annoncé le ministère de l’Economie et des finances ce mercredi. Le communiqué de Bercy indique que cette suspension durera “le temps nécessaire pour que la plateforme démontre (…) que l’ensemble de ses contenus sont en conformité avec nos lois et règlements”. Cette demande de suspension fait suite à la découverte vendredi de poupées sexuelles à l’effigie d’enfants sur le site. Ce matin, le député Antoine Vermorel Marques (DR) a également saisi la justice après avoir découvert la présence d’armes de catégorie A sur le site. Un “premier point d’étape” devra être fait par les ministres dans les 48 prochaines heures, précise également le communiqué.
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Protection des mineurs en ligne
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Oui, Bruxelles veut vraiment le démantèlement de Google
Un message de Bruxelles à Google : pourriez-vous vous démanteler, s’il vous plaît ? Le géant de la tech doit indiquer ce mois de novembre comment il entend se conformer à la décision de la Commission européenne de septembre, qui a estimé qu’il avait abusé de sa position dominante dans le secteur de la publicité en ligne. Après avoir infligé à Google une amende de 2,95 milliards d’euros, Bruxelles envisage ce qui était auparavant impensable : la vente définitive d’une branche d’une entreprise américaine, de préférence volontaire, mais potentiellement forcée si nécessaire. La situation est “très inhabituelle”, souligne Anne Witt, professeure de droit de la concurrence à l’Edhec Business School de Lille. “Les remèdes structurels sont presque sans précédent au niveau de l’UE”, ajoute-t-elle. “C’est vraiment l’artillerie lourde.” Dans sa décision de septembre, la Commission a franchi “un pas inhabituel et sans précédent”, selon Anne Witt, en demandant à Google de proposer elle-même la solution, tout en précisant, avec prudence, que toute solution ne comprenant pas une vente de certaines parties de son activité de technologie publicitaire tomberait sous le coup de l’autorité antitrust de l’UE. “Il semble que le seul moyen pour Google de mettre un terme à son conflit d’intérêts soit une solution structurelle, comme la vente d’une partie de son activité Adtech”, avait déclaré à l’époque la vice-présidente exécutive de la Commission Teresa Ribera, chargée des questions de concurrence. Alors que la date limite à laquelle Google doit informer la Commission de ses intentions approche, la possibilité d’un démantèlement ordonné par Bruxelles d’un champion américain de la tech ne passera probablement pas inaperçue à Washington, même si l’administration de Donald Trump mène ses propres poursuites contre le moteur de recherche. (Google représente 90% des revenus d’Alphabet, la holding valorisée à 3 300 milliards de dollars dont le siège se trouve à Mountain View, en Californie.) La vice-présidente exécutive de la Commission, Teresa Ribera, chargée des questions de concurrence. | Thierry Monasse/Getty Images Google a déclaré qu’elle ferait appel de la décision de la Commission, qui, selon la firme, exige des changements qui nuiraient à des milliers d’entreprises européennes. “Il n’y a rien d’anticoncurrentiel dans le fait de fournir des services aux acheteurs et aux vendeurs de publicités, et il y a plus d’alternatives à nos services que jamais auparavant”, a écrit Lee-Anne Mulholland, vice-présidente et responsable monde des affaires réglementaires de Google, dans un billet de blog en septembre. DES ENQUÊTES PARALLÈLES Le fait de proposer un démantèlement volontaire de Google marque l’aboutissement d’une décennie d’application des règles antitrusts de l’UE sur les marchés numériques, au cours de laquelle les mesures “comportementales” n’ont guère porté leurs fruits, et un alignement unique, sur le calendrier comme sur le fond, entre les Etats-Unis et l’UE dans leurs enquêtes menées en parallèle sur la domination de Google en matière de technologie publicitaire. “Il aurait été impensable, il y a dix ans, qu’il y ait une affaire aux Etats-Unis et une affaire similaire en Europe dont l’issue potentielle serait un démantèlement”, retrace Cori Crider, directrice exécutive du Future of Tech Institute, qui plaide en faveur d’un démantèlement. La Commission a officiellement lancé l’enquête sur l’ensemble des technologies publicitaires de Google en 2021, à la suite d’une série de plaintes émanant d’entreprises de presse qui avaient vu Google prendre le contrôle du système d’enchères en temps réel où les éditeurs et les annonceurs s’accordent sur le prix et l’emplacement des publicités en ligne. Le contrôle par Google de ces enchères, ainsi que de l’infrastructure utilisée par les deux côtés du marché, revient à permettre à Goldman Sachs ou à Citibank de posséder la Bourse de New York, a illustré le ministère américain de la Justice dans son action en justice en 2023. Cela a également créé une situation dans laquelle, des deux côtés de l’Atlantique, des entreprises de presse en difficulté financière ont vu Google absorber une part croissante des revenus de la publicité en ligne et, en fin de compte, constituer une menace pour le journalisme lui-même. “Il ne s’agit pas d’une simple affaire de droit de la concurrence, mais de l’avenir du journalisme”, a estimé Alexandra Geese, eurodéputée allemande des Verts. “Les éditeurs n’ont pas de revenus parce qu’ils n’ont pas de trafic sur leurs sites web, et c’est l’algorithme de Google qui décide des informations que nous voyons”, a-t-elle ajouté. De l’autre côté de l’Atlantique, les éditeurs se sont aussi retrouvés dans une situation difficile. En avril, le juge fédéral chargé de superviser le procès intenté par le gouvernement américain contre Google a considéré que le moteur de recherche avait illégalement maintenu son monopole sur certaines parties du marché de la technologie publicitaire. Un porte-parole de l’entreprise a déclaré que celle-ci n’était pas d’accord avec les accusations de la Commission. | Nurphoto via Getty Images Le tribunal du district de Virginie a tenu un procès de deux semaines sur les mesures pour corriger la situation en septembre. L’administration Trump a préconisé la vente de la partie gérant les enchères et l’annulation de la fusion de Google avec DoubleClick en 2008, qui lui a permis de dominer le marché de la publicité en ligne. La juge Leonie Brinkema entendra le plaidoyer final du gouvernement le 17 novembre et devrait rendre son verdict dans les mois à venir. LES PLANÈTES SONT ALIGNÉES Pour les détracteurs de Google, c’est le contexte idéal pour que la Commission pousse pour une solution structurelle musclée. “Si vous ne parvenez pas à mettre en place des solutions structurelles maintenant, alors que les Etats-Unis sont sur la même longueur d’onde, il est peu probable que vous y parveniez un jour”, estime Cori Crider. Parvenir au démantèlement peut toutefois s’avérer difficile sur le plan juridique et politique. Malgré cet alignement et les désillusions face à l’impact des amendes et des solutions comportementales, la Commission est toujours confrontée à un “obstacle majeur” sur le plan juridique, si elle n’est pas satisfaite de la solution proposée par Google, avance Anne Witt. Le système juridique américain est plus propice à ordonner des démantèlements, à la fois parce que les magistrats ont un large champ d’action pour réparer un préjudice causé au marché, mais aussi parce que les procès intentés par le gouvernement américain pour démanteler Google et Meta s’appuient sur des précédents historiques, souligne Anne Witt, ce qui n’est pas le cas en Europe. Quoi qu’il en soit, Google doit déposer ses propositions de mesures correctives dans les soixante jours suivant la notification de la décision de la Commission annoncée le 5 septembre. Un porte-parole de l’entreprise a déclaré que celle-ci n’était pas d’accord avec les accusations de la Commission, et donc avec l’idée que des mesures correctives structurelles seraient nécessaires. L’entreprise devrait déposer son recours dans les prochains jours. Bien que Google ait suggéré des ventes d’actifs à la Commission au cours de l’enquête antitrust — une idée rejetée par Bruxelles —, l’entreprise n’a pas l’intention de céder l’intégralité de sa technologie publicitaire, selon une personne au fait du dossier, à qui l’anonymat a été accordé en raison du caractère sensible de l’affaire. En fin de compte, ce qui se passera à Bruxelles pourrait dépendre de ce qui se passera dans l’affaire américaine. Bien qu’une cession ordonnée par un tribunal d’une partie des activités de Google dans le domaine de la technologie publicitaire soit concevable, les juges américains ont émis des doutes sur ce genre de solution structurelle au cours des derniers mois, rappelle Lazar Radic, maître de conférences en droit à l’université IE de Madrid et affilié à l’International Center for Law and Economics, un think tank pro-Big Tech. “Les alternatives comportementales sont toujours sur la table”, signale Lazar Radic, à propos de l’affaire américaine. La Commission voudra probablement s’aligner sur les Etats-Unis si le tribunal de Virginie se range du côté du ministère de la Justice, analyse Damien Geradin, conseiller juridique du European Publishers Council — dont Axel Springer, la maison mère de POLITICO, est membre — qui a introduit l’affaire. Inversement, si le tribunal opte pour une réparation plus faible que celle proposée, la Commission sera obligée d’aller plus loin, selon le juriste. “C’est dans ce cas où des solutions structurelles seront nécessaires. Je ne pense pas que la [Commission européenne] puisse se contenter de moins”, précise Damien Geradin. Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais, puis a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.
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Poupées sexuelles d’enfants : Roland Lescure envisage d’interdire Shein si les manquements sont “répétés”
PARIS — Le ministre de l’Economie a menacé Shein d’interdiction en France si l’enquête judiciaire montrait que les comportements de la plateforme de fast-fashion sont “répétés”. Roland Lescure était interrogé ce matin sur BFM TV après que la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) a découvert, vendredi 31 octobre, que la plateforme proposait à la vente des poupées sexuelles à l’effigie d’enfants. L’administration avait alors immédiatement saisi le procureur de la République et l’Arcom. “Pour des actes terroristes, pour le trafic de stupéfiants et pour des objets pédopornographiques, le gouvernement est en droit de demander l’interdiction de l’accès au marché français”, a ajouté le ministre de l’Economie. “Ces objets horribles sont illégaux”, a rappelé Roland Lescure, ajoutant avoir saisi la justice et l’Arcom, qui est compétente en la matière puisque Shein a été désignée l’an passée comme très grande plateforme en ligne (VLOP) dans le cadre du règlement européen sur les services numériques (DSA). La haut-commissaire à l’Enfance, Sarah El-Haïry, a pour sa part annoncé dimanche son intention de convoquer “l’ensemble des grandes plateformes” pour comprendre le circuit de commercialisation de ces produits. En 2021, le site de vente en ligne Wish avait fait l’objet de mesures de déréférencement à la demande de Bruno Le Maire, alors ministre de l’Economie. Après plusieurs enquêtes de la DGCCRF sur la sécurité des produits proposés par la plateforme, les principaux gestionnaires de moteurs de recherche et les magasins d’applications mobiles avaient été appelés à dérérencer Wish, avant que le site ne soit finalement à nouveau autorisé un an plus tard. Contacté par POLITICO, Shein n’a pas donné suite au moment de la publication.
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Les géants de la tech mettent le paquet pour leur lobbying à Bruxelles
BRUXELLES — Les entreprises de la tech dépensent plus que jamais pour faire du lobbying auprès de l’Union européenne, selon une nouvelle étude, à un moment où elles s’opposent toujours plus à la réglementation européenne en matière de numérique. Les 733 groupes du secteur du numérique enregistrés à Bruxelles dépensent désormais 151 millions d’euros annuels pour défendre leurs intérêts, contre 113 millions il y a deux ans, selon une étude réalisée par deux ONG à partir des informations communiquées au registre de transparence de l’UE. Cette hausse intervient alors que la filière s’attaque à des textes européens, tels que le règlement sur les marchés numériques (DMA) et celui sur les services numériques (DSA) — considérés par l’administration Trump comme discriminatoires envers les entreprises américaines —, et que la Commission européenne se prépare à un effort massif pour assouplir ses règles en matière de numérique. Les dépenses de lobbying sont concentrées entre les mains des géants de la tech, principalement américains, selon l’étude de Corporate Europe Observatory et LobbyControl, deux ONG spécialisées sur les actions d’influence des entreprises. Les 10 entreprises du numérique qui dépensent le plus — parmi lesquelles Meta, Microsoft, Apple, Amazon, Qualcomm et Google — ont dépensé plus que les 10 premières entreprises des secteurs pharmaceutique, financier et automobile réunis. Amazon, Microsoft et Meta ont “nettement” augmenté leurs dépenses depuis 2023, de plus de 4 millions d’euros pour Amazon et de 2 millions pour Microsoft et Meta, selon l’étude. L’organisation professionnelle Digital Europe, basée à Bruxelles, qui compte parmi ses membres de nombreux géants américains de la tech, a augmenté de plus de 1 million d’euros son budget de lobbying. Meta, avec un budget de plus de 10 millions d’euros, est l’entreprise qui dépense le plus en lobbying dans l’UE. Il s’agit d’un “moment précaire”, a qualifié Bram Vranken, chercheur au Corporate Observatory Europe, estimant que des années de progrès dans la limitation des effets néfastes de la technologie et du pouvoir des grandes entreprises du secteur risquent d’être réduites à néant. Avec la poussée de déréglementation à Bruxelles et le fort soutien de Washington, “les Big Tech saisissent cette nouvelle réalité politique pour effacer une décennie de progrès dans la réglementation du secteur numérique”, a-t-il relevé. Les entreprises soutiennent que le lobbying ne consiste pas seulement à exercer une influence, mais aussi à veiller à ce que les parlementaires comprennent les réalités complexes du secteur afin d’éclairer leurs décisions sur les règles. “Amazon s’engage sur des questions qui sont importantes pour nos clients, nos vendeurs et les diverses entreprises que nous opérons”, a déclaré un porte-parole de la société américaine dans un communiqué. “Cela signifie que nous travaillons avec des organisations, telles que des organisations professionnelles et des think tanks, et que nous communiquons avec des responsables des institutions européennes.” PLUS DE LOBBYISTES, PLUS DE RÉUNIONS Ce regain d’activité se traduit non seulement par une augmentation des dépenses, notamment pour les sociétés de conseil et d’expertise engagées pour influencer la politique numérique, mais aussi par une augmentation des effectifs inscrits au registre européen de la transparence. On estime aujourd’hui à 890 le nombre de lobbyistes — calculés en équivalents temps plein — qui travaillent à dessiner les contours de l’agenda politique sur le numérique, contre 699 en 2023. Parmi eux, 437 possèdent un badge leur permettant d’accéder librement au Parlement européen. L’accès à l’institution s’est durci ces dernières années en réaction à une série de scandales de corruption, dont les enquêtes sur Huawei qui ont vu l’entreprise être interdite d’accès au Parlement et de rencontres avec la Commission en mars. Au cours du premier semestre 2025, les représentants des entreprises de la tech ont déclaré 146 réunions avec le personnel de la Commission. L’intelligence artificielle était le principal sujet abordé, notamment le très contesté code de bonnes pratiques. Concernant les parlementaires, les lobbyistes de la tech ont déclaré 232 réunions. Les règles de transparence en matière de déclaration des réunions entre les lobbyistes et les responsables de la Commission et du Parlement se sont élargies ces dernières années, mais les défenseurs de la transparence estiment qu’elles ne sont pas assez fermes et contraignantes. Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais, puis a été édité en français par Jean-Christophe Catalon.
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Les 42 personnes qui comptent dans la tech
Qu’ils et elles œuvrent dans le privé ou dans le public, tous construisent, inspirent ou infléchissent au quotidien les politiques du numérique. POLITICO a listé la crème de la crème : voici les 42 personnes les plus influentes du moment. 1. ARTHUR MENSCH Fondateur de Mistral AI C’est comme si tous les espoirs de la tech tricolore reposaient sur lui. A la tête de la décacorne Mistral AI depuis 2023, Arthur Mensch a été propulsé comme l’une des figures les plus emblématiques de la French Tech, et même de la tech européenne à l’heure où le Vieux Continent peine à se faire une place dans la course à l’intelligence artificielle. Même Gabriel Zucman n’ose pas briser le rêve : l’inflexible économiste a bien voulu imaginer des aménagements à sa taxe sur les très (très) hauts patrimoines lorsqu’Arthur Mensch a enfilé son costume pour dire, sur le plateau du 20 heures de France 2, qu’il ne serait pas en mesure de la payer — le polytechnicien a toutefois plaidé pour “plus de justice fiscale en France”. L’entrepreneur parvient malgré tout à naviguer dans l’instabilité politique et à engranger les contrats (avec CMA CGM, France Travail ou encore Free), en s’appuyant sur le président Macron, mais pas que. Mistral joue aussi le bon élève au niveau européen : elle a été la première à signer le “code de bonnes pratiques” issu du règlement européen sur l’IA, pourtant décrié par les entreprises du secteur. Au-delà des enjeux de souveraineté, que l’entreprise met en avant, elle doit désormais transformer l’essai et montrer que son IA rivalise avec ses concurrentes américaines dans la course à la performance. Arthur Mensch | POOL photo by Ludovic Marin/AFP via Getty Images 2. XAVIER NIEL Fondateur d’Iliad A 58 ans, le trublion des télécoms aime toujours autant titiller ses concurrents. Pendant qu’eux jouent les bons élèves, Xavier Niel, lui, offre un VPN gratuit à ses abonnés. Un formidable outil de contournement de la vérification de l’âge pour accéder, notamment, aux sites pornographiques. L’an dernier, son livre Une sacrée envie de foutre le bordel (Flammarion) a rappelé opportunément à ses fans qu’il était encore loin de la retraite. Dans la foulée, l’homme d’affaires iconoclaste montait même sur scène pour raconter son parcours et ses choix entrepreneuriaux, aussi agressifs que visionnaires. Rappelez-vous, l’autodidacte a fait ses premiers pas dans le Minitel rose, avant d’exploser avec Free dans les télécoms, en proposant la première offre “triple play” française, puis un forfait mobile illimité qui pousse la concurrence à casser les prix. Depuis, le milliardaire met des billes un peu partout : dans la French Tech (Deezer, Sorare, Alan, ou encore l’incubateur Station F), le cloud et l’IA (Scaleway et OpCore), les médias (le groupe Le Monde, la société de production Mediawan), la formation (école 42). Pour l’heure, seuls la télévision et le cinéma lui résistent encore. En 2023, Niel a échoué à obtenir une fréquence TNT face à TF1 et M6. Intéressé par la reprise d’UGC, celui qui est aussi le gendre de Bernard Arnault s’est récemment fait doubler par Vincent Bolloré. 3. JOHANNA BROUSSE Cheffe de la section J3 du parquet de Paris Elle est en train de devenir la bête noire des plateformes. Un an après l’arrestation spectaculaire du patron de Telegram Pavel Durov, la vice-procureure Johanna Brousse a ouvert les dossiers au rythme (effréné) de l’actualité du secteur : enquête contre la plateforme X d’Elon Musk, contre le site de streaming vidéo Kick, et désormais contre Apple et son assistant vocal Siri. Le terrain est nouveau pour cette section qui s’était d’abord concentrée sur les arnaques en ligne et la cybercriminalité plus “conventionnelle”. Si 2025 est l’année des nouveaux fronts, la section J3 est désormais attendue au tournant sur les résultats de ces nouvelles procédures contre les plateformes de portée mondiale. Louée pour son sérieux et son expertise, construite sur le tas, Johanna Brousse, 40 ans, mène ce virage avec sa (petite) équipe de cinq magistrats. Les mois à venir seront cruciaux pour déterminer si ces enquêtes françaises sont conformes au droit européen, alors que Bruxelles est censé être à la manœuvre en matière de régulation des grandes plateformes. 4. MARTIN AJDARI Président de l’Arcom Malgré ses bonnes connexions dans le secteur audiovisuel — il est passé par Radio France et France Télévisions, a été directeur de cabinet de la ministre de la Culture Aurélie Filippetti et directeur général des médias et industries culturelles au sein du même ministère —, sa première année à la tête du régulateur n’aura pas été de tout repos. Celui qui a pris début février les rênes de l’Arcom a dû faire face, au cœur de l’été, au tsunami de l’affaire Jean Pormanove, du nom de ce streameur mort en direct sur la plateforme Kick. Face aux mises en cause dans l’opinion publique et au sein même de la classe politique, Martin Ajdari a dû prendre son bâton de pèlerin pour rappeler quelles étaient les missions du régulateur — et leurs limites en matière de régulation du numérique. Il n’empêche : le tapage médiatique a eu l’effet d’un électrochoc, et la nouvelle feuille de route de l’Arcom, tout juste dévoilée, montre un durcissement à l’égard des plateformes. Sur le contrôle de l’âge notamment : Martin Ajdari a promis de contrôler strictement le respect des CGU et de s’assurer que les services n’exposent pas les plus jeunes à des contenus dangereux. Les plateformes sont invitées dès cet automne à rendre des comptes. 5. DONALD TRUMP Président des Etats-Unis Vous ne l’attendiez pas dans notre classement, et pourtant… Depuis son retour à la Maison-Blanche, Donald Trump donne le tempo en matière de régulation du numérique, invitant à maintes reprises le législateur européen à revoir sa copie. L’Américain rêve de faire un strike en dégommant : la fameuse “taxe Gafam” déployée dans plusieurs pays européens (dont la France) ; le DMA, qui traque les abus de position dominante dans la tech ; le DSA, qu’il accuse de brider la liberté d’expression à l’américaine. Et ce n’est pas tout : sa décision d’augmenter unilatéralement les droits de douane sur les produits chinois a fait déferler bon nombre de colis venus d’Asie sur le sol européen, poussant plusieurs Etats membres (dont la France) et la Commission européenne à réagir. Shein et Temu ne lui disent pas merci ! Benoit Coeuré | Horacio Villalobos#Corbis/Corbis via Getty Images 6. BENOÎT CŒURÉ Président de l’Autorité de la concurrence Peu connu du grand public lorsqu’il est propulsé en 2022 à la tête du régulateur de la concurrence, Benoît Cœuré est un économiste passé par la Banque centrale européenne et la direction du Trésor. Le successeur d’Isabelle de Silva trace pourtant sa route dans le numérique. Ses obsessions pour 2026 ? L’intelligence artificielle et la culture. L’autorité planche ainsi sur un rapport consacré aux enjeux d’accès à l’énergie par les acteurs de l’IA. Il garde également l’œil sur la façon dont ils nourrissent leurs modèles, puisqu’il a mené une série de consultations sur le respect du droit d’auteur. Car l’Autorité de la concurrence est chargée de veiller au respect des accords sur le droit voisin, qui prévoit que les géants du numérique versent de l’argent aux médias. Surprise au générique : la “création de contenus vidéo” et le petit monde des agences d’acteurs feront aussi l’objet d’un rapport d’ici à la fin de l’année. Une initiative directement soufflée par la commission d’enquête de l’Assemblée sur les violences dans le cinéma. Enfin, Benoît Cœuré devrait jouer un rôle de premier plan dans la vente de SFR : le régulateur devra y mettre son nez, Bouygues Telecom, Free et Orange ayant déposé une offre conjointe de rachat. 7. THOMAS COURBE  Directeur général des entreprises Il est l’un des rares locataires de Bercy qui n’a pas besoin de garder ses cartons de déménagement à portée de main. Depuis sept ans à la tête de la direction générale des entreprises (DGE), Thomas Courbe est devenu l’une des principales interfaces entre le ministère et les boîtes privées — y compris celles du numérique. La DGE a en effet renforcé ses compétences dans le domaine, en pilotant notamment l’Institut national pour l’évaluation et la sécurité de l’intelligence artificielle (Inesia), créé cette année. La direction de Thomas Courbe — et son service de l’économie numérique — a également la main sur la régulation du secteur : c’est une note de la DGE qui a donné le coup de grâce et définitivement enterré la loi dite “Marcangeli”, censée créer une majorité numérique à 15 ans. La DGE a également su jouer des coudes pour la mise en œuvre du règlement européen sur l’intelligence artificielle (AI Act), afin d’éviter que la Cnil ne soit seule aux manettes du texte en France. Finalement, ce sera la direction générale des entreprises, épaulée par la Répression des fraudes (DGCCRF), qui assurera la coordination. Rien de très étonnant : c’est Thomas Courbe qui représente les autorités françaises au bureau européen de l’IA, chargé de mettre en œuvre l’AI Act. 8. SARAH EL HAÏRY Haut-commissaire à l’enfance Rare figure de stabilité en ces temps troublés, Sarah El Haïry a rapidement endossé son rôle de haut-commissaire à l’enfance, devenant une interlocutrice essentielle des associations de protection de l’enfance. A défaut de pouvoir légiférer, l’ancienne ministre déléguée à l’Enfance — et vice-présidente du MoDem — a interpellé le grand public et les élus sur l’impact des écrans sur les jeunes et les risques engendrés par le numérique. Parmi eux : la diffusion, à l’ère de l’intelligence artificielle, de photos d’enfants sur les réseaux sociaux, ou encore les jeux vidéo en ligne. 9. NICOLAS DUFOURCQ Directeur général de Bpifrance Nicolas Dufourcq, c’est aussi — et surtout — un franc-parler. Directeur général de la banque publique Bpifrance depuis sa création en 2013, l’énarque — qui avait développé Wanadoo dans une autre vie — est un soutien inépuisable des entreprises et des entrepreneurs. Prenons-en pour preuve ses déclarations acérées contre la taxe Zucman, un “truc complètement absurde”, une “histoire de jalousie à la française” et un signe de la “haine des riches”… Le parrain de la French Tech investit sur des dossiers qu’il considère comme stratégiques et soutient financièrement quatre start-ups sur cinq en France, avec un slogan : “Vous envoyez du bois, nous envoyons du blé.” Et la conviction que les entrepreneurs ont toutes les solutions pour la France. Anne Le Hénanff | Magali Cohen/Hans Lucas/AFP via Getty Images 10. ANNE LE HÉNANFF Ministre déléguée à l’Intelligence artificielle et au Numérique Fraîchement nommée au Numérique, Anne Le Hénanff a au moins un avantage aux yeux de l’écosystème tech, lassé de la valse des gouvernements : elle ne découvre pas les sujets numériques. Bien au contraire. Membre de la Commission supérieure du numérique, l’ex-députée Horizons a été rapporteure sur le volet cloud du projet de loi visant à sécuriser l’espace numérique. Elle est surtout une aficionada des questions cyber et de souveraineté : à peine élue à l’Assemblée, en 2022, la Bretonne a conduit une mission sur la cyberdéfense. Elle était, jusqu’à sa nomination au gouvernement, rapporteure du plus gros morceau du projet de loi cyber, qui transpose la directive NIS2. Elle fait également partie des députés “lanceurs d’alerte” sur le contrat envisagé entre l’Assemblée nationale et Bleu, la succursale made in France de Microsoft Azure. Sans être une antiaméricaine à la Philippe Latombe, son ex-collègue MoDem, note un lobbyiste de la tech. Anne Le Hénanff s’est aussi opposée à la remise en cause du chiffrement des communications, portée par l’ancien ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, et souhaité de longue date par les services de sécurité intérieure. 11. ARTHUR DELAPORTE Député PS du Calvados Lui ne manque pas d’idées pour encadrer les plateformes et réguler les influenceurs. Coauteur de la toute première loi encadrant le secteur de l’influence, Arthur Delaporte a présidé la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur TikTok, dont les conclusions sont alarmantes. Dans la foulée, face au flou persistant autour de l’algorithme et l’impact du réseau social sur les jeunes, le député a saisi le parquet de Paris, dénonçant “une possible responsabilité de la plateforme dans la mise en danger de la vie d’autrui”. Le socialiste n’entend pas s’arrêter là. Aux côtés de Stéphane Vojetta, il a été chargé, par l’ex-ministre déléguée au Numérique Clara Chappaz, d’une mission visant à combler les failles de leur première loi sur les pratiques commerciales des influenceurs. Le député poursuit ses auditions jusqu’en novembre et espère achever son rapport avant la fin de l’année. 12. MARC-ANTOINE BRILLANT Chef de service à Viginum Il est la vigie du gouvernement face aux ingérences étrangères. A la tête de Viginum depuis 2023, Marc-Antoine Brillant voit venir les vagues d’ingérences numériques en amont des élections municipales de 2026, mais surtout de la présidentielle de 2027. A ce titre, il ne serait pas contre un renforcement des compétences de son service — une refonte des décrets de Viginum est d’ailleurs dans les tuyaux pour accompagner le virage offensif récemment pris par le Quai d’Orsay. Diplômé de Saint-Cyr et passé par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi), Marc-Antoine Brillant est en première ligne, alors que les ingérences ne viennent plus seulement de Russie, mais aussi d’Azerbaïdjan, d’Iran ou encore… des Etats-Unis. En mars, il avait d’ailleurs pointé un risque d’ingérences liées à Elon Musk et sa plateforme X. 13. DONALD TANG Président exécutif de Shein Il est la bête noire de l’industrie textile — qui l’accuse de détruire le tissu commercial français et européen — et la cible directe d’une proposition de loi contre la fast-fashion, en cours d’examen au Parlement. Qu’à cela ne tienne : Donald Tang multiplie les interventions médiatiques, ces derniers mois, pour convaincre qu’il est un partenaire économique de confiance. Au Figaro, le patron de Shein assure d’ailleurs vouloir “contribuer au renouveau des centres-villes français”. En témoigne son partenariat avec Pimkie ou plus récemment celui avec le groupe SGM, qui doit permettre à la marque chinoise d’être présente au BHV et dans cinq magasins des Galeries Lafayette. Ces annonces ont déclenché un tollé médiatique et convaincu certains parlementaires qu’il fallait accélérer sur la réécriture de la loi sur la fast-fashion. Sans compter qu’un deuxième front s’ouvre pour Donald Tang avec les négociations sur le budget 2026. Shein et d’autres enseignes asiatiques, accusées d’inonder la France de leurs produits bon marché, sont visées par une taxe de 2 euros sur les petits colis — en attendant une réforme européenne prévue pour 2028. Gabriel Zucman | Francois Walschaerts/AFP via Getty Images 14. GABRIEL ZUCMAN ET PHILIPPE AGHION Economistes Ce sont les deux économistes stars de la rentrée. L’un avec son idée de taxe sur l’ensemble des actifs des plus riches. L’autre avec le prix Nobel, reçu le 13 novembre. Tous deux se sont d’ailleurs retrouvés en face-à-face lors du grand raout annuel de France Digitale à la mi-septembre. Le lobby des start-ups avait bousculé son programme pour insérer un débat sur la controversée taxe Zucman. Très vocaux dans les médias, les opposants à cet impôt sur les très hauts patrimoines — dont l’inventeur ne “pouvait être que Français”, selon Bruno Retailleau — ont trouvé dans les entrepreneurs de start-ups des alliés idéaux. Arthur Mensch, le fondateur de Mistral, s’est par exemple retrouvé à parler justice fiscale au 20 heures de France 2. En défendant l’innovation et la destruction créatrice, Pierre Aghion est, quant à lui, l’un des économistes préférés des start-ups. Le leadership technologique, plaide-t-il, est le meilleur moyen d’assurer la puissance économique. Une thèse reprise avec joie par les géants numériques pour limiter les tentatives de régulation, selon certains. 15. HENNA VIRKKUNEN Vice-présidente exécutive de la Commission européenne, chargée de la Souveraineté numérique, de la Sécurité et de la Démocratie Notre classement ne pouvait pas faire l’impasse sur celle qui a remplacé Thierry Breton dans le cœur des acteurs de la tech. Quoique… Malgré son portefeuille large et stratégique — l’IA et les technologies de pointe, le cloud, les semi-conducteurs, les réseaux, ou encore la cybersécurité —, cette Finlandaise de 53 ans, nommée commissaire au Numérique en décembre 2024 à l’occasion du deuxième mandat d’Ursula von der Leyen, est restée particulièrement discrète depuis sa nomination — trop, diront ses détracteurs. En cause : sa réaction jugée un peu tiède face aux attaques incessantes de Donald Trump contre les lois numériques européennes. A ces critiques, venues notamment des parlementaires européens, Henna Virkkunen a répondu d’un simple “stay calm”. “Je travaille constamment sur ces sujets. Mais bien sûr, chacun a des styles personnels très différents”, a-t-elle conclu. 16. SARAH LACOCHE Directrice de la DGCCRF La DGCCRF a vu son champ de compétences s’élargir ces dernières années, à mesure que le commerce en ligne — et ses dérives — gagnait du terrain sur les ventes physiques. Lutter contre les fausses promotions et les clauses abusives, veiller à la sécurité des produits et aux bonnes pratiques des influenceurs, et bientôt encadrer de l’IA… Un éventail de missions que Sarah Lacoche, directrice depuis mai 2023, essaie de mener à bien, malgré des moyens humains et financiers qu’elle juge insuffisants. Ces derniers mois, la Répression des fraudes était attendue au tournant : au terme de deux ans d’enquête, elle a finalement prononcé une amende de 40 millions d’euros contre le géant chinois de la fast-fashion Shein. Sarah Lacoche est aussi sous le feu des projecteurs avec le projet de taxation des petits colis, poussé par la France et désormais porté au niveau européen. Dans ce cadre, la DGCCRF travaille d’arrache-pied avec les douanes sur un nouveau protocole de coopération, très attendu par le petit monde du e-commerce. 17. JULIE LAVET Cheffe des politiques publiques et des partenariats d’OpenAI pour l’Europe Julie Lavet occupe l’un des postes de lobbyiste les plus en vue en cette période du tout-IA. Depuis 2024, la Française est à la tête des affaires publiques du géant OpenAI pour l’Europe. Une sacrée promotion pour celle qui s’occupait auparavant des relations publiques d’Apple en France, mais surtout une montée en intensité, alors que sa nouvelle entreprise est scrutée par les régulateurs européens. La trentenaire a réalisé son cursus honorum en cabinet ministériel, en rejoignant en 2016 celui de Manuel Valls, alors Premier ministre. Elle y était chargée des relations avec le Parlement. Toujours basée à Paris, Julie Lavet devra sans nul doute gérer les relations tendues avec les ayants droit, qui reprochent aux modèles d’intelligence artificielle d’être entraînés sur leurs contenus sans autorisation ni rémunération. Leur frustration grandit, alors qu’OpenAI a jusqu’ici douché les espoirs de l’Alliance de la presse d’information générale et a séché les dernières réunions sur le sujet organisées par le gouvernement. 18. MARIE-LAURE DENIS Présidente de la Cnil Conseillère d’Etat, Marie-Laure Denis est présidente de la Commission nationale de l’informatique et des libertés depuis février 2019. Cette haute fonctionnaire a consacré vingt ans de carrière à la régulation au sein d’autorités administratives indépendantes : le Conseil supérieur de l’audiovisuel (devenu l’Arcom) jusqu’en 2011, le régulateur des télécoms (l’Arcep) jusqu’en 2017, et la Commission de régulation de l’énergie de 2017 à 2019. Renouvelée en novembre 2023, elle est parvenue à faire avancer la Cnil sur une ligne de crête : composer entre son rôle de gendarme des données et sa mission d’accompagnement à l’innovation. Marie-Laure Denis a inscrit sur la liste de ses priorités la protection de l’enfance en ligne et l’éducation au numérique, mais aussi la prévention des risques cyber et la régulation de l’intelligence artificielle. Sous sa présidence, la Cnil devra encore achever sa mue en régulateur de l’IA, dont le rôle dépasse largement celui de protecteur des données personnelles. 19. PHILIPPE LATOMBE Député MoDem de Vendée Membre de la commission des Affaires économiques, l’élu a fait de la souveraineté numérique son cheval de bataille. Il est d’ailleurs l’auteur d’un rapport parlementaire sur le sujet, publié en 2021. Du soutien aux start-ups au transfert de données vers les Etats-Unis, en passant par le cloud souverain et l’open data, Philippe Latombe se mobilise sur tous les fronts et milite pour une volonté politique plus forte, à Paris et à Bruxelles, afin de protéger entreprises nationales et citoyens. Jusque-là, on ne peut pas dire qu’il ait été pleinement entendu. L’élu a tout même profité de son poste de président de la commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi cybersécurité pour pousser — avec un succès mitigé — nombre de mesures en faveur de la souveraineté et contre les lois extraterritoriales à l’américaine. 20. CÉLINE BERTHON Directrice générale de la sécurité intérieure Elle est le visage de la — par nature discrète — direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). Céline Berthon, policière de formation, a été la première femme à prendre la tête des renseignements intérieurs en 2024. Depuis quelques mois, elle n’hésite plus à porter publiquement les doléances de ses équipes. Le sujet le plus abrasif : une demande de levée du chiffrement des messageries (WhatsApp, Signal, etc.) qui, selon elle, “aveuglent” les services de renseignement, alors que les criminels et terroristes se tournent vers ces solutions pour échapper à la surveillance des autorités. Bien que son lobbying n’ait pas suffi à introduire une telle mesure, lorsqu’elle a été examinée par le Parlement, Céline Berthon n’entend pas lâcher l’affaire. D’autant qu’une nouvelle menace trouve désormais sa place dans son giron : les ingérences étrangères, dont elle a elle-même été la cible. 21. STÉPHANE PACAUD Directeur de WGCZ, propriétaire des sites XVideos et XNXX L’homme est un caillou dans la chaussure de l’Arcom. Classé parmi les 500 plus grosses fortunes de France par Challenges, avec plus de 600 millions d’euros en banque, Stéphane Paccaud doit sa réussite à un réseau de sites pornographiques, dont les très populaires XVideos et XNXX. Récemment, il a aussi mis la main sur Jacquie et Michel. Originaire du Creusot, en Saône-et-Loire, l’homme cultive la discrétion. Il expliquait en 2019 se “moquer totalement de [se] faire connaître” et tançait “l’incompétence” des médias, les accusant de “sensationnalisme” sur la question du porno. Stéphane Pacaud mène la bataille contre le contrôle d’âge sur les sites porno. Son recours auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) risque fort de mettre en défaut le régulateur tricolore, celui-ci ayant empiété sur le droit européen, selon le rapporteur général de la CJUE. La décision doit être rendue prochainement et pourrait détricoter les mesures de contrôles d’âge construites par le législateur français. 22. JUSTINE ATLAN Directrice générale d’e-Enfance Directrice générale d’e-Enfance, association qui accompagne les victimes de cyberharcèlement, Justine Atlan a, depuis toujours, soigné ses relations avec l’exécutif : de Luc Chatel, ministre de l’Education nationale en 2009, à Clara Chappaz, qui a quitté son poste au Numérique il y a quelques jours. Sa cause a même séduit Brigitte Macron, qui l’a reçue pour parler des ravages des écrans sur les jeunes enfants. Loin de s’opposer aux acteurs de la tech, la lobbyiste a su tisser une relation de confiance avec leurs représentants, qu’elle convie d’ailleurs chaque année, aux côtés des régulateurs et des élus, au Parc des Princes pour le tournoi de football caritatif de l’association. Sur le fond des sujets, Justine Atlan a défendu ces derniers mois la mise en place d’un système de vérification de l’âge des internautes et d’un contrôle parental pour l’inscription des moins de 15 ans sur les réseaux sociaux. Plus récemment, elle a appelé les parlementaires à chercher un financement pour les signaleurs de confiance — chargés par l’Arcom de faire remonter aux plateformes les contenus illicites. 23. ANNE BOUVEROT Envoyée spéciale sur l’IA et coprésidente du Cian Après avoir organisé avec succès le Sommet sur l’IA à Paris en février dernier, Anne Bouverot est devenue l’un des rouages de la politique française en matière d’intelligence artificielle. C’est donc tout naturellement que l’ancienne ministre déléguée au Numérique Clara Chappaz s’est tournée vers l’envoyée spéciale d’Emmanuel Macron pour l’IA pour présider — aux côtés de Guillaume Poupard, directeur général adjoint de Docaposte et ancien patron de l’Anssi — le tout nouveau Cian (Conseil de l’IA et du numérique). Anne Bouverot, qui a passé dix-huit ans chez Orange, est aussi présidente du conseil d’administration de l’Ecole normale supérieure, où elle s’est spécialisée dans les impacts sociétaux de l’IA. 24. MARC LOLIVIER Délégué général de la Fevad A la tête de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) depuis 2002, Marc Lolivier est incontournable dans le petit monde des boutiques en ligne. Dans les prochains mois, celui qui représente la France au sein de la fédération européenne du e-commerce (Ecommerce Europe) aura du pain sur la planche. A Paris d’abord, avec le budget 2026 dans lequel se profile une taxe de 2 euros sur les petits colis destinée freiner l’arrivée massive de produits asiatiques dans l’Hexagone. Selon Marc Lolivier, cette mesure devrait renforcer la compétitivité des e-commerçants tricolores. Mais le gros de son travail se fera bel et bien à Bruxelles, où la Commission européenne prépare un texte sur la protection du consommateur à l’ère numérique (Digital Fairness Act). 25. NATHALIE TEHIO Présidente de la Ligue des droits de l’homme Avocate au barreau de Paris, spécialiste des libertés publiques et des violences policières, Nathalie Tehio a rejoint le bureau national de la LDH en 2020, avant d’en prendre la présidence en mai 2024. A l’époque, les émeutes font rage en Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement décide de suspendre le réseau social TikTok dans l’archipel. “Une atteinte à la liberté de communication des idées et des opinions” immédiatement dénoncée par l’association, qui attaque d’urgence cette décision en justice. Ce virage numérique s’est poursuivi ces derniers mois. Par exemple, la LDH a porté plainte en février contre Apple pour collecte illégale de données via son assistant Siri. A peu près au même moment, l’association a aussi joué les lanceuses d’alerte, attirant l’attention de l’Arcom au sujet de la plateforme Kick et les violences perpétrées sur la chaîne Le Lokal. Nathalie Tehio réfléchit sérieusement à faire de la LDH un signaleur de confiance, au titre du règlement européen sur les services numériques (DSA). Ce statut permettrait à l’association de faire remonter plus rapidement les contenus illicites aux plateformes. 26. PASCAL ROGARD Directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques Inlassable défenseur de “l’exception culturelle”, il ne mâche pas ses mots lorsqu’il s’agit de clasher les plateformes — notamment TikTok, qu’il menace régulièrement d’un procès pour non-versement des droits d’auteur. Juriste de formation et lobbyiste influent à Paris comme à Bruxelles, où il a mené le combat pour l’adoption de la directive sur le droit d’auteur, Pascal Rogard a fait toute sa carrière au service de la culture, d’abord auprès des producteurs et réalisateurs de cinéma, puis des auteurs. Son dernier combat en date (et à venir) : faire barrage à OpenAI, très tentée de présenter son film d’animation généré par IA au… Festival de Cannes 2026. Remonté comme un coucou, le patron de la SACD a écrit à la présidente du festival, Iris Knobloch, pour s’enquérir de la place qu’aurait ce projet sur la Croisette. 27. LAURE DE LA RAUDIÈRE Présidente de l’Arcep Pas facile de succéder à l’hyperactif Sébastien Soriano. Laure de La Raudière a pourtant réussi à imprimer sa marque dans le secteur des télécoms. Normalienne et ingénieur télécoms, elle a passé onze ans chez France Télécom, avant de fonder sa société de conseil. Elue députée UMP d’Eure-et-Loire en 2007, elle s’investit dans les dossiers numériques et fait pas moins de neuf rapports sur le sujet, allant de la neutralité du net à l’économie numérique, en passant par la couverture du territoire. Sa nomination début 2021 à la tête de l’Arcep, l’autorité de régulation du secteur, surprend autant qu’elle rassemble. Ce qui a fait pencher la balance ? “Elle est à la fois très ancrée dans la politique locale et sait traiter de sujets techniques arides”, expliquait alors aux Echos le ministre de l’Economie Bruno Le Maire, qui aurait vivement recommandé la députée à Emmanuel Macron. Depuis l’été, la présidente de l’Arcep s’est donné une mission : étendre la régulation numérique de l’UE aux services de cloud et d’IA des géants américains, pour faciliter l’émergence d’alternatives européennes. 28. VINCENT STRUBEL Directeur général de l’Anssi Il est un pur produit de l’Anssi. Ingénieur X-Télécoms, membre du corps des Mines, Vincent Strubel a fait de la sécurité des systèmes d’information sa spécialité. Il rejoint l’agence en 2009 en tant que chef du laboratoire architectures matérielles et logicielles, puis occupe les postes de responsable des expertises et de directeur de l’Opérateur des systèmes d’information interministériels classifiés — une émanation de l’Anssi —, avant d’être nommé DG en 2023. En bon fonctionnaire, Vincent Strubel dépasse rarement les bornes de son devoir de réserve, mais sait habilement pointer les responsabilités des uns et des autres — et livrer le fond de sa pensée sur une disposition législative. Et quand il sort du cadre, c’est que l’heure est grave. Tout récemment, il a remis à sa place le hackeur-influenceur Clément Domingo, ulcéré par l’ampleur d’une rumeur de cyberattaque “massive” contre une agence de l’Etat. 29. PAVEL DUROV Fondateur et dirigeant de Telegram D’amoureux autoproclamé de la France, Pavel Durov est devenu son détracteur. Alors que le fondateur de Telegram est désormais sous contrôle judiciaire dans l’Hexagone depuis plus d’un an, il s’est tourné vers les médias et ses followers pour dénoncer la procédure qui le vise, et le tient pour responsable des activités illégales qui se déroulent sur sa messagerie. Désormais brouillé avec la France, il a délaissé son deuxième nom, Paul du Rove — qu’il avait choisi en accédant à la nationalité tricolore en 2021, avec l’appui d’Emmanuel Macron —, et s’attaque frontalement à certains services, comme la DGSE et son patron Nicolas Lerner. Durov peut néanmoins s’appuyer dans son combat sur le soutien d’Elon Musk et de plusieurs influenceurs de la sphère MAGA, qui n’hésitent pas à faire le déplacement en France pour l’interviewer dans la prison dorée des hôtels parisiens. 30. BENOÎT TABAKA Directeur des affaires publiques de Google France C’est l’un des lobbyistes les plus connus du secteur numérique. Et pour cause : du Forum des droits sur l’internet au secrétariat général du Conseil national du numérique, en passant par les affaires publiques du groupe PriceMinister, Benoît Tabaka a déjà eu plusieurs vies professionnelles. A la tête des affaires publiques de Google France depuis 2018, il a récemment pris du galon et dirige, depuis septembre, les relations institutionnelles et politiques publiques du géant américain en Europe du Sud. Il faut dire que la “méthode Tabaka” a fait ses preuves, à Paris comme à Bruxelles. Cordial, réactif aux demandes du législateur, rechignant rarement à faire une énième audition sur le même sujet au nom de la sacro-sainte “pédagogie”, il a su tisser une relation apaisée avec les pouvoirs publics (ministres, parlementaires et même collectivités locales), privilégiant le dialogue à l’opposition de principe. Gaspard G | Teresa Suarez/EPA 31. GASPARD G Influenceur Tout juste nommé vice-président de l’Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenu (Umicc), le youtubeur Gaspard G a récemment pris un virage plus politique. Son objectif : obtenir des aides de l’Etat pour les influenceurs d’information, afin de réduire leur dépendance aux partenariats avec les marques. Cette ambition s’accompagne d’une autre demande : la reconnaissance d’un véritable statut pour ces influ-journalistes qui aident, selon lui, à la lutte contre la désinformation. Gaspard G poursuit par ailleurs ses propres projets en tant que créateur et producteur de contenu. A la tête de l’agence Intello, il a notamment accompagné ces derniers mois des présentateurs, comme Claire Chazal et Stéphane Bern, à faire leur mue sur YouTube. En parallèle, l’influenceur pénètre peu à peu l’écosystème politique via des interviews pour sa chaîne d’actualité. Parmi ses invités, des poids lourds, comme François Hollande ou Emmanuel Macron. 32. ROXANNE VARZA Directrice de Station F Quel start-uppeur peut prétendre n’avoir jamais visité son temple de la tech ? Roxanne Varza, la patronne de Station F, est l’une des personnalités les mieux connectées de l’écosystème des start-ups français. Il faut dire que Station F parvient toujours à se placer sur la carte des événements tricolores du numérique. Hub des grands rendez-vous de la tech, il est aussi le lieu de réception des soirées VIP organisées par des géants, comme OpenAI, et de dîners confidentiels. Au cœur de cette plaque tournante du réseautage tech, Roxanne Varza tient la barre depuis plus de dix ans. Née à Palo Alto, naturalisée Française, l’ancienne journaliste avait été repérée par le milliardaire Xavier Niel, fondateur de Station F, alors qu’elle prêtait sa plume au média TechCrunch. Roxanne Varza (qui est également micro-influenceuse sur Spotify) accompagne désormais les projets d’incubation du patron d’Iliad. Dernier en date : l’accélérateur de start-ups sportives du Paris Saint-Germain, qui s’est installé, lui aussi, à Station F. 33. PIERRE LOUETTE PDG du groupe Les Echos et président de l’Apig A la tête du groupe Les Echos depuis 2023, cet ancien magistrat de la Cour des comptes est depuis 2024 le très influent président de l’Alliance de la presse d’information générale (Apig). Un poste qu’il a déjà occupé de 2020 à 2022 dans le contexte très tendu des négociations sur les droits voisins entre les acteurs de la presse et les plateformes. Le retour de ce fin négociateur à la tête de l’Apig coïncide avec l’ouverture d’un nouveau front dans la bataille qui oppose les ayants droit et les entreprises de la tech : celui du développement de l’intelligence artificielle et de la rémunération des auteurs. Alors que la concertation menée par les ministères de la Culture et du Numérique patine, Pierre Louette n’hésite plus à passer à l’offensive. Avec le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), l’Apig a lancé une action contre trois bases de données publiques, largement utilisées par les géants de l’IA pour entraîner leurs modèles. Pierre Louette a aussi saisi, il y a quelques jours, l’Autorité de la concurrence au sujet des négociations avec Meta sur les droits voisins. L’Apig juge en effet “insultante” la proposition de rémunération du géant américain et dénonce un abus de position dominante. 34. ALEX HITCHENS Influenceur Pour les pouvoirs publics, il est l’incarnation française du courant masculiniste sur les plateformes qui aggrave les stéréotypes de genre. L’influenceur et coach en séduction Alex Hitchens totalise pratiquement 400 000 abonnés sur YouTube et 719 000 sur un compte de secours sur TikTok — l’officiel a été fermé à la demande de la ministre chargée de l’Egalité femmes-hommes Aurore Bergé. Le vidéaste ne s’en cache pas : il faut choquer pour percer dans l’influence. Lui, par exemple, n’a pas hésité à conseiller aux femmes de ne pas sortir dans la rue après 22 heures. Cette déclaration lui a valu des échanges tendus avec les députés Laure Miller (EPR) et Arthur Delaporte (PS) lors de son audition par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur TikTok — qu’il a quittée brutalement. Devenue virale, la séquence a mis en lumière ce courant que les pouvoirs publics aimeraient endiguer. Et pour cause : selon l’Office anticybercriminalité (Ofac), qui gère la plateforme de signalement Pharos, le mouvement incel prend de l’ampleur en Europe. En réponse, le Haut conseil à l’égalité préconise même la création d’un “délit de sexisme” pour encadrer ce type de contenu. 35. SYLVIE VALENTE LE HIR Sénatrice LR de l’Oise Elle n’est pas du genre à baisser les bras. Malgré l’instabilité et la valse des gouvernements, la rapporteure sur la proposition de loi sur la fast-fashion a fait des pieds et des mains pour inscrire le texte à l’ordre du jour du Sénat. Un lobbying réussi, qui s’est soldé par l’adoption d’un texte largement remodelé le 2 juin. Sous sa houlette, la Chambre haute a revu un élément clé de la PPL : la définition même de la fast-fashion, qui se base désormais sur le nombre de produits neufs et non plus de références présentes sur un site. Une façon d’exclure les marketplaces françaises ou européennes, comme Kiabi ou Zalando, qu’elle tient à protéger face à la concurrence des Shein ou Temu. Mais sa réécriture ne fait pas l’unanimité et pourrait bien faire l’objet de débats en commission mixte paritaire. 36. GUILLAUME POUPARD Directeur général adjoint de Docaposte et coprésident du Cian Depuis son départ de l’Anssi en 2023, Guillaume Poupard dit tout haut avec sa voix rassurante ce que son successeur, Vincent Strubel, pense tout bas. Notamment sur la remise en cause du chiffrement des communications par l’ex-ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau. A la tête de Docaposte depuis janvier 2023, il n’a pas rompu pour autant ses liens avec le gouvernement. A peine avait-il achevé sa mission d’envoyé spécial sur l’IA de confiance pour le sommet de Paris — où il a œuvré à la création d’un institut de l’évaluation des risques de l’intelligence artificielle — qu’il a aidé à choisir le nouveau président du Campus Cyber. Lassé d’écrire des posts LinkedIn — c’est lui qui le dit ! —, l’ingénieur a depuis trouvé dans le Conseil de l’IA et du numérique (Cian) une nouvelle plateforme pour diffuser ses idées, notamment auprès de l’exécutif. Octave Klaba | Julien de Rosa/IP3/Getty Images 37. OCTAVE KLABA Président d’OVHcloud C’est le porte-voix du cloud tricolore. Et il vient tout droit de Pologne. Octave Klaba a consacré trois décennies à son entreprise OVH pour tenter de grignoter des parts de marché aux géants américains. Il leur emprunte pourtant tous les codes : son entreprise est nichée dans la “Roubaix Valley”, et il n’oublie jamais de faire le show. Guitare à la main, Klaba ouvre chacun des “OVH Summits” par un concert de rock. Depuis quelques années, l’entrepreneur s’est lancé un nouveau défi : construire tant bien que mal un “champion des services cloud”, à partir d’anciennes pépites déchues de la tech française. En 2021, il a racheté la boîte de cloud gaming Shadow, puis a convaincu, deux ans plus tard, la Caisse des dépôts d’investir à ses côtés pour reprendre le moteur de recherche Qwant. Ses appels à la souveraineté numérique ont trouvé directement écho auprès des sénateurs de la commission d’enquête sur la commande publique, qui appelle à orienter les achats publics vers la tech hexagonale. OVH attend désormais de piquer à Microsoft le contrat d’hébergement du Health Data Hub avant de crier victoire. 38. ERIC BOTHOREL Député EPR des Côtes-d’Armor Adoubé par le secteur des télécoms, à qui il prête une oreille attentive, le député breton œuvre pour réduire la fracture territoriale de la couverture numérique. Membre de la commission des Affaires économiques, Bothorel agit aussi en contrepoids des tentations de régulation de l’exécutif ou de certains de ses camarades : il s’oppose ainsi à la vérification d’âge en ligne, à l’interdiction des réseaux sociaux pour les plus jeunes, comme au règlement européen ChatControl. Aboutissement de cette prise de distance, il a décidé de quitter EPR pour rejoindre les rangs de ses apparentés. Mais il sait toujours se comporter en bon soldat pour défendre le gouvernement, par exemple pour préserver la copie initiale du projet de loi cyber dont il est rapporteur général. 39. MAYA NOËL Directrice générale de France Digitale Directrice du lobby des jeunes pousses France Digitale depuis plus de quatre ans, Maya Noël est l’avocate des start-ups dans les périodes de gros temps — dont l’année 2025 fait partie. Après avoir atteint des sommets en 2022, les levées de fonds du secteur n’ont fait que baisser, a diagnostiqué France Digitale en septembre 2025. De quoi renforcer l’argumentaire de Maya Noël, qui devra défendre l’écosystème dans les négociations budgétaires à venir, à l’heure où la tentation est grande de trancher net dans les avantages des entreprises. Celle qui a fait ses classes en cofondant YBorder — une plateforme RH pour trouver des profils de développeurs —, avant de rejoindre le fondateur de BlaBlaCar Frédéric Mazzella à France Digitale, se prépare à prendre son bâton de pèlerin pour convaincre les nouveaux occupants de Bercy des bienfaits de la start-up nation. Un concept qui, France Digitale veut le croire, survivra au macronisme. 40. PAUL MIDY Député EPR de l’Essonne Elu à l’Assemblée nationale depuis 2022, Paul Midy se veut la voix des start-ups, qu’il défend à chaque sursaut de l’actualité. Cette année, il a ainsi ferraillé contre la taxe Zucman, et a volé au secours des entrepreneurs cryptos et de leurs données sensibles après une série de rapts. A l’Assemblée, Paul Midy est souvent celui par lequel les coups de poker sur la politique du numérique passent : en 2024, il avait été l’émissaire surprise d’un amendement visant à revenir sur le chiffrement des applis de messagerie. Son maître mot : lutter contre “l’impunité en ligne”, un combat qui passerait selon lui par une fin de “l’anonymat sur les réseaux sociaux”. Et qu’il n’a pas abandonné malgré des revers dans l’arène parlementaire. Le prochain chantier de ce polytechnicien, passé par plusieurs start-ups, sera de défendre les avantages fiscaux des jeunes pousses dans les négociations budgétaires, à l’heure de la rigueur dans la gestion des finances publiques. 41. PATRICK CHAIZE Sénateur LR de l’Ain “On ne peut pas lui reprocher de ne pas connaître ses sujets”, reconnaît une lobbyiste souvent en désaccord avec lui. Patrick Chaize a une obsession : les télécoms, qu’il veille à mettre à l’agenda parlementaire aussi fréquemment qu’il le peut. Chaque année, le sénateur se démène pour minimiser l’ampleur des coupes budgétaires et, en parallèle, instiller l’idée d’un plan “France Numérique 2030” pour remettre à plat le financement des réseaux comme des politiques d’inclusion numérique. Fils d’électricien automobile, président de l’Avicca, l’association des collectivités locales engagées dans le numérique, Patrick Chaize est dur avec les opérateurs télécoms — il souhaite les voir améliorer la qualité des raccordements en fibre optique — et avec les plateformes numériques. Lors des émeutes du printemps 2023, il avait fait la demande ébouriffante que celles-ci suppriment les contenus incitant à la violence. L’amendement avait été écarté en douceur. Patrick Chaize est un parlementaire que l’on ménage, tant dans le secteur télécoms que du côté du gouvernement. 42. SASHA LUCCIONI Chercheuse spécialisée dans l’intelligence artificielle et le changement climatique Elle est l’une des précurseures dans la recherche sur l’impact environnemental de l’intelligence artificielle. Sasha Luccioni est chargée des questions d’IA et de climat pour la licorne franco-américaine Hugging Face depuis quatre ans et exige sans relâche plus de transparence de la part des entreprises d’IA sur leurs émissions carbone. Un enjeu brûlant à mesure que de nouveaux datacenters sortent de terre et que les entreprises cherchent à obtenir toujours plus de capacités de calcul. A 34 ans, la chercheuse canadienne a ainsi contribué à créer l’outil CodeCarbon ou les energy scores pour tenter d’imposer un référentiel de transparence en matière énergétique. Si les entreprises d’IA se sont faites plutôt discrètes sur ce point, la donne serait-elle en train de changer ? Mistral AI a en tout cas publié cette année sa première étude d’impact, de l’entraînement à l’usage des modèles, avec l’appui de l’Ademe et du cabinet Carbone 4.
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