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Donald Trump présente l’Europe comme un groupe de pays “en décrépitude” dirigés
par des personnes “faibles” dans un grand entretien accordé à POLITICO,
sermonnant ses alliés et les décrivant comme incapables de contrôler les flux
migratoires et de mettre fin à la guerre en Ukraine. Il signale en outre être
prêt à soutenir des candidats à des élections en Europe partageant sa vision du
continent.
Cette attaque en règle contre les dirigeants politiques européens représente la
dénonciation la plus virulente à ce jour du président américain à l’encontre des
démocraties européennes, au risque de provoquer une rupture franche avec des
pays comme la France et l’Allemagne aux relations déjà très tendues avec
l’administration Trump.
“Je pense qu’ils sont faibles”, dit Trump à propos des dirigeants politiques
européens. “Mais je pense aussi qu’ils veulent être tellement politiquement
corrects.”
“Ils ne savent pas quoi faire”, ajoute-t-il. “L’Europe ne sait pas quoi faire.”
Les commentaires de Trump sur l’Europe interviennent à un moment
particulièrement délicat dans les négociations visant à mettre fin à la guerre
menée par la Russie en Ukraine, alors que les dirigeants européens s’inquiètent
de plus en plus du risque que les Etats-Unis abandonnent l’Ukraine et ses alliés
continentaux face à l’agression russe. Dans l’interview, Trump ne donne aucune
assurance aux Européens à ce sujet et déclare que la Russie est manifestement en
position de force par rapport à l’Ukraine.
Le président américain s’est exprimé depuis la Maison-Blanche, au cours d’un
entretien enregistré lundi avec Dasha Burns, journaliste à POLITICO et
animatrice du podcast The Conversation. Donald Trump a été désigné personnalité
la plus influente sur la politique européenne pour l’année à venir, dans un
classement où ont par le passé figuré à la première place le président ukrainien
Volodymyr Zelenskyy, la présidente du Conseil italienne Giorgia Meloni ou encore
le Premier ministre hongrois Viktor Orbán.
Les commentaires du président américain sur l’Europe contrastent fortement avec
certaines de ses remarques sur les sujets de politique intérieure dans
l’interview. Aux Etats-Unis, Trump et son parti sont confrontés à une série de
revers électoraux et à un dysfonctionnement croissant au Congrès, sur fond de
mécontentement des électeurs confrontés à des difficultés économiques
importantes.
Trump peine à adapter son discours à cette nouvelle réalité : dans l’interview,
il attribue une note « A +++++ » à la situation économique du pays, et insiste
sur le fait que les prix seraient en baisse dans tous les domaines, tout en
refusant d’esquisser des mesures pour faire face à la hausse imminente des
primes d’assurance maladie.
Même dans un contexte de turbulences croissantes aux Etats-Unis, Trump reste une
figure singulière de la politique internationale.
Ces derniers jours, une vague de consternation a traversé les capitales
européennes à la publication du nouveau document sur la stratégie de sécurité
nationale de Trump, un manifeste très virulent qui oppose son administration à
l’establishment politique européen traditionnel et promet de « cultiver la
résistance » intérieure au statu quo européen en matière d’immigration et
d’autres questions politiquement sensibles.
Dans l’interview, Trump a encore grossi le trait sur cette vision du monde,
décrivant des villes comme Londres et Paris comme croulant sous le poids de
l’immigration en provenance du Moyen-Orient et d’Afrique. Sans un changement de
politique frontalière, déclare Trump, certains États européens « ne seront plus
des pays viables ».
Utilisant un langage incendiaire, Trump qualifie le maire de gauche de Londres,
Sadiq Khan, fils d’immigrants pakistanais et premier maire musulman de la ville,
de « désastre » et attribue son élection à l’immigration : « Il a été élu parce
que beaucoup de gens sont arrivés. Ils votent pour lui maintenant. »
Lundi, le président du Conseil européen, António Costa, a reproché à
l’administration Trump ce document sur la sécurité nationale et a exhorté la
Maison Blanche à respecter la souveraineté et le droit à l’autonomie
gouvernementale de l’Europe.
« Des alliés ne menacent pas d’interférer dans la vie démocratique ou les choix
politiques internes de leurs partenaires », a déclaré Costa. « Ils les
respectent. »
Dans son entretien avec POLITICO, Trump empiète sur ces limites et déclare qu’il
continuera à soutenir ses candidats préférés lors des élections européennes,
même au risque d’offenser les sensibilités locales.
« Je serais prêt à soutenir », a déclaré Trump. « J’ai soutenu des personnes,
mais j’ai soutenu des personnes que beaucoup d’Européens n’aiment pas. J’ai
soutenu Viktor Orbán », le Premier ministre hongrois d’extrême droite que Trump
dit admirer pour ses politiques de contrôle des frontières.
C’est la guerre entre la Russie et l’Ukraine, plutôt que la politique
électorale, qui semble occuper le plus l’esprit de Trump. Il affirme avoir
proposé un nouveau projet de plan de paix, qui a plu selon lui à certains
responsables ukrainiens, mais que Zelenskyy lui-même n’aurait pas encore
examiné. « Ce serait bien qu’il le lise », déclare Trump.
Zelenskyy a rencontré lundi les dirigeants français, allemand et britannique et
a continué à s’opposer à la cession de territoire ukrainien à la Russie dans le
cadre d’un accord de paix.
Le président américain déclare ne guère miser sur les dirigeants européens dans
la recherche d’une fin à la guerre : « Ils parlent, mais ils ne produisent rien,
et la guerre continue encore et encore. »
Dans un nouveau geste de défiance à l’égard de Zelenskyy, politiquement affaibli
en Ukraine par un scandale de corruption, Trump renouvelle son appel à ce que
l’Ukraine organise de nouvelles élections.
« Ils n’ont pas organisé d’élections depuis longtemps », déclare Trump. « Vous
savez, ils parlent de démocratie, mais on en arrive à un point où ce n’est plus
une démocratie.»
AMÉRIQUE LATINE
Tout en affirmant poursuivre un programme de paix à l’étranger, Trump déclare
qu’il pourrait étendre encore les actions militaires menées par son
administration en Amérique latine contre des cibles qu’elle estime liées au
trafic de drogue. Trump a déployé une force militaire massive dans les Caraïbes
pour frapper les trafiquants de drogue présumés et faire pression sur le régime
autoritaire du Venezuela.
Au cours de l’interview, Trump refuse à plusieurs reprises d’exclure l’envoi de
troupes américaines au Venezuela dans le cadre d’une initiative visant à
renverser le dirigeant autoritaire Nicolás Maduro, qu’il accuse d’exporter de la
drogue et des personnes dangereuses vers les États-Unis. Certains dirigeants de
la droite américaine ont averti Trump qu’une invasion terrestre du Venezuela
constituerait une ligne rouge pour les conservateurs qui ont voté pour lui en
partie pour mettre fin aux opérations militaires à l’étranger.
« Je ne veux ni confirmer ni infirmer. Je ne parle pas de cela », déclare Trump
à propos du déploiement de troupes terrestres, ajoutant : « Je ne veux pas vous
parler de stratégie militaire. »
Mais le président précise qu’il envisagerait d’utiliser la force contre des
cibles dans d’autres pays où le trafic de drogue est très actif, notamment au
Mexique et en Colombie.
« Bien sûr, je le ferais », a-t-il déclaré.
Trump défend tout juste certaines de ses actions les plus controversées en
Amérique latine, notamment sa récente grâce accordée à l’ancien président
hondurien Juan Orlando Hernández, qui purgeait une peine de plusieurs décennies
dans une prison américaine après avoir été condamné pour un vaste complot de
trafic de drogue. Trump déclare qu’il savait « très peu » de choses sur
Hernández, si ce n’est que « des personnes très bien informées » lui avaient dit
que l’ancien président hondurien avait été injustement pris pour cible par ses
adversaires politiques.
« Ils m’ont demandé de le faire et j’ai dit que je le ferais », reconnaît Trump,
sans nommer les personnes qui avaient demandé la grâce pour Hernández.
Santé et économie
Invité à évaluer la situation l’économique sous son mandat, Trump la qualifie de
succès retentissant : « A ++++ ». A propos du mécontentement des électeurs
concernant le coût de la vie, Trump déclare que l’administration Biden en est
responsable : « J’ai hérité de ce bazar. J’ai hérité d’un vrai bazar ».
Le président est confronté à un environnement politique hostile en raison des
difficultés financières des Américains. Environ la moitié des électeurs et près
de 4 personnes sur 10 ayant voté pour Trump en 2024 ont déclaré dans un récent
sondage POLITICO que le coût de la vie n’avait jamais été aussi élevé.
Trump déclare qu’il pourrait apporter des modifications supplémentaires à sa
politique tarifaire afin de contribuer à faire baisser le prix de certains
produits, comme il l’a déjà fait, mais il insiste sur le fait que, dans
l’ensemble, les choses vont dans la bonne direction en termes de prix.
« Les prix sont tous en baisse », a déclaré Trump, ajoutant : « Tout est en
baisse. »
Les prix ont augmenté de 3% au cours des 12 mois se terminant en septembre,
selon le dernier indice des prix à la consommation.
Tag - Tech France
BRUXELLES — La Commission européenne a infligé vendredi une amende de 120
millions d’euros à X, le réseau social d’Elon Musk. Il s’agit de la toute
première sanction prononcée en vertu du règlement européen sur les services
numériques (DSA).
Cette décision, qui risque d’exacerber les tensions avec les États-Unis, a
d’ores et déjà suscité des critiques de la part de J.D. Vance. Le vice-président
américain a ainsi jugé que cette amende était une sanction pour “absence de
censure”.
Le montant de l’amende est pourtant modéré par rapport aux sanctions infligées
précédemment par Bruxelles aux entreprises technologiques. Dans le cadre des
négociations commerciales, les États-Unis ont fait pression à plusieurs reprises
sur l’UE pour qu’elle assouplisse sa réglementation.
X a été reconnu coupable de manquement aux obligations de transparence qui lui
incombent en tant que très grande plateforme en ligne, au titre du règlement sur
les services numériques (DSA). La Commission a jugé le design de la coche bleue
de X “trompeur” après sa transformation en fonctionnalité payante.
L’exécutif européen a également déclaré que le répertoire publicitaire de X
manquait de transparence et ne permettait pas aux chercheurs d’accéder aux
données publiques, comme l’exige la loi.
Cette amende ne marque que la fin d’une partie de l’enquête menée par l’UE et
ouverte il y a près de deux ans. D’autres volets, portant sur les efforts
déployés par X pour lutter contre la diffusion de contenus illégaux et la
manipulation de l’information, sont toujours en cours.
Bruxelles subit une pression croissante de la part des dirigeants européens, des
eurodéputés et des organisations de défense des droits numériques pour conclure
l’enquête sur X, et prouver ainsi son engagement à protéger les citoyens en
ligne.
“Notre objectif n’est pas d’infliger les amendes les plus élevées, mais de
garantir l’application de notre législation numérique. Si vous respectez nos
règles, vous n’aurez pas d’amende”, a déclaré Henna Virkkunen, vice-présidente
exécutive de la Commission européenne chargée de la souveraineté numérique, lors
d’un point de presse vendredi matin.
En vertu du DSA, les entreprises peuvent être condamnées à une amende pouvant
atteindre 6 % de leur chiffre d’affaires annuel mondial. Si les revenus mondiaux
de X sont estimés à quelques milliards d’euros, ceux des entreprises de Musk
sont bien plus importants.
Répondant aux propos de Vance, Virkkunen a déclaré aux journalistes : « Le DSA
n’a rien à voir avec la censure ; cette décision concerne la transparence de X.
»
Elle a également indiqué que le montant de l’amende avait été jugé
“proportionné” et calculé en tenant compte de “la nature de ces infractions, de
leur gravité pour les utilisateurs européens concernés et de leur durée”.
Interrogé sur la méthode de calcul de l’UE, un haut fonctionnaire de la
Commission a réaffirmé le principe de proportionnalité et précisé qu’il ne
pouvait être “réduit à une simple formule économique”.
De son côté, la ministre française déléguée à l’IA et au Numérique Anne Le
Hénanff a affirmé que la France “souten[ait] pleinement cette décision … qui
envoie un message clair à l’ensemble des plateformes”.
X n’a pas immédiatement répondu à notre demande de commentaires.
LONDRES — Le gouvernement britannique envisage d’interdire les dons en
cryptomonnaies aux partis politiques, ce qui pourrait sonner l’alerte chez
Reform UK et son leader Nigel Farage.
En pleine ascension dans les sondages au Royaume-Uni, ce parti populiste a
ouvert la porte aux actifs numériques pour les dons au printemps dernier, dans
le cadre de la “révolution crypto” qu’il promet pour le Royaume-Uni. Et il en a
même déjà accepté.
Aucune mesure contre ce procédé ne figure dans le document décrivant les
contours du prochain projet de loi du gouvernement britannique sur les élections
(ou Elections Bill), présenté comme un plan visant à renforcer la démocratie du
pays. Mais les responsables publiques envisagent désormais d’interdire l’usage
des cryptomonnaies dans le financement des responsables politiques, selon trois
personnes au fait des discussions récentes sur ce projet de loi.
Le gouvernement n’a pas démenti qu’une telle mesure était à l’étude, et s’est
contenté d’indiquer qu’il “donnerait plus de détails dans [s]on Elections Bill”.
Cette année, Reform UK est devenu le premier parti politique britannique à
accepter des dons en cryptomonnaie. Nigel Farage a indiqué à Reuters en octobre
que sa formation avait reçu “quelques” dons sous forme de cryptoactifs après que
la Commission électorale — qui réglemente les dons aux partis politiques — a
confirmé qu’elle avait été informée du premier don en cryptomonnaie.
Reform UK a mis en place sa propre plateforme pour les dons en cryptomonnaies et
a promis des contrôles “renforcés” pour éviter tout abus.
Reform UK a mis en place sa propre plateforme pour les dons en cryptomonnaies et
a promis des contrôles “renforcés” pour éviter tout abus. | Dan Kitwood/Getty
Images
Nigel Farage, qui détient des cryptoactifs de long terme, s’est présenté au
secteur britannique des cryptos comme leur “seul espoir”. Il cherche ainsi à
imiter son allié de longue date, le président américain Donald Trump, qui a
largement adhéré aux monnaies numériques. Nigel Farage a souligné qu’il
soutenait publiquement la filière depuis “bien avant Trump”.
DIFFICILE À TRACER
Le plan initial de l’exécutif pour son Elections Bill comprend une série de
mesures allant de l’instauration du droit de vote à 16 ans au renforcement des
pouvoirs de la Commission électorale. Aucune mesure ne figure contre les dons en
cryptomonnaies, mais le gouvernement, dirigé par les travaillistes — qui sont
loin derrière Reform UK dans les sondages —, est sous pression pour instaurer
une interdiction.
Parmi ceux qui ont suggéré un durcissement figurent le ministre Pat McFadden, le
président du comité spécial des affaires économiques et du commerce à la Chambre
des communes, Liam Byrne, et le président du groupe parlementaire transpartisan
sur la lutte contre la corruption et l’équité fiscale, Phil Brickell.
Les experts en transparence ont alerté qu’il pouvait être difficile de tracer
l’origine des dons en cryptomonnaies. Cela fait craindre que les dons venus de
l’étranger aux partis politiques et aux candidats — interdits dans presque tous
les cas de figure par la loi au Royaume-Uni —, ainsi que les bénéfices tirés
d’activités criminelles et les opérations de blanchiment d’argent puissent
passer à travers les mailles du filet.
Le projet de loi électorale des travaillistes devrait également imposer de
nouvelles règles aux partis politiques et à leurs donateurs. Il devrait prévoir
un durcissement sur les dons provenant de sociétés-écrans et d’associations non
déclarées, et pourrait obliger les partis à enregistrer et à conserver une
évaluation des risques liés aux dons susceptibles de présenter un risque
d’ingérence étrangère.
Les cryptomonnaies sont un nouveau champ de bataille en matière d’ingérence
étrangère. Les services de renseignement russes adoptent de plus en plus les
monnaies numériques pour échapper aux sanctions et financer des actions de
déstabilisation — comme lors des élections en Moldavie — depuis que Moscou a été
coupé du système bancaire mondial à la suite de l’invasion de l’Ukraine.
La question de l’intervention du Kremlin dans la politique britannique a refait
surface ces derniers mois après que Nathan Gill — ancien chef de Reform au Pays
de Galles et ex-député européen du Brexit Party de Nigel Farage — a été condamné
à dix ans et demi de prison le mois dernier parce qu’il a été rémunéré pour
faire des déclarations prorusses au Parlement européen.
Nigel Farage a pris ses distances avec Nathan Gill, décrivant l’ancien député
européen comme une “pomme pourrie” qui l’avait trahi.
Cela n’a pas empêchait le Parti travailliste de passer à l’offensive : le
Premier ministre Keir Starmer demandant à Nigel Farage de lancer une enquête
interne sur les activités de Nathan Gill.
Selon un porte-parole du ministère du Logement, des Communautés et des
Collectivités locales, qui est responsable du projet de loi : “Le système de
financement politique dont nous avons hérité a rendu notre démocratie vulnérable
aux ingérences étrangères.”
“Nos nouvelles règles strictes en matière de dons en politique, telles que
définies dans notre stratégie électorale, protégeront les élections au
Royaume-Uni tout en veillant à ce que les partis puissent continuer à se
financer.”
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais, puis a été édité en
français par Jean-Christophe Catalon.
BRUXELLES — La commissaire européenne chargée de la Concurrence, Teresa Ribera,
n’a pas mâché ses mots contre l’administration Trump, l’accusant d’utiliser le
“chantage” pour contraindre l’UE à assouplir sa réglementation du numérique.
Le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, a suggéré lundi à Bruxelles
que les Etats-Unis pourraient modifier leur approche en matière de droits de
douane sur l’acier et l’aluminium si l’UE revoyait ses règles en matière de
numérique. Les responsables européens ont interprété ses remarques comme visant
les réglementations phares de l’UE, notamment celle sur les marchés numériques
(DMA).
“C’est du chantage”, a considéré la commissaire espagnole dans un entretien à
POLITICO mercredi. “Le fait que ce soit leur intention ne signifie pas que nous
acceptons ce genre de chantage.”
Teresa Ribera — qui, en tant que première vice-présidente exécutive de la
Commission, est la numéro 2 de l’exécutif européen derrière la présidente Ursula
von der Leyen — a souligné que la réglementation européenne du numérique ne
devrait pas avoir de lien avec les négociations commerciales. L’équipe de Donald
Trump cherche à réviser l’accord conclu par le président américain avec Ursula
von der Leyen dans son golf écossais en juillet.
Ces déclarations interviennent à un moment sensible des négociations
commerciales en cours. Washington considère le DMA comme discriminatoire, parce
que les grandes plateformes technologiques qu’il réglemente — comme Microsoft,
Google ou Amazon — sont presque toutes américaines. Il s’insurge également
contre le règlement sur les services numériques (DSA), qui vise à limiter les
discours haineux illégaux et la désinformation en ligne, car il est conçu pour
encadrer les réseaux sociaux comme X d’Elon Musk.
Teresa Ribera a rappelé que ces règles étaient une question de souveraineté, et
qu’elles ne devraient pas entrer dans le champ d’une négociation commerciale.
“Nous respectons les règles, quelles qu’elles soient, qu’ils ont établies pour
leurs marchés : le marché numérique, le secteur de la santé, l’acier, tout ce
que vous voulez […] les voitures, les normes”, a-t-elle posé en parlant des
Etats-Unis. “C’est leur problème, leur réglementation et leur souveraineté. Il
en va de même ici.”
Teresa Ribera, avec la commissaire aux Technologies numériques Henna Virkkunen,
supervise le DMA, qui veille au bon comportement des grandes plateformes
numériques et à une concurrence équitable.
Elle a vivement réagi aux propos tenus par Howard Lutnick lors de sa rencontre
avec des responsables et des ministres européens lundi, martelant que “les
règles européennes en matière de numérique ne sont pas à négocier”.
Henna Virkkunen tenait la même ligne mardi. Lundi, elle a présenté à ses
homologues américains le paquet de mesures de simplification de l’UE, comprenant
la proposition d’omnibus numérique. Ce paquet a été présenté comme une
initiative européenne visant à réduire les formalités administratives, mais
certains l’ont interprété comme une tentative de répondre aux préoccupations des
Big Tech américaines en matière de régulation.
Le secrétaire américain au Commerce, Howard Lutnick, a suggéré lundi à Bruxelles
que les Etats-Unis pourraient modifier leur approche en matière de droits de
douane sur l’acier et l’aluminium si l’UE revoyait ses règles en matière de
numérique. | Nicolas Tucat/Getty Images
Interrogée sur les raisons qui l’ont poussée à faire une déclaration aussi
forte, Teresa Ribera a répondu que les remarques d’Howard Lutnick constituaient
“une attaque directe contre le DMA”, avant d’ajouter : “Il est de ma
responsabilité de défendre le bon fonctionnement du marché numérique en Europe.”
DES FISSURES APPARAISSENT
Malgré la réplique intransigeante de Teresa Ribera, la solidarité des Etats
membres envers le DMA commence doucement à se fissurer.
Après la réunion de lundi, Howard Lutnick a pointé que certains ministres
européens du Commerce n’étaient pas aussi réticents que la Commission à l’idée
de revoir les règles numériques de l’UE : “Je vois beaucoup de ministres […]
certains sont plus ouverts d’esprit que d’autres”, a-t-il observé sur Bloomberg
TV, affirmant que si l’Europe veut des investissements américains, elle doit
changer son modèle de régulation.
Parmi les participants, au moins une Européenne semble d’accord. L’Allemande
Katherina Reiche, qui s’est exprimée en marge de la réunion, a déclaré à la
presse qu’elle était favorable à un nouvel assouplissement des règles de l’UE en
matière de numérique.
“L’Allemagne a clairement fait savoir qu’elle voulait avoir la possibilité de
jouer un rôle dans le monde numérique”, a exposé Katherina Reiche, citant en
particulier le DMA et le DSA.
Les efforts de lobbying déployés par Washington contre les règles européennes
sur le numérique s’inscrivent dans le cadre d’une bataille plus large menée par
les Etats-Unis au niveau mondial pour affaiblir les lois sur le numérique dans
les pays étrangers.
Ce mois-ci, la Corée du Sud a cédé au lobbying de l’administration Trump en
revenant en arrière sur son propre projet d’encadrement de la concurrence dans
le secteur numérique.
Le représentant américain au commerce prépare son rapport 2026 et lance une
nouvelle série de consultations dans les semaines à venir. Entre-temps, la
Commission poursuit son évaluation des règles dans le cadre de son Digital
Fairness Fitness Check et de la révision en cours du DMA.
Mais entre le lobbying de Washington et les Etats membres qui se désolidarisent,
la question n’est pas seulement de savoir ce à quoi va aboutir la révision du
DMA, mais s’il peut survivre à la guerre commerciale.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais, puis a été édité en
français par Jean-Christophe Catalon.
Interpreters of Brussels, beware.
After a public spat with the European Commission in September, Apple now says
that it plans to roll out its live translation feature for AirPods in the coming
month.
“We had to delay the launch while we undertook additional engineering work to
comply with European Commission rules,” a spokesperson for Apple said in a
statement.
The iPhone maker had previously warned that European users would not be able to
access the real-time translation feature through their earbuds due to its
interpretation of its obligations under the EU’s rulebook for big tech
platforms, the Digital Markets Act.
The EU rules mandate certain features in Apple’s phones and tablets to ensure
interoperability with competitor devices. Apple has challenged those obligations
in the EU courts.
According to Apple, the firm had to develop a “complicated” solution to comply
with the DMA, creating a new audio-routing API so third-party apps and devices
could manage simultaneous audio paths.
The firm takes the position that had it shared the feature sooner, it would have
been fined and forced to stop shipping products in the EU.
The spokesperson said that Apple remained deeply concerned that the European
Commission’s “aggressive” interpretations of the rules are putting “users at
risk and is bad for innovation.”
“In the EU, the aim of our digital legislation is to preserve innovation and
freedom of choice,” said a spokesperson for the European Commission. “And this
is exactly what we see today.”
PARIS — Sur instruction du Premier ministre, le gouvernement a engagé une
procédure de suspension du site Shein, a annoncé le ministère de l’Economie et
des finances ce mercredi.
Le communiqué de Bercy indique que cette suspension durera “le temps nécessaire
pour que la plateforme démontre (…) que l’ensemble de ses contenus sont en
conformité avec nos lois et règlements”.
Cette demande de suspension fait suite à la découverte vendredi de poupées
sexuelles à l’effigie d’enfants sur le site. Ce matin, le député Antoine
Vermorel Marques (DR) a également saisi la justice après avoir découvert la
présence d’armes de catégorie A sur le site.
Un “premier point d’étape” devra être fait par les ministres dans les 48
prochaines heures, précise également le communiqué.
Un message de Bruxelles à Google : pourriez-vous vous démanteler, s’il vous
plaît ?
Le géant de la tech doit indiquer ce mois de novembre comment il entend se
conformer à la décision de la Commission européenne de septembre, qui a estimé
qu’il avait abusé de sa position dominante dans le secteur de la publicité en
ligne.
Après avoir infligé à Google une amende de 2,95 milliards d’euros, Bruxelles
envisage ce qui était auparavant impensable : la vente définitive d’une branche
d’une entreprise américaine, de préférence volontaire, mais potentiellement
forcée si nécessaire.
La situation est “très inhabituelle”, souligne Anne Witt, professeure de droit
de la concurrence à l’Edhec Business School de Lille.
“Les remèdes structurels sont presque sans précédent au niveau de l’UE”,
ajoute-t-elle. “C’est vraiment l’artillerie lourde.”
Dans sa décision de septembre, la Commission a franchi “un pas inhabituel et
sans précédent”, selon Anne Witt, en demandant à Google de proposer elle-même la
solution, tout en précisant, avec prudence, que toute solution ne comprenant pas
une vente de certaines parties de son activité de technologie publicitaire
tomberait sous le coup de l’autorité antitrust de l’UE.
“Il semble que le seul moyen pour Google de mettre un terme à son conflit
d’intérêts soit une solution structurelle, comme la vente d’une partie de son
activité Adtech”, avait déclaré à l’époque la vice-présidente exécutive de la
Commission Teresa Ribera, chargée des questions de concurrence.
Alors que la date limite à laquelle Google doit informer la Commission de ses
intentions approche, la possibilité d’un démantèlement ordonné par Bruxelles
d’un champion américain de la tech ne passera probablement pas inaperçue à
Washington, même si l’administration de Donald Trump mène ses propres poursuites
contre le moteur de recherche. (Google représente 90% des revenus d’Alphabet, la
holding valorisée à 3 300 milliards de dollars dont le siège se trouve à
Mountain View, en Californie.)
La vice-présidente exécutive de la Commission, Teresa Ribera, chargée des
questions de concurrence. | Thierry Monasse/Getty Images
Google a déclaré qu’elle ferait appel de la décision de la Commission, qui,
selon la firme, exige des changements qui nuiraient à des milliers d’entreprises
européennes. “Il n’y a rien d’anticoncurrentiel dans le fait de fournir des
services aux acheteurs et aux vendeurs de publicités, et il y a plus
d’alternatives à nos services que jamais auparavant”, a écrit Lee-Anne
Mulholland, vice-présidente et responsable monde des affaires réglementaires de
Google, dans un billet de blog en septembre.
DES ENQUÊTES PARALLÈLES
Le fait de proposer un démantèlement volontaire de Google marque l’aboutissement
d’une décennie d’application des règles antitrusts de l’UE sur les marchés
numériques, au cours de laquelle les mesures “comportementales” n’ont guère
porté leurs fruits, et un alignement unique, sur le calendrier comme sur le
fond, entre les Etats-Unis et l’UE dans leurs enquêtes menées en parallèle sur
la domination de Google en matière de technologie publicitaire.
“Il aurait été impensable, il y a dix ans, qu’il y ait une affaire aux
Etats-Unis et une affaire similaire en Europe dont l’issue potentielle serait un
démantèlement”, retrace Cori Crider, directrice exécutive du Future of Tech
Institute, qui plaide en faveur d’un démantèlement.
La Commission a officiellement lancé l’enquête sur l’ensemble des technologies
publicitaires de Google en 2021, à la suite d’une série de plaintes émanant
d’entreprises de presse qui avaient vu Google prendre le contrôle du système
d’enchères en temps réel où les éditeurs et les annonceurs s’accordent sur le
prix et l’emplacement des publicités en ligne.
Le contrôle par Google de ces enchères, ainsi que de l’infrastructure utilisée
par les deux côtés du marché, revient à permettre à Goldman Sachs ou à Citibank
de posséder la Bourse de New York, a illustré le ministère américain de la
Justice dans son action en justice en 2023.
Cela a également créé une situation dans laquelle, des deux côtés de
l’Atlantique, des entreprises de presse en difficulté financière ont vu Google
absorber une part croissante des revenus de la publicité en ligne et, en fin de
compte, constituer une menace pour le journalisme lui-même.
“Il ne s’agit pas d’une simple affaire de droit de la concurrence, mais de
l’avenir du journalisme”, a estimé Alexandra Geese, eurodéputée allemande des
Verts. “Les éditeurs n’ont pas de revenus parce qu’ils n’ont pas de trafic sur
leurs sites web, et c’est l’algorithme de Google qui décide des informations que
nous voyons”, a-t-elle ajouté.
De l’autre côté de l’Atlantique, les éditeurs se sont aussi retrouvés dans une
situation difficile.
En avril, le juge fédéral chargé de superviser le procès intenté par le
gouvernement américain contre Google a considéré que le moteur de recherche
avait illégalement maintenu son monopole sur certaines parties du marché de la
technologie publicitaire.
Un porte-parole de l’entreprise a déclaré que celle-ci n’était pas d’accord avec
les accusations de la Commission. | Nurphoto via Getty Images
Le tribunal du district de Virginie a tenu un procès de deux semaines sur les
mesures pour corriger la situation en septembre. L’administration Trump a
préconisé la vente de la partie gérant les enchères et l’annulation de la fusion
de Google avec DoubleClick en 2008, qui lui a permis de dominer le marché de la
publicité en ligne. La juge Leonie Brinkema entendra le plaidoyer final du
gouvernement le 17 novembre et devrait rendre son verdict dans les mois à venir.
LES PLANÈTES SONT ALIGNÉES
Pour les détracteurs de Google, c’est le contexte idéal pour que la Commission
pousse pour une solution structurelle musclée.
“Si vous ne parvenez pas à mettre en place des solutions structurelles
maintenant, alors que les Etats-Unis sont sur la même longueur d’onde, il est
peu probable que vous y parveniez un jour”, estime Cori Crider.
Parvenir au démantèlement peut toutefois s’avérer difficile sur le plan
juridique et politique.
Malgré cet alignement et les désillusions face à l’impact des amendes et des
solutions comportementales, la Commission est toujours confrontée à un “obstacle
majeur” sur le plan juridique, si elle n’est pas satisfaite de la solution
proposée par Google, avance Anne Witt.
Le système juridique américain est plus propice à ordonner des démantèlements, à
la fois parce que les magistrats ont un large champ d’action pour réparer un
préjudice causé au marché, mais aussi parce que les procès intentés par le
gouvernement américain pour démanteler Google et Meta s’appuient sur des
précédents historiques, souligne Anne Witt, ce qui n’est pas le cas en Europe.
Quoi qu’il en soit, Google doit déposer ses propositions de mesures correctives
dans les soixante jours suivant la notification de la décision de la Commission
annoncée le 5 septembre.
Un porte-parole de l’entreprise a déclaré que celle-ci n’était pas d’accord avec
les accusations de la Commission, et donc avec l’idée que des mesures
correctives structurelles seraient nécessaires. L’entreprise devrait déposer son
recours dans les prochains jours.
Bien que Google ait suggéré des ventes d’actifs à la Commission au cours de
l’enquête antitrust — une idée rejetée par Bruxelles —, l’entreprise n’a pas
l’intention de céder l’intégralité de sa technologie publicitaire, selon une
personne au fait du dossier, à qui l’anonymat a été accordé en raison du
caractère sensible de l’affaire.
En fin de compte, ce qui se passera à Bruxelles pourrait dépendre de ce qui se
passera dans l’affaire américaine.
Bien qu’une cession ordonnée par un tribunal d’une partie des activités de
Google dans le domaine de la technologie publicitaire soit concevable, les juges
américains ont émis des doutes sur ce genre de solution structurelle au cours
des derniers mois, rappelle Lazar Radic, maître de conférences en droit à
l’université IE de Madrid et affilié à l’International Center for Law and
Economics, un think tank pro-Big Tech.
“Les alternatives comportementales sont toujours sur la table”, signale Lazar
Radic, à propos de l’affaire américaine.
La Commission voudra probablement s’aligner sur les Etats-Unis si le tribunal de
Virginie se range du côté du ministère de la Justice, analyse Damien Geradin,
conseiller juridique du European Publishers Council — dont Axel Springer, la
maison mère de POLITICO, est membre — qui a introduit l’affaire. Inversement, si
le tribunal opte pour une réparation plus faible que celle proposée, la
Commission sera obligée d’aller plus loin, selon le juriste.
“C’est dans ce cas où des solutions structurelles seront nécessaires. Je ne
pense pas que la [Commission européenne] puisse se contenter de moins”, précise
Damien Geradin.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais, puis a été édité en
français par Jean-Christophe Catalon.
PARIS — Le ministre de l’Economie a menacé Shein d’interdiction en France si
l’enquête judiciaire montrait que les comportements de la plateforme de
fast-fashion sont “répétés”. Roland Lescure était interrogé ce matin sur BFM TV
après que la direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la
Répression des fraudes (DGCCRF) a découvert, vendredi 31 octobre, que la
plateforme proposait à la vente des poupées sexuelles à l’effigie d’enfants.
L’administration avait alors immédiatement saisi le procureur de la République
et l’Arcom.
“Pour des actes terroristes, pour le trafic de stupéfiants et pour des objets
pédopornographiques, le gouvernement est en droit de demander l’interdiction de
l’accès au marché français”, a ajouté le ministre de l’Economie.
“Ces objets horribles sont illégaux”, a rappelé Roland Lescure, ajoutant avoir
saisi la justice et l’Arcom, qui est compétente en la matière puisque Shein a
été désignée l’an passée comme très grande plateforme en ligne (VLOP) dans le
cadre du règlement européen sur les services numériques (DSA).
La haut-commissaire à l’Enfance, Sarah El-Haïry, a pour sa part annoncé dimanche
son intention de convoquer “l’ensemble des grandes plateformes” pour comprendre
le circuit de commercialisation de ces produits.
En 2021, le site de vente en ligne Wish avait fait l’objet de mesures de
déréférencement à la demande de Bruno Le Maire, alors ministre de l’Economie.
Après plusieurs enquêtes de la DGCCRF sur la sécurité des produits proposés par
la plateforme, les principaux gestionnaires de moteurs de recherche et les
magasins d’applications mobiles avaient été appelés à dérérencer Wish, avant que
le site ne soit finalement à nouveau autorisé un an plus tard.
Contacté par POLITICO, Shein n’a pas donné suite au moment de la publication.
BRUXELLES — Les entreprises de la tech dépensent plus que jamais pour faire du
lobbying auprès de l’Union européenne, selon une nouvelle étude, à un moment où
elles s’opposent toujours plus à la réglementation européenne en matière de
numérique.
Les 733 groupes du secteur du numérique enregistrés à Bruxelles dépensent
désormais 151 millions d’euros annuels pour défendre leurs intérêts, contre 113
millions il y a deux ans, selon une étude réalisée par deux ONG à partir des
informations communiquées au registre de transparence de l’UE.
Cette hausse intervient alors que la filière s’attaque à des textes européens,
tels que le règlement sur les marchés numériques (DMA) et celui sur les services
numériques (DSA) — considérés par l’administration Trump comme discriminatoires
envers les entreprises américaines —, et que la Commission européenne se prépare
à un effort massif pour assouplir ses règles en matière de numérique.
Les dépenses de lobbying sont concentrées entre les mains des géants de la tech,
principalement américains, selon l’étude de Corporate Europe Observatory et
LobbyControl, deux ONG spécialisées sur les actions d’influence des entreprises.
Les 10 entreprises du numérique qui dépensent le plus — parmi lesquelles Meta,
Microsoft, Apple, Amazon, Qualcomm et Google — ont dépensé plus que les 10
premières entreprises des secteurs pharmaceutique, financier et automobile
réunis.
Amazon, Microsoft et Meta ont “nettement” augmenté leurs dépenses depuis 2023,
de plus de 4 millions d’euros pour Amazon et de 2 millions pour Microsoft et
Meta, selon l’étude. L’organisation professionnelle Digital Europe, basée à
Bruxelles, qui compte parmi ses membres de nombreux géants américains de la
tech, a augmenté de plus de 1 million d’euros son budget de lobbying.
Meta, avec un budget de plus de 10 millions d’euros, est l’entreprise qui
dépense le plus en lobbying dans l’UE.
Il s’agit d’un “moment précaire”, a qualifié Bram Vranken, chercheur au
Corporate Observatory Europe, estimant que des années de progrès dans la
limitation des effets néfastes de la technologie et du pouvoir des grandes
entreprises du secteur risquent d’être réduites à néant.
Avec la poussée de déréglementation à Bruxelles et le fort soutien de
Washington, “les Big Tech saisissent cette nouvelle réalité politique pour
effacer une décennie de progrès dans la réglementation du secteur numérique”,
a-t-il relevé.
Les entreprises soutiennent que le lobbying ne consiste pas seulement à exercer
une influence, mais aussi à veiller à ce que les parlementaires comprennent les
réalités complexes du secteur afin d’éclairer leurs décisions sur les règles.
“Amazon s’engage sur des questions qui sont importantes pour nos clients, nos
vendeurs et les diverses entreprises que nous opérons”, a déclaré un
porte-parole de la société américaine dans un communiqué. “Cela signifie que
nous travaillons avec des organisations, telles que des organisations
professionnelles et des think tanks, et que nous communiquons avec des
responsables des institutions européennes.”
PLUS DE LOBBYISTES, PLUS DE RÉUNIONS
Ce regain d’activité se traduit non seulement par une augmentation des dépenses,
notamment pour les sociétés de conseil et d’expertise engagées pour influencer
la politique numérique, mais aussi par une augmentation des effectifs inscrits
au registre européen de la transparence.
On estime aujourd’hui à 890 le nombre de lobbyistes — calculés en équivalents
temps plein — qui travaillent à dessiner les contours de l’agenda politique sur
le numérique, contre 699 en 2023.
Parmi eux, 437 possèdent un badge leur permettant d’accéder librement au
Parlement européen. L’accès à l’institution s’est durci ces dernières années en
réaction à une série de scandales de corruption, dont les enquêtes sur Huawei
qui ont vu l’entreprise être interdite d’accès au Parlement et de rencontres
avec la Commission en mars.
Au cours du premier semestre 2025, les représentants des entreprises de la tech
ont déclaré 146 réunions avec le personnel de la Commission. L’intelligence
artificielle était le principal sujet abordé, notamment le très contesté code de
bonnes pratiques.
Concernant les parlementaires, les lobbyistes de la tech ont déclaré 232
réunions.
Les règles de transparence en matière de déclaration des réunions entre les
lobbyistes et les responsables de la Commission et du Parlement se sont élargies
ces dernières années, mais les défenseurs de la transparence estiment qu’elles
ne sont pas assez fermes et contraignantes.
Cet article a d’abord été publié par POLITICO en anglais, puis a été édité en
français par Jean-Christophe Catalon.
Qu’ils et elles œuvrent dans le privé ou dans le public, tous construisent,
inspirent ou infléchissent au quotidien les politiques du numérique. POLITICO a
listé la crème de la crème : voici les 42 personnes les plus influentes du
moment.
1. ARTHUR MENSCH
Fondateur de Mistral AI
C’est comme si tous les espoirs de la tech tricolore reposaient sur lui. A la
tête de la décacorne Mistral AI depuis 2023, Arthur Mensch a été propulsé comme
l’une des figures les plus emblématiques de la French Tech, et même de la tech
européenne à l’heure où le Vieux Continent peine à se faire une place dans la
course à l’intelligence artificielle.
Même Gabriel Zucman n’ose pas briser le rêve : l’inflexible économiste a bien
voulu imaginer des aménagements à sa taxe sur les très (très) hauts patrimoines
lorsqu’Arthur Mensch a enfilé son costume pour dire, sur le plateau du 20 heures
de France 2, qu’il ne serait pas en mesure de la payer — le polytechnicien a
toutefois plaidé pour “plus de justice fiscale en France”.
L’entrepreneur parvient malgré tout à naviguer dans l’instabilité politique et à
engranger les contrats (avec CMA CGM, France Travail ou encore Free), en
s’appuyant sur le président Macron, mais pas que. Mistral joue aussi le bon
élève au niveau européen : elle a été la première à signer le “code de bonnes
pratiques” issu du règlement européen sur l’IA, pourtant décrié par les
entreprises du secteur.
Au-delà des enjeux de souveraineté, que l’entreprise met en avant, elle doit
désormais transformer l’essai et montrer que son IA rivalise avec ses
concurrentes américaines dans la course à la performance.
Arthur Mensch | POOL photo by Ludovic Marin/AFP via Getty Images
2. XAVIER NIEL
Fondateur d’Iliad
A 58 ans, le trublion des télécoms aime toujours autant titiller ses
concurrents. Pendant qu’eux jouent les bons élèves, Xavier Niel, lui, offre un
VPN gratuit à ses abonnés. Un formidable outil de contournement de la
vérification de l’âge pour accéder, notamment, aux sites pornographiques.
L’an dernier, son livre Une sacrée envie de foutre le bordel (Flammarion) a
rappelé opportunément à ses fans qu’il était encore loin de la retraite. Dans la
foulée, l’homme d’affaires iconoclaste montait même sur scène pour raconter son
parcours et ses choix entrepreneuriaux, aussi agressifs que visionnaires.
Rappelez-vous, l’autodidacte a fait ses premiers pas dans le Minitel rose, avant
d’exploser avec Free dans les télécoms, en proposant la première offre “triple
play” française, puis un forfait mobile illimité qui pousse la concurrence à
casser les prix.
Depuis, le milliardaire met des billes un peu partout : dans la French Tech
(Deezer, Sorare, Alan, ou encore l’incubateur Station F), le cloud et l’IA
(Scaleway et OpCore), les médias (le groupe Le Monde, la société de production
Mediawan), la formation (école 42). Pour l’heure, seuls la télévision et le
cinéma lui résistent encore. En 2023, Niel a échoué à obtenir une fréquence TNT
face à TF1 et M6. Intéressé par la reprise d’UGC, celui qui est aussi le gendre
de Bernard Arnault s’est récemment fait doubler par Vincent Bolloré.
3. JOHANNA BROUSSE
Cheffe de la section J3 du parquet de Paris
Elle est en train de devenir la bête noire des plateformes. Un an après
l’arrestation spectaculaire du patron de Telegram Pavel Durov, la
vice-procureure Johanna Brousse a ouvert les dossiers au rythme (effréné) de
l’actualité du secteur : enquête contre la plateforme X d’Elon Musk, contre le
site de streaming vidéo Kick, et désormais contre Apple et son assistant vocal
Siri.
Le terrain est nouveau pour cette section qui s’était d’abord concentrée sur les
arnaques en ligne et la cybercriminalité plus “conventionnelle”. Si 2025 est
l’année des nouveaux fronts, la section J3 est désormais attendue au tournant
sur les résultats de ces nouvelles procédures contre les plateformes de portée
mondiale.
Louée pour son sérieux et son expertise, construite sur le tas, Johanna Brousse,
40 ans, mène ce virage avec sa (petite) équipe de cinq magistrats. Les mois à
venir seront cruciaux pour déterminer si ces enquêtes françaises sont conformes
au droit européen, alors que Bruxelles est censé être à la manœuvre en matière
de régulation des grandes plateformes.
4. MARTIN AJDARI
Président de l’Arcom
Malgré ses bonnes connexions dans le secteur audiovisuel — il est passé par
Radio France et France Télévisions, a été directeur de cabinet de la ministre de
la Culture Aurélie Filippetti et directeur général des médias et industries
culturelles au sein du même ministère —, sa première année à la tête du
régulateur n’aura pas été de tout repos. Celui qui a pris début février les
rênes de l’Arcom a dû faire face, au cœur de l’été, au tsunami de l’affaire Jean
Pormanove, du nom de ce streameur mort en direct sur la plateforme Kick.
Face aux mises en cause dans l’opinion publique et au sein même de la classe
politique, Martin Ajdari a dû prendre son bâton de pèlerin pour rappeler quelles
étaient les missions du régulateur — et leurs limites en matière de régulation
du numérique.
Il n’empêche : le tapage médiatique a eu l’effet d’un électrochoc, et la
nouvelle feuille de route de l’Arcom, tout juste dévoilée, montre un
durcissement à l’égard des plateformes. Sur le contrôle de l’âge notamment :
Martin Ajdari a promis de contrôler strictement le respect des CGU et de
s’assurer que les services n’exposent pas les plus jeunes à des contenus
dangereux. Les plateformes sont invitées dès cet automne à rendre des comptes.
5. DONALD TRUMP
Président des Etats-Unis
Vous ne l’attendiez pas dans notre classement, et pourtant… Depuis son retour à
la Maison-Blanche, Donald Trump donne le tempo en matière de régulation du
numérique, invitant à maintes reprises le législateur européen à revoir sa
copie.
L’Américain rêve de faire un strike en dégommant : la fameuse “taxe Gafam”
déployée dans plusieurs pays européens (dont la France) ; le DMA, qui traque les
abus de position dominante dans la tech ; le DSA, qu’il accuse de brider la
liberté d’expression à l’américaine.
Et ce n’est pas tout : sa décision d’augmenter unilatéralement les droits de
douane sur les produits chinois a fait déferler bon nombre de colis venus d’Asie
sur le sol européen, poussant plusieurs Etats membres (dont la France) et la
Commission européenne à réagir. Shein et Temu ne lui disent pas merci !
Benoit Coeuré | Horacio Villalobos#Corbis/Corbis via Getty Images
6. BENOÎT CŒURÉ
Président de l’Autorité de la concurrence
Peu connu du grand public lorsqu’il est propulsé en 2022 à la tête du régulateur
de la concurrence, Benoît Cœuré est un économiste passé par la Banque centrale
européenne et la direction du Trésor. Le successeur d’Isabelle de Silva trace
pourtant sa route dans le numérique.
Ses obsessions pour 2026 ? L’intelligence artificielle et la culture. L’autorité
planche ainsi sur un rapport consacré aux enjeux d’accès à l’énergie par les
acteurs de l’IA. Il garde également l’œil sur la façon dont ils nourrissent
leurs modèles, puisqu’il a mené une série de consultations sur le respect du
droit d’auteur. Car l’Autorité de la concurrence est chargée de veiller au
respect des accords sur le droit voisin, qui prévoit que les géants du numérique
versent de l’argent aux médias.
Surprise au générique : la “création de contenus vidéo” et le petit monde des
agences d’acteurs feront aussi l’objet d’un rapport d’ici à la fin de l’année.
Une initiative directement soufflée par la commission d’enquête de l’Assemblée
sur les violences dans le cinéma.
Enfin, Benoît Cœuré devrait jouer un rôle de premier plan dans la vente de SFR :
le régulateur devra y mettre son nez, Bouygues Telecom, Free et Orange ayant
déposé une offre conjointe de rachat.
7. THOMAS COURBE
Directeur général des entreprises
Il est l’un des rares locataires de Bercy qui n’a pas besoin de garder ses
cartons de déménagement à portée de main. Depuis sept ans à la tête de la
direction générale des entreprises (DGE), Thomas Courbe est devenu l’une des
principales interfaces entre le ministère et les boîtes privées — y compris
celles du numérique. La DGE a en effet renforcé ses compétences dans le domaine,
en pilotant notamment l’Institut national pour l’évaluation et la sécurité de
l’intelligence artificielle (Inesia), créé cette année.
La direction de Thomas Courbe — et son service de l’économie numérique — a
également la main sur la régulation du secteur : c’est une note de la DGE qui a
donné le coup de grâce et définitivement enterré la loi dite “Marcangeli”,
censée créer une majorité numérique à 15 ans.
La DGE a également su jouer des coudes pour la mise en œuvre du règlement
européen sur l’intelligence artificielle (AI Act), afin d’éviter que la Cnil ne
soit seule aux manettes du texte en France. Finalement, ce sera la direction
générale des entreprises, épaulée par la Répression des fraudes (DGCCRF), qui
assurera la coordination. Rien de très étonnant : c’est Thomas Courbe qui
représente les autorités françaises au bureau européen de l’IA, chargé de mettre
en œuvre l’AI Act.
8. SARAH EL HAÏRY
Haut-commissaire à l’enfance
Rare figure de stabilité en ces temps troublés, Sarah El Haïry a rapidement
endossé son rôle de haut-commissaire à l’enfance, devenant une interlocutrice
essentielle des associations de protection de l’enfance. A défaut de pouvoir
légiférer, l’ancienne ministre déléguée à l’Enfance — et vice-présidente du
MoDem — a interpellé le grand public et les élus sur l’impact des écrans sur les
jeunes et les risques engendrés par le numérique. Parmi eux : la diffusion, à
l’ère de l’intelligence artificielle, de photos d’enfants sur les réseaux
sociaux, ou encore les jeux vidéo en ligne.
9. NICOLAS DUFOURCQ
Directeur général de Bpifrance
Nicolas Dufourcq, c’est aussi — et surtout — un franc-parler. Directeur général
de la banque publique Bpifrance depuis sa création en 2013, l’énarque — qui
avait développé Wanadoo dans une autre vie — est un soutien inépuisable des
entreprises et des entrepreneurs. Prenons-en pour preuve ses déclarations
acérées contre la taxe Zucman, un “truc complètement absurde”, une “histoire de
jalousie à la française” et un signe de la “haine des riches”…
Le parrain de la French Tech investit sur des dossiers qu’il considère comme
stratégiques et soutient financièrement quatre start-ups sur cinq en France,
avec un slogan : “Vous envoyez du bois, nous envoyons du blé.” Et la conviction
que les entrepreneurs ont toutes les solutions pour la France.
Anne Le Hénanff | Magali Cohen/Hans Lucas/AFP via Getty Images
10. ANNE LE HÉNANFF
Ministre déléguée à l’Intelligence artificielle et au Numérique
Fraîchement nommée au Numérique, Anne Le Hénanff a au moins un avantage aux yeux
de l’écosystème tech, lassé de la valse des gouvernements : elle ne découvre pas
les sujets numériques. Bien au contraire.
Membre de la Commission supérieure du numérique, l’ex-députée Horizons a été
rapporteure sur le volet cloud du projet de loi visant à sécuriser l’espace
numérique. Elle est surtout une aficionada des questions cyber et de
souveraineté : à peine élue à l’Assemblée, en 2022, la Bretonne a conduit une
mission sur la cyberdéfense. Elle était, jusqu’à sa nomination au gouvernement,
rapporteure du plus gros morceau du projet de loi cyber, qui transpose la
directive NIS2. Elle fait également partie des députés “lanceurs d’alerte” sur
le contrat envisagé entre l’Assemblée nationale et Bleu, la succursale made in
France de Microsoft Azure. Sans être une antiaméricaine à la Philippe Latombe,
son ex-collègue MoDem, note un lobbyiste de la tech.
Anne Le Hénanff s’est aussi opposée à la remise en cause du chiffrement des
communications, portée par l’ancien ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau, et
souhaité de longue date par les services de sécurité intérieure.
11. ARTHUR DELAPORTE
Député PS du Calvados
Lui ne manque pas d’idées pour encadrer les plateformes et réguler les
influenceurs. Coauteur de la toute première loi encadrant le secteur de
l’influence, Arthur Delaporte a présidé la commission d’enquête de l’Assemblée
nationale sur TikTok, dont les conclusions sont alarmantes. Dans la foulée, face
au flou persistant autour de l’algorithme et l’impact du réseau social sur les
jeunes, le député a saisi le parquet de Paris, dénonçant “une possible
responsabilité de la plateforme dans la mise en danger de la vie d’autrui”.
Le socialiste n’entend pas s’arrêter là. Aux côtés de Stéphane Vojetta, il a été
chargé, par l’ex-ministre déléguée au Numérique Clara Chappaz, d’une mission
visant à combler les failles de leur première loi sur les pratiques commerciales
des influenceurs. Le député poursuit ses auditions jusqu’en novembre et espère
achever son rapport avant la fin de l’année.
12. MARC-ANTOINE BRILLANT
Chef de service à Viginum
Il est la vigie du gouvernement face aux ingérences étrangères. A la tête de
Viginum depuis 2023, Marc-Antoine Brillant voit venir les vagues d’ingérences
numériques en amont des élections municipales de 2026, mais surtout de la
présidentielle de 2027. A ce titre, il ne serait pas contre un renforcement des
compétences de son service — une refonte des décrets de Viginum est d’ailleurs
dans les tuyaux pour accompagner le virage offensif récemment pris par le Quai
d’Orsay.
Diplômé de Saint-Cyr et passé par l’Agence nationale de la sécurité des systèmes
d’information (Anssi), Marc-Antoine Brillant est en première ligne, alors que
les ingérences ne viennent plus seulement de Russie, mais aussi d’Azerbaïdjan,
d’Iran ou encore… des Etats-Unis. En mars, il avait d’ailleurs pointé un risque
d’ingérences liées à Elon Musk et sa plateforme X.
13. DONALD TANG
Président exécutif de Shein
Il est la bête noire de l’industrie textile — qui l’accuse de détruire le tissu
commercial français et européen — et la cible directe d’une proposition de loi
contre la fast-fashion, en cours d’examen au Parlement. Qu’à cela ne tienne :
Donald Tang multiplie les interventions médiatiques, ces derniers mois, pour
convaincre qu’il est un partenaire économique de confiance.
Au Figaro, le patron de Shein assure d’ailleurs vouloir “contribuer au renouveau
des centres-villes français”. En témoigne son partenariat avec Pimkie ou plus
récemment celui avec le groupe SGM, qui doit permettre à la marque chinoise
d’être présente au BHV et dans cinq magasins des Galeries Lafayette. Ces
annonces ont déclenché un tollé médiatique et convaincu certains parlementaires
qu’il fallait accélérer sur la réécriture de la loi sur la fast-fashion.
Sans compter qu’un deuxième front s’ouvre pour Donald Tang avec les négociations
sur le budget 2026. Shein et d’autres enseignes asiatiques, accusées d’inonder
la France de leurs produits bon marché, sont visées par une taxe de 2 euros sur
les petits colis — en attendant une réforme européenne prévue pour 2028.
Gabriel Zucman | Francois Walschaerts/AFP via Getty Images
14. GABRIEL ZUCMAN ET PHILIPPE AGHION
Economistes
Ce sont les deux économistes stars de la rentrée. L’un avec son idée de taxe sur
l’ensemble des actifs des plus riches. L’autre avec le prix Nobel, reçu le 13
novembre.
Tous deux se sont d’ailleurs retrouvés en face-à-face lors du grand raout annuel
de France Digitale à la mi-septembre. Le lobby des start-ups avait bousculé son
programme pour insérer un débat sur la controversée taxe Zucman.
Très vocaux dans les médias, les opposants à cet impôt sur les très hauts
patrimoines — dont l’inventeur ne “pouvait être que Français”, selon Bruno
Retailleau — ont trouvé dans les entrepreneurs de start-ups des alliés idéaux.
Arthur Mensch, le fondateur de Mistral, s’est par exemple retrouvé à parler
justice fiscale au 20 heures de France 2.
En défendant l’innovation et la destruction créatrice, Pierre Aghion est, quant
à lui, l’un des économistes préférés des start-ups. Le leadership technologique,
plaide-t-il, est le meilleur moyen d’assurer la puissance économique. Une thèse
reprise avec joie par les géants numériques pour limiter les tentatives de
régulation, selon certains.
15. HENNA VIRKKUNEN
Vice-présidente exécutive de la Commission européenne, chargée de la
Souveraineté numérique, de la Sécurité et de la Démocratie
Notre classement ne pouvait pas faire l’impasse sur celle qui a remplacé Thierry
Breton dans le cœur des acteurs de la tech. Quoique…
Malgré son portefeuille large et stratégique — l’IA et les technologies de
pointe, le cloud, les semi-conducteurs, les réseaux, ou encore la cybersécurité
—, cette Finlandaise de 53 ans, nommée commissaire au Numérique en décembre 2024
à l’occasion du deuxième mandat d’Ursula von der Leyen, est restée
particulièrement discrète depuis sa nomination — trop, diront ses détracteurs.
En cause : sa réaction jugée un peu tiède face aux attaques incessantes de
Donald Trump contre les lois numériques européennes.
A ces critiques, venues notamment des parlementaires européens, Henna Virkkunen
a répondu d’un simple “stay calm”. “Je travaille constamment sur ces sujets.
Mais bien sûr, chacun a des styles personnels très différents”, a-t-elle conclu.
16. SARAH LACOCHE
Directrice de la DGCCRF
La DGCCRF a vu son champ de compétences s’élargir ces dernières années, à mesure
que le commerce en ligne — et ses dérives — gagnait du terrain sur les ventes
physiques. Lutter contre les fausses promotions et les clauses abusives, veiller
à la sécurité des produits et aux bonnes pratiques des influenceurs, et bientôt
encadrer de l’IA… Un éventail de missions que Sarah Lacoche, directrice depuis
mai 2023, essaie de mener à bien, malgré des moyens humains et financiers
qu’elle juge insuffisants.
Ces derniers mois, la Répression des fraudes était attendue au tournant : au
terme de deux ans d’enquête, elle a finalement prononcé une amende de 40
millions d’euros contre le géant chinois de la fast-fashion Shein.
Sarah Lacoche est aussi sous le feu des projecteurs avec le projet de taxation
des petits colis, poussé par la France et désormais porté au niveau européen.
Dans ce cadre, la DGCCRF travaille d’arrache-pied avec les douanes sur un
nouveau protocole de coopération, très attendu par le petit monde du e-commerce.
17. JULIE LAVET
Cheffe des politiques publiques et des partenariats d’OpenAI pour l’Europe
Julie Lavet occupe l’un des postes de lobbyiste les plus en vue en cette période
du tout-IA. Depuis 2024, la Française est à la tête des affaires publiques du
géant OpenAI pour l’Europe. Une sacrée promotion pour celle qui s’occupait
auparavant des relations publiques d’Apple en France, mais surtout une montée en
intensité, alors que sa nouvelle entreprise est scrutée par les régulateurs
européens.
La trentenaire a réalisé son cursus honorum en cabinet ministériel, en
rejoignant en 2016 celui de Manuel Valls, alors Premier ministre. Elle y était
chargée des relations avec le Parlement.
Toujours basée à Paris, Julie Lavet devra sans nul doute gérer les relations
tendues avec les ayants droit, qui reprochent aux modèles d’intelligence
artificielle d’être entraînés sur leurs contenus sans autorisation ni
rémunération. Leur frustration grandit, alors qu’OpenAI a jusqu’ici douché les
espoirs de l’Alliance de la presse d’information générale et a séché les
dernières réunions sur le sujet organisées par le gouvernement.
18. MARIE-LAURE DENIS
Présidente de la Cnil
Conseillère d’Etat, Marie-Laure Denis est présidente de la Commission nationale
de l’informatique et des libertés depuis février 2019. Cette haute fonctionnaire
a consacré vingt ans de carrière à la régulation au sein d’autorités
administratives indépendantes : le Conseil supérieur de l’audiovisuel (devenu
l’Arcom) jusqu’en 2011, le régulateur des télécoms (l’Arcep) jusqu’en 2017, et
la Commission de régulation de l’énergie de 2017 à 2019.
Renouvelée en novembre 2023, elle est parvenue à faire avancer la Cnil sur une
ligne de crête : composer entre son rôle de gendarme des données et sa mission
d’accompagnement à l’innovation.
Marie-Laure Denis a inscrit sur la liste de ses priorités la protection de
l’enfance en ligne et l’éducation au numérique, mais aussi la prévention des
risques cyber et la régulation de l’intelligence artificielle. Sous sa
présidence, la Cnil devra encore achever sa mue en régulateur de l’IA, dont le
rôle dépasse largement celui de protecteur des données personnelles.
19. PHILIPPE LATOMBE
Député MoDem de Vendée
Membre de la commission des Affaires économiques, l’élu a fait de la
souveraineté numérique son cheval de bataille. Il est d’ailleurs l’auteur d’un
rapport parlementaire sur le sujet, publié en 2021. Du soutien aux start-ups au
transfert de données vers les Etats-Unis, en passant par le cloud souverain et
l’open data, Philippe Latombe se mobilise sur tous les fronts et milite pour une
volonté politique plus forte, à Paris et à Bruxelles, afin de protéger
entreprises nationales et citoyens.
Jusque-là, on ne peut pas dire qu’il ait été pleinement entendu. L’élu a tout
même profité de son poste de président de la commission spéciale chargée
d’examiner le projet de loi cybersécurité pour pousser — avec un succès mitigé —
nombre de mesures en faveur de la souveraineté et contre les lois
extraterritoriales à l’américaine.
20. CÉLINE BERTHON
Directrice générale de la sécurité intérieure
Elle est le visage de la — par nature discrète — direction générale de la
sécurité intérieure (DGSI). Céline Berthon, policière de formation, a été la
première femme à prendre la tête des renseignements intérieurs en 2024.
Depuis quelques mois, elle n’hésite plus à porter publiquement les doléances de
ses équipes. Le sujet le plus abrasif : une demande de levée du chiffrement des
messageries (WhatsApp, Signal, etc.) qui, selon elle, “aveuglent” les services
de renseignement, alors que les criminels et terroristes se tournent vers ces
solutions pour échapper à la surveillance des autorités.
Bien que son lobbying n’ait pas suffi à introduire une telle mesure, lorsqu’elle
a été examinée par le Parlement, Céline Berthon n’entend pas lâcher l’affaire.
D’autant qu’une nouvelle menace trouve désormais sa place dans son giron : les
ingérences étrangères, dont elle a elle-même été la cible.
21. STÉPHANE PACAUD
Directeur de WGCZ, propriétaire des sites XVideos et XNXX
L’homme est un caillou dans la chaussure de l’Arcom. Classé parmi les 500 plus
grosses fortunes de France par Challenges, avec plus de 600 millions d’euros en
banque, Stéphane Paccaud doit sa réussite à un réseau de sites pornographiques,
dont les très populaires XVideos et XNXX. Récemment, il a aussi mis la main sur
Jacquie et Michel.
Originaire du Creusot, en Saône-et-Loire, l’homme cultive la discrétion. Il
expliquait en 2019 se “moquer totalement de [se] faire connaître” et tançait
“l’incompétence” des médias, les accusant de “sensationnalisme” sur la question
du porno.
Stéphane Pacaud mène la bataille contre le contrôle d’âge sur les sites porno.
Son recours auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) risque
fort de mettre en défaut le régulateur tricolore, celui-ci ayant empiété sur le
droit européen, selon le rapporteur général de la CJUE. La décision doit être
rendue prochainement et pourrait détricoter les mesures de contrôles d’âge
construites par le législateur français.
22. JUSTINE ATLAN
Directrice générale d’e-Enfance
Directrice générale d’e-Enfance, association qui accompagne les victimes de
cyberharcèlement, Justine Atlan a, depuis toujours, soigné ses relations avec
l’exécutif : de Luc Chatel, ministre de l’Education nationale en 2009, à Clara
Chappaz, qui a quitté son poste au Numérique il y a quelques jours. Sa cause a
même séduit Brigitte Macron, qui l’a reçue pour parler des ravages des écrans
sur les jeunes enfants.
Loin de s’opposer aux acteurs de la tech, la lobbyiste a su tisser une relation
de confiance avec leurs représentants, qu’elle convie d’ailleurs chaque année,
aux côtés des régulateurs et des élus, au Parc des Princes pour le tournoi de
football caritatif de l’association.
Sur le fond des sujets, Justine Atlan a défendu ces derniers mois la mise en
place d’un système de vérification de l’âge des internautes et d’un contrôle
parental pour l’inscription des moins de 15 ans sur les réseaux sociaux. Plus
récemment, elle a appelé les parlementaires à chercher un financement pour les
signaleurs de confiance — chargés par l’Arcom de faire remonter aux plateformes
les contenus illicites.
23. ANNE BOUVEROT
Envoyée spéciale sur l’IA et coprésidente du Cian
Après avoir organisé avec succès le Sommet sur l’IA à Paris en février dernier,
Anne Bouverot est devenue l’un des rouages de la politique française en matière
d’intelligence artificielle.
C’est donc tout naturellement que l’ancienne ministre déléguée au Numérique
Clara Chappaz s’est tournée vers l’envoyée spéciale d’Emmanuel Macron pour l’IA
pour présider — aux côtés de Guillaume Poupard, directeur général adjoint de
Docaposte et ancien patron de l’Anssi — le tout nouveau Cian (Conseil de l’IA et
du numérique).
Anne Bouverot, qui a passé dix-huit ans chez Orange, est aussi présidente du
conseil d’administration de l’Ecole normale supérieure, où elle s’est
spécialisée dans les impacts sociétaux de l’IA.
24. MARC LOLIVIER
Délégué général de la Fevad
A la tête de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad)
depuis 2002, Marc Lolivier est incontournable dans le petit monde des boutiques
en ligne.
Dans les prochains mois, celui qui représente la France au sein de la fédération
européenne du e-commerce (Ecommerce Europe) aura du pain sur la planche. A Paris
d’abord, avec le budget 2026 dans lequel se profile une taxe de 2 euros sur les
petits colis destinée freiner l’arrivée massive de produits asiatiques dans
l’Hexagone. Selon Marc Lolivier, cette mesure devrait renforcer la compétitivité
des e-commerçants tricolores.
Mais le gros de son travail se fera bel et bien à Bruxelles, où la Commission
européenne prépare un texte sur la protection du consommateur à l’ère numérique
(Digital Fairness Act).
25. NATHALIE TEHIO
Présidente de la Ligue des droits de l’homme
Avocate au barreau de Paris, spécialiste des libertés publiques et des violences
policières, Nathalie Tehio a rejoint le bureau national de la LDH en 2020, avant
d’en prendre la présidence en mai 2024.
A l’époque, les émeutes font rage en Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement décide
de suspendre le réseau social TikTok dans l’archipel. “Une atteinte à la liberté
de communication des idées et des opinions” immédiatement dénoncée par
l’association, qui attaque d’urgence cette décision en justice.
Ce virage numérique s’est poursuivi ces derniers mois. Par exemple, la LDH a
porté plainte en février contre Apple pour collecte illégale de données via son
assistant Siri. A peu près au même moment, l’association a aussi joué les
lanceuses d’alerte, attirant l’attention de l’Arcom au sujet de la plateforme
Kick et les violences perpétrées sur la chaîne Le Lokal.
Nathalie Tehio réfléchit sérieusement à faire de la LDH un signaleur de
confiance, au titre du règlement européen sur les services numériques (DSA). Ce
statut permettrait à l’association de faire remonter plus rapidement les
contenus illicites aux plateformes.
26. PASCAL ROGARD
Directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques
Inlassable défenseur de “l’exception culturelle”, il ne mâche pas ses mots
lorsqu’il s’agit de clasher les plateformes — notamment TikTok, qu’il menace
régulièrement d’un procès pour non-versement des droits d’auteur.
Juriste de formation et lobbyiste influent à Paris comme à Bruxelles, où il a
mené le combat pour l’adoption de la directive sur le droit d’auteur, Pascal
Rogard a fait toute sa carrière au service de la culture, d’abord auprès des
producteurs et réalisateurs de cinéma, puis des auteurs.
Son dernier combat en date (et à venir) : faire barrage à OpenAI, très tentée de
présenter son film d’animation généré par IA au… Festival de Cannes 2026.
Remonté comme un coucou, le patron de la SACD a écrit à la présidente du
festival, Iris Knobloch, pour s’enquérir de la place qu’aurait ce projet sur la
Croisette.
27. LAURE DE LA RAUDIÈRE
Présidente de l’Arcep
Pas facile de succéder à l’hyperactif Sébastien Soriano. Laure de La Raudière a
pourtant réussi à imprimer sa marque dans le secteur des télécoms. Normalienne
et ingénieur télécoms, elle a passé onze ans chez France Télécom, avant de
fonder sa société de conseil. Elue députée UMP d’Eure-et-Loire en 2007, elle
s’investit dans les dossiers numériques et fait pas moins de neuf rapports sur
le sujet, allant de la neutralité du net à l’économie numérique, en passant par
la couverture du territoire.
Sa nomination début 2021 à la tête de l’Arcep, l’autorité de régulation du
secteur, surprend autant qu’elle rassemble. Ce qui a fait pencher la balance ?
“Elle est à la fois très ancrée dans la politique locale et sait traiter de
sujets techniques arides”, expliquait alors aux Echos le ministre de l’Economie
Bruno Le Maire, qui aurait vivement recommandé la députée à Emmanuel Macron.
Depuis l’été, la présidente de l’Arcep s’est donné une mission : étendre la
régulation numérique de l’UE aux services de cloud et d’IA des géants
américains, pour faciliter l’émergence d’alternatives européennes.
28. VINCENT STRUBEL
Directeur général de l’Anssi
Il est un pur produit de l’Anssi. Ingénieur X-Télécoms, membre du corps des
Mines, Vincent Strubel a fait de la sécurité des systèmes d’information sa
spécialité. Il rejoint l’agence en 2009 en tant que chef du laboratoire
architectures matérielles et logicielles, puis occupe les postes de responsable
des expertises et de directeur de l’Opérateur des systèmes d’information
interministériels classifiés — une émanation de l’Anssi —, avant d’être nommé DG
en 2023.
En bon fonctionnaire, Vincent Strubel dépasse rarement les bornes de son devoir
de réserve, mais sait habilement pointer les responsabilités des uns et des
autres — et livrer le fond de sa pensée sur une disposition législative. Et
quand il sort du cadre, c’est que l’heure est grave. Tout récemment, il a remis
à sa place le hackeur-influenceur Clément Domingo, ulcéré par l’ampleur d’une
rumeur de cyberattaque “massive” contre une agence de l’Etat.
29. PAVEL DUROV
Fondateur et dirigeant de Telegram
D’amoureux autoproclamé de la France, Pavel Durov est devenu son détracteur.
Alors que le fondateur de Telegram est désormais sous contrôle judiciaire dans
l’Hexagone depuis plus d’un an, il s’est tourné vers les médias et ses followers
pour dénoncer la procédure qui le vise, et le tient pour responsable des
activités illégales qui se déroulent sur sa messagerie.
Désormais brouillé avec la France, il a délaissé son deuxième nom, Paul du Rove
— qu’il avait choisi en accédant à la nationalité tricolore en 2021, avec
l’appui d’Emmanuel Macron —, et s’attaque frontalement à certains services,
comme la DGSE et son patron Nicolas Lerner.
Durov peut néanmoins s’appuyer dans son combat sur le soutien d’Elon Musk et de
plusieurs influenceurs de la sphère MAGA, qui n’hésitent pas à faire le
déplacement en France pour l’interviewer dans la prison dorée des hôtels
parisiens.
30. BENOÎT TABAKA
Directeur des affaires publiques de Google France
C’est l’un des lobbyistes les plus connus du secteur numérique. Et pour cause :
du Forum des droits sur l’internet au secrétariat général du Conseil national du
numérique, en passant par les affaires publiques du groupe PriceMinister, Benoît
Tabaka a déjà eu plusieurs vies professionnelles.
A la tête des affaires publiques de Google France depuis 2018, il a récemment
pris du galon et dirige, depuis septembre, les relations institutionnelles et
politiques publiques du géant américain en Europe du Sud.
Il faut dire que la “méthode Tabaka” a fait ses preuves, à Paris comme à
Bruxelles. Cordial, réactif aux demandes du législateur, rechignant rarement à
faire une énième audition sur le même sujet au nom de la sacro-sainte
“pédagogie”, il a su tisser une relation apaisée avec les pouvoirs publics
(ministres, parlementaires et même collectivités locales), privilégiant le
dialogue à l’opposition de principe.
Gaspard G | Teresa Suarez/EPA
31. GASPARD G
Influenceur
Tout juste nommé vice-président de l’Union des métiers de l’influence et des
créateurs de contenu (Umicc), le youtubeur Gaspard G a récemment pris un virage
plus politique. Son objectif : obtenir des aides de l’Etat pour les influenceurs
d’information, afin de réduire leur dépendance aux partenariats avec les
marques. Cette ambition s’accompagne d’une autre demande : la reconnaissance
d’un véritable statut pour ces influ-journalistes qui aident, selon lui, à la
lutte contre la désinformation.
Gaspard G poursuit par ailleurs ses propres projets en tant que créateur et
producteur de contenu. A la tête de l’agence Intello, il a notamment accompagné
ces derniers mois des présentateurs, comme Claire Chazal et Stéphane Bern, à
faire leur mue sur YouTube. En parallèle, l’influenceur pénètre peu à peu
l’écosystème politique via des interviews pour sa chaîne d’actualité. Parmi ses
invités, des poids lourds, comme François Hollande ou Emmanuel Macron.
32. ROXANNE VARZA
Directrice de Station F
Quel start-uppeur peut prétendre n’avoir jamais visité son temple de la tech ?
Roxanne Varza, la patronne de Station F, est l’une des personnalités les mieux
connectées de l’écosystème des start-ups français. Il faut dire que Station F
parvient toujours à se placer sur la carte des événements tricolores du
numérique. Hub des grands rendez-vous de la tech, il est aussi le lieu de
réception des soirées VIP organisées par des géants, comme OpenAI, et de dîners
confidentiels.
Au cœur de cette plaque tournante du réseautage tech, Roxanne Varza tient la
barre depuis plus de dix ans. Née à Palo Alto, naturalisée Française, l’ancienne
journaliste avait été repérée par le milliardaire Xavier Niel, fondateur de
Station F, alors qu’elle prêtait sa plume au média TechCrunch.
Roxanne Varza (qui est également micro-influenceuse sur Spotify) accompagne
désormais les projets d’incubation du patron d’Iliad. Dernier en date :
l’accélérateur de start-ups sportives du Paris Saint-Germain, qui s’est
installé, lui aussi, à Station F.
33. PIERRE LOUETTE
PDG du groupe Les Echos et président de l’Apig
A la tête du groupe Les Echos depuis 2023, cet ancien magistrat de la Cour des
comptes est depuis 2024 le très influent président de l’Alliance de la presse
d’information générale (Apig). Un poste qu’il a déjà occupé de 2020 à 2022 dans
le contexte très tendu des négociations sur les droits voisins entre les acteurs
de la presse et les plateformes.
Le retour de ce fin négociateur à la tête de l’Apig coïncide avec l’ouverture
d’un nouveau front dans la bataille qui oppose les ayants droit et les
entreprises de la tech : celui du développement de l’intelligence artificielle
et de la rémunération des auteurs.
Alors que la concertation menée par les ministères de la Culture et du Numérique
patine, Pierre Louette n’hésite plus à passer à l’offensive. Avec le Syndicat
des éditeurs de la presse magazine (SEPM), l’Apig a lancé une action contre
trois bases de données publiques, largement utilisées par les géants de l’IA
pour entraîner leurs modèles.
Pierre Louette a aussi saisi, il y a quelques jours, l’Autorité de la
concurrence au sujet des négociations avec Meta sur les droits voisins. L’Apig
juge en effet “insultante” la proposition de rémunération du géant américain et
dénonce un abus de position dominante.
34. ALEX HITCHENS
Influenceur
Pour les pouvoirs publics, il est l’incarnation française du courant
masculiniste sur les plateformes qui aggrave les stéréotypes de genre.
L’influenceur et coach en séduction Alex Hitchens totalise pratiquement 400 000
abonnés sur YouTube et 719 000 sur un compte de secours sur TikTok — l’officiel
a été fermé à la demande de la ministre chargée de l’Egalité femmes-hommes
Aurore Bergé.
Le vidéaste ne s’en cache pas : il faut choquer pour percer dans l’influence.
Lui, par exemple, n’a pas hésité à conseiller aux femmes de ne pas sortir dans
la rue après 22 heures. Cette déclaration lui a valu des échanges tendus avec
les députés Laure Miller (EPR) et Arthur Delaporte (PS) lors de son audition par
la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur TikTok — qu’il a quittée
brutalement.
Devenue virale, la séquence a mis en lumière ce courant que les pouvoirs publics
aimeraient endiguer. Et pour cause : selon l’Office anticybercriminalité (Ofac),
qui gère la plateforme de signalement Pharos, le mouvement incel prend de
l’ampleur en Europe. En réponse, le Haut conseil à l’égalité préconise même la
création d’un “délit de sexisme” pour encadrer ce type de contenu.
35. SYLVIE VALENTE LE HIR
Sénatrice LR de l’Oise
Elle n’est pas du genre à baisser les bras. Malgré l’instabilité et la valse des
gouvernements, la rapporteure sur la proposition de loi sur la fast-fashion a
fait des pieds et des mains pour inscrire le texte à l’ordre du jour du Sénat.
Un lobbying réussi, qui s’est soldé par l’adoption d’un texte largement remodelé
le 2 juin.
Sous sa houlette, la Chambre haute a revu un élément clé de la PPL : la
définition même de la fast-fashion, qui se base désormais sur le nombre de
produits neufs et non plus de références présentes sur un site. Une façon
d’exclure les marketplaces françaises ou européennes, comme Kiabi ou Zalando,
qu’elle tient à protéger face à la concurrence des Shein ou Temu. Mais sa
réécriture ne fait pas l’unanimité et pourrait bien faire l’objet de débats en
commission mixte paritaire.
36. GUILLAUME POUPARD
Directeur général adjoint de Docaposte et coprésident du Cian
Depuis son départ de l’Anssi en 2023, Guillaume Poupard dit tout haut avec sa
voix rassurante ce que son successeur, Vincent Strubel, pense tout bas.
Notamment sur la remise en cause du chiffrement des communications par
l’ex-ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau.
A la tête de Docaposte depuis janvier 2023, il n’a pas rompu pour autant ses
liens avec le gouvernement. A peine avait-il achevé sa mission d’envoyé spécial
sur l’IA de confiance pour le sommet de Paris — où il a œuvré à la création d’un
institut de l’évaluation des risques de l’intelligence artificielle — qu’il a
aidé à choisir le nouveau président du Campus Cyber. Lassé d’écrire des posts
LinkedIn — c’est lui qui le dit ! —, l’ingénieur a depuis trouvé dans le Conseil
de l’IA et du numérique (Cian) une nouvelle plateforme pour diffuser ses idées,
notamment auprès de l’exécutif.
Octave Klaba | Julien de Rosa/IP3/Getty Images
37. OCTAVE KLABA
Président d’OVHcloud
C’est le porte-voix du cloud tricolore. Et il vient tout droit de Pologne.
Octave Klaba a consacré trois décennies à son entreprise OVH pour tenter de
grignoter des parts de marché aux géants américains. Il leur emprunte pourtant
tous les codes : son entreprise est nichée dans la “Roubaix Valley”, et il
n’oublie jamais de faire le show. Guitare à la main, Klaba ouvre chacun des “OVH
Summits” par un concert de rock.
Depuis quelques années, l’entrepreneur s’est lancé un nouveau défi : construire
tant bien que mal un “champion des services cloud”, à partir d’anciennes pépites
déchues de la tech française. En 2021, il a racheté la boîte de cloud gaming
Shadow, puis a convaincu, deux ans plus tard, la Caisse des dépôts d’investir à
ses côtés pour reprendre le moteur de recherche Qwant.
Ses appels à la souveraineté numérique ont trouvé directement écho auprès des
sénateurs de la commission d’enquête sur la commande publique, qui appelle à
orienter les achats publics vers la tech hexagonale. OVH attend désormais de
piquer à Microsoft le contrat d’hébergement du Health Data Hub avant de crier
victoire.
38. ERIC BOTHOREL
Député EPR des Côtes-d’Armor
Adoubé par le secteur des télécoms, à qui il prête une oreille attentive, le
député breton œuvre pour réduire la fracture territoriale de la couverture
numérique.
Membre de la commission des Affaires économiques, Bothorel agit aussi en
contrepoids des tentations de régulation de l’exécutif ou de certains de ses
camarades : il s’oppose ainsi à la vérification d’âge en ligne, à l’interdiction
des réseaux sociaux pour les plus jeunes, comme au règlement européen
ChatControl.
Aboutissement de cette prise de distance, il a décidé de quitter EPR pour
rejoindre les rangs de ses apparentés. Mais il sait toujours se comporter en bon
soldat pour défendre le gouvernement, par exemple pour préserver la copie
initiale du projet de loi cyber dont il est rapporteur général.
39. MAYA NOËL
Directrice générale de France Digitale
Directrice du lobby des jeunes pousses France Digitale depuis plus de quatre
ans, Maya Noël est l’avocate des start-ups dans les périodes de gros temps —
dont l’année 2025 fait partie. Après avoir atteint des sommets en 2022, les
levées de fonds du secteur n’ont fait que baisser, a diagnostiqué France
Digitale en septembre 2025.
De quoi renforcer l’argumentaire de Maya Noël, qui devra défendre l’écosystème
dans les négociations budgétaires à venir, à l’heure où la tentation est grande
de trancher net dans les avantages des entreprises.
Celle qui a fait ses classes en cofondant YBorder — une plateforme RH pour
trouver des profils de développeurs —, avant de rejoindre le fondateur de
BlaBlaCar Frédéric Mazzella à France Digitale, se prépare à prendre son bâton de
pèlerin pour convaincre les nouveaux occupants de Bercy des bienfaits de la
start-up nation. Un concept qui, France Digitale veut le croire, survivra au
macronisme.
40. PAUL MIDY
Député EPR de l’Essonne
Elu à l’Assemblée nationale depuis 2022, Paul Midy se veut la voix des
start-ups, qu’il défend à chaque sursaut de l’actualité. Cette année, il a ainsi
ferraillé contre la taxe Zucman, et a volé au secours des entrepreneurs cryptos
et de leurs données sensibles après une série de rapts.
A l’Assemblée, Paul Midy est souvent celui par lequel les coups de poker sur la
politique du numérique passent : en 2024, il avait été l’émissaire surprise d’un
amendement visant à revenir sur le chiffrement des applis de messagerie.
Son maître mot : lutter contre “l’impunité en ligne”, un combat qui passerait
selon lui par une fin de “l’anonymat sur les réseaux sociaux”. Et qu’il n’a pas
abandonné malgré des revers dans l’arène parlementaire.
Le prochain chantier de ce polytechnicien, passé par plusieurs start-ups, sera
de défendre les avantages fiscaux des jeunes pousses dans les négociations
budgétaires, à l’heure de la rigueur dans la gestion des finances publiques.
41. PATRICK CHAIZE
Sénateur LR de l’Ain
“On ne peut pas lui reprocher de ne pas connaître ses sujets”, reconnaît une
lobbyiste souvent en désaccord avec lui. Patrick Chaize a une obsession : les
télécoms, qu’il veille à mettre à l’agenda parlementaire aussi fréquemment qu’il
le peut. Chaque année, le sénateur se démène pour minimiser l’ampleur des coupes
budgétaires et, en parallèle, instiller l’idée d’un plan “France Numérique 2030”
pour remettre à plat le financement des réseaux comme des politiques d’inclusion
numérique.
Fils d’électricien automobile, président de l’Avicca, l’association des
collectivités locales engagées dans le numérique, Patrick Chaize est dur avec
les opérateurs télécoms — il souhaite les voir améliorer la qualité des
raccordements en fibre optique — et avec les plateformes numériques. Lors des
émeutes du printemps 2023, il avait fait la demande ébouriffante que celles-ci
suppriment les contenus incitant à la violence. L’amendement avait été écarté en
douceur. Patrick Chaize est un parlementaire que l’on ménage, tant dans le
secteur télécoms que du côté du gouvernement.
42. SASHA LUCCIONI
Chercheuse spécialisée dans l’intelligence artificielle et le changement
climatique
Elle est l’une des précurseures dans la recherche sur l’impact environnemental
de l’intelligence artificielle. Sasha Luccioni est chargée des questions d’IA et
de climat pour la licorne franco-américaine Hugging Face depuis quatre ans et
exige sans relâche plus de transparence de la part des entreprises d’IA sur
leurs émissions carbone. Un enjeu brûlant à mesure que de nouveaux datacenters
sortent de terre et que les entreprises cherchent à obtenir toujours plus de
capacités de calcul.
A 34 ans, la chercheuse canadienne a ainsi contribué à créer l’outil CodeCarbon
ou les energy scores pour tenter d’imposer un référentiel de transparence en
matière énergétique. Si les entreprises d’IA se sont faites plutôt discrètes sur
ce point, la donne serait-elle en train de changer ? Mistral AI a en tout cas
publié cette année sa première étude d’impact, de l’entraînement à l’usage des
modèles, avec l’appui de l’Ademe et du cabinet Carbone 4.