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L’Union européenne inflige une amende de 120 millions d’euros à la plateforme X
BRUXELLES — La Commission européenne a infligé vendredi une amende de 120 millions d’euros à X, le réseau social d’Elon Musk. Il s’agit de la toute première sanction prononcée en vertu du règlement européen sur les services numériques (DSA). Cette décision, qui risque d’exacerber les tensions avec les États-Unis, a d’ores et déjà suscité des critiques de la part de J.D. Vance. Le vice-président américain a ainsi jugé que cette amende était une sanction pour “absence de censure”. Le montant de l’amende est pourtant modéré par rapport aux sanctions infligées précédemment par Bruxelles aux entreprises technologiques.  Dans le cadre des négociations commerciales, les États-Unis ont fait pression à plusieurs reprises sur l’UE pour qu’elle assouplisse sa réglementation. X a été reconnu coupable de manquement aux obligations de transparence qui lui incombent en tant que très grande plateforme en ligne, au titre du règlement sur les services numériques (DSA). La Commission a jugé le design de la coche bleue de X “trompeur” après sa transformation en fonctionnalité payante. L’exécutif européen a également déclaré que le répertoire publicitaire de X manquait de transparence et ne permettait pas aux chercheurs d’accéder aux données publiques, comme l’exige la loi. Cette amende ne marque que la fin d’une partie de l’enquête menée par l’UE et ouverte il y a près de deux ans. D’autres volets, portant sur les efforts déployés par X pour lutter contre la diffusion de contenus illégaux et la manipulation de l’information, sont toujours en cours. Bruxelles subit une pression croissante de la part des dirigeants européens, des eurodéputés et des organisations de défense des droits numériques pour conclure l’enquête sur X, et prouver ainsi son engagement à protéger les citoyens en ligne.  “Notre objectif n’est pas d’infliger les amendes les plus élevées, mais de garantir l’application de notre législation numérique. Si vous respectez nos règles, vous n’aurez pas d’amende”, a déclaré Henna Virkkunen, vice-présidente exécutive de la Commission européenne chargée de la souveraineté numérique, lors d’un point de presse vendredi matin. En vertu du DSA, les entreprises peuvent être condamnées à une amende pouvant atteindre 6 % de leur chiffre d’affaires annuel mondial. Si les revenus mondiaux de X sont estimés à quelques milliards d’euros, ceux des entreprises de Musk sont bien plus importants. Répondant aux propos de Vance, Virkkunen a déclaré aux journalistes : « Le DSA n’a rien à voir avec la censure ; cette décision concerne la transparence de X. » Elle a également indiqué que le montant de l’amende avait été jugé “proportionné” et calculé en tenant compte de “la nature de ces infractions, de leur gravité pour les utilisateurs européens concernés et de leur durée”. Interrogé sur la méthode de calcul de l’UE, un haut fonctionnaire de la Commission a réaffirmé le principe de proportionnalité et précisé qu’il ne pouvait être “réduit à une simple formule économique”. De son côté, la ministre française déléguée à l’IA et au Numérique Anne Le Hénanff a affirmé que la France “souten[ait] pleinement cette décision … qui envoie un message clair à l’ensemble des plateformes”. X n’a pas immédiatement répondu à notre demande de commentaires.
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Affaire Jean Pormanove : la difficile introspection des influenceurs
PARIS — “Aucune torture, même rémunérée, ne doit être encouragée.” Ces mots sont ceux de Tibo Inshape, un des rares influenceurs à s’exprimer sur le sujet. Le youtubeur le plus suivi de France a pris la parole sur X le 19 août, au lendemain du décès tragique du streameur Raphaël Graven. Connu sous le pseudonyme de Jean Pormanove, l’homme de 45 ans est mort en direct sur la plateforme Kick, après avoir subi des mois durant des violences infligées par deux autres streameurs, encouragés par des dons de leurs nombreux spectateurs. Le parquet de Nice enquête sur les circonstances de cette mort, quand le parquet de Paris a annoncé se pencher sur les pratiques de la plateforme. Désormais au centre de l’attention politico-médiatique, Kick fera l’objet d’un sort particulier du député Arthur Delaporte (PS) et de l’ex-député Stéphane Vojetta (EPR), dans le cadre de leur mission sur la régulation du secteur, a annoncé mardi Clara Chappaz. Leur mission voit son périmètre élargi à la monétisation des contenus violents ; les conclusions sont annoncées pour la fin de l’année. La ministre déléguée au Numérique a également assuré à POLITICO que “l’ensemble des parties prenantes aux enjeux de cette mission seront sollicités, dont l’Union des métiers de l’influence (Umicc)”, qui fédère les créateurs de contenu. Ceux-ci sont en effet partie prenante du problème, selon une partie des internautes et les pouvoirs publics. La prise de conscience sur les dérives de certaines tendances, imaginées avant tout pour ameuter des spectateurs, arrive trop tard. Les agissements du Lokal, le collectif de streameurs dont faisait partie Jean Pormanove, avaient été notamment documentés par Mediapart en décembre dernier, sans guère susciter de réaction.  LE BUSINESS DU CHALLENGE EXTRÊME  Le silence d’une majorité des influenceurs peut s’expliquer par le fonctionnement d’une partie de l’écosystème et l’aspect lucratif des “challenges”. Soit des vidéos où le vidéaste réalise des défis, parfois dangereux, pour capter l’attention d’un public sans cesse plus avide d’images chocs. Ceux qui se sont aventurés à condamner ces pratiques, et notamment les violences subies par Raphaël Graven, ont reçu en retour des messages haineux. C’est le cas de la streameuse Avamind sur X, après s’être prononcée en faveur de l’interdiction de la chaîne du Lokal. Preuve, selon plusieurs observateurs, d’une habitude du public à l’égard de ces contenus et d’une réticence des influenceurs à condamner unanimement ces pratiques, de crainte de s’attirer les foudres de leurs abonnés.  “Les challenges extrêmes sur les réseaux sociaux existent depuis un moment”, rappelle également Stéphanie Laporte. La fondatrice de l’agence Otta et spécialiste du secteur de l’influence prend pour exemple des figures populaires, comme celles du youtubeur Inoxtag, qui a pour habitude de faire dans le contenu sensationnel. Le vidéaste de 23 ans a gravi il y a un an l’Everest avant de se lancer, il y a quelques mois, dans la traversée de l’Atlantique en une dizaine de jours. Il a commencé plus jeune par des “pranks” (canulars) destinés à se faire peur avec son collègue Michou et à filmer leurs réactions parfois violentes.  S’il s’agit ici d’un contenu encadré, que le youtubeur a les moyens de financer, d’autres plus précaires, comme le Lokal, vont plus loin dans les défis dangereux afin de capter une audience en quête d’interdit. “Pour les youtubeurs connus, il est donc difficile de venir faire la morale aux plus petits influenceurs”, constate Stéphanie Laporte. “La société et les influenceurs doivent poser eux-mêmes des limites à ce qui est proposé sur le web”, renchérit Hervé Godechot, journaliste et ex-membre du collège de l’Arcom, le régulateur du secteur. RENFORCER LE CADRE ÉTHIQUE  De son côté, l’Umicc, qui rassemble une partie des créateurs de contenu et des agences, donne pour preuve de sa bonne foi les chartes éthiques non contraignantes qu’elle a élaborées pour sensibiliser ses adhérents. Mais renvoie la balle aux plateformes pour limiter les contenus les plus extrêmes. “Tout l’écosystème à un rôle à jouer et nous agissons sur la responsabilisation des professionnels, mais les plateformes ont, elles aussi, une responsabilité majeure dans la prévention des dérives”, a réagi par écrit un porte-parole de l’Umicc questionné par POLITICO. Le syndicat pousse pour que le gouvernement oblige les plateformes à modérer en temps réel des contenus en direct et à un retrait plus rapide des publications signalées par les associations. Ces pistes devraient être étudiées dans le cadre de la mission parlementaire lancée par Clara Chappaz. 
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Le parquet de Paris ouvre une enquête sur la plateforme de streaming Kick
PARIS — Le parquet de Paris a annoncé ce mardi l’ouverture d’une enquête préliminaire concernant le site de streaming Kick pour “fourniture en bande organisée de plateforme en ligne illicite”.  Une semaine après le décès du streameur Jean Pormanove en plein direct, le parquet cherche à savoir si le site australien “fournissait, en connaissance de cause, des services illicites, notamment par la diffusion de vidéos d’atteintes volontaires à l’intégrité de la personne”.  L’enquête, confiée à l’office anti-cybercriminalité (OFAC), devra également déterminer si Kick respectait ses obligations au titre du règlement européen sur les services numériques (DSA). Et notamment l’obligation “de signaler aux autorités les risques d’atteintes à la vie ou à la sécurité des personnes”.  Sur sa chaîne, la plus suivie en France, Jean Pormanove, de son vrai nom Raphaël Graven, subissait des actes de violences physiques et verbales de la part de ses partenaires de stream depuis plus d’un an.  Cette enquête est ouverte “en concertation avec le parquet de Nice”, le parquet de Paris ayant une compétence nationale sur les sujets cyber.   Le parquet de Nice a déjà ouvert deux enquêtes : l’une en décembre à la suite des révélations de Mediapart, l’autre au lendemain de la mort de Raphaël Graven. Elles se poursuivent. Pour l’heure, aucun lien direct n’a été identifié entre sa mort et les violences qu’il a subies. 
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La réaction des autorités en question après la mort d’un streamer en direct
PARIS — Pourquoi les autorités compétentes, alertées depuis des mois des violences subies en direct par Jean Pormanove, ne sont-elles pas intervenues avant la mort du streamer ? Ce lundi, Raphaël Gavren, alias Jean Pormanove, a été retrouvé mort dans son lit, lors d’une diffusion en direct qui durait depuis plusieurs jours.   Cet ancien militaire était depuis plusieurs années l’un des protagonistes de la chaîne JeanPormanove. Comptant plus de 160 000 abonnés, elle était hébergée par la plateforme australienne Kick — un concurrent de Twitch, proposant des vidéos en direct avec des règles de modération réputées moins strictes.  Or, plusieurs signalements avaient été réalisés ces derniers mois auprès de la justice, mais aussi du gouvernement et de l’autorité de régulation de l’audiovisuel et du numérique, l’Arcom.  Interrogée par POLITICO, Nathalie Tehio, présidente de la Ligue des droits de l’Homme (LDH), estime que cette affaire interroge la réactivité des pouvoirs publics sur une situation de violences “qui était connue”.  Animée par quatre streamers, la chaîne JeanPormanove s’était en effet spécialisée dans les formats violents, dans lesquels Raphaël Gavren jouait régulièrement le rôle de souffre-douleur.  Après sa mort, et malgré la suspension de la chaîne par la plateforme Kick, les extraits de ces violences ont envahi les réseaux sociaux. On le voit subir des coups, strangulations, insultes et humiliations répétées de la part de ses costreamers, connus sous les pseudos Naruto et Safine. Ces violences étaient encouragées par certains spectateurs de la chaîne, qui pouvaient effectuer des dons aux vidéastes sur Kick. La ministre déléguée à l’Intelligence artificielle et au Numérique a dénoncé une “horreur absolue” et s’en est remise à l’enquête ouverte par le parquet de Nice en “recherche des causes de la mort” de Raphaël Gavren.   De son côté, le député-streameur Denis Masséglia a demandé “l’ouverture d’une enquête permettant d’identifier d’éventuels manquements” de la part de l’Arcom, notamment “concernant la diffusion continue de contenus qui, à mon sens, auraient dû être interdits”.  La plateforme Kick a quant à elle indiqué sur X s’engager “à collaborer pleinement avec les autorités dans le cadre de ce processus”, tout en adressant ses “sincères condoléances” aux proches de Raphaël Graven.  UNE PREMIÈRE ENQUÊTE EN DÉCEMBRE  Le parquet de Nice avait pourtant ouvert une enquête le 16 décembre 2024, après la publication d’un article de Mediapart détaillant les sévices subis par Raphaël Graven et par l’un de ses compagnons de streaming, Coudoux, en situation de handicap et placé sous curatelle.   Cette enquête préliminaire, qui ne ciblait pas directement la plateforme Kick, portait sur trois chefs d’accusation : “provocation publique par un moyen de communication au public par voie électronique à la haine ou à la violence”, “violences volontaires en réunion sur personnes vulnérables” et “diffusion d’enregistrement d’images relatives à la commission d’infractions d’atteintes volontaires à l’intégrité de la personne”.   Les costreamers Naruto et Safine avaient ainsi été interpellés le 9 janvier, avant d’être relâchés et de reprendre leurs activités. “Tant les personnes susceptibles d’être mises en cause que celles d’être victimes contestaient la commission d’infractions”, avait alors communiqué le procureur de Nice.   “La difficulté du dossier est que les violences en question étaient présentées comme consenties et scénarisées, et que la victime n’a pas déposé plainte”, analyse l’avocat Alexandre Archambault.  Outre la justice, les autorités nationales avaient été alertées à l’époque.  Dans le cadre de son enquête, Mediapart avait en effet sollicité l’Arcom, ainsi que le cabinet de la ministre déléguée à l’Intelligence artificielle et au Numérique Clara Chappaz, sans recevoir de réponse de la part du ministère.  Sollicité par POLITICO, le cabinet de la ministre n’a pas donné suite au moment de la publication de cet article.  En février, la Ligue des droits de l’Homme (LDH) avait saisi l’Arcom. Sa présidente Nathalie Tehio indique que cette saisine est “restée sans réponse”. Elle précise cependant qu’il s’agit d’un délai “courant” pour l’Arcom, dont elle estime le temps de réponse à environ six mois. “Il y a une question de moyens” pour cette institution, regrette Nathalie Tehio.   ENTRE LES MAILLES DU FILET DES AUTORITÉS  C’est ainsi que la plateforme Kick semble avoir échappé au contrôle des régulateurs du numérique.  Bien que l’Union européenne ait renforcé ces dernières années sa régulation des plateformes, les autorités françaises et bruxelloises ont en effet tardé à établir le contact avec Kick, et notamment à identifier si la plateforme avait une représentation en Europe — comme le requiert le règlement européen sur les services numériques (Digital Services Act).  Le détail est pourtant loin d’être anodin : les marges de manœuvre de l’Arcom dépendent du pays où Kick a désigné son représentant légal. S’il est installé dans un autre Etat membre de l’Union Européenne (UE), c’est alors le régulateur de ce pays qui est chargé de superviser la plateforme.  Ce 20 août, la Commission européenne a finalement indiqué à POLITICO que Kick lui avait signalé un représentant légal à Malte. En théorie, seule La Valette peut donc enquêter sur Kick et l’enjoindre de faire le nécessaire pour modérer les contenus illicites — ou même lui infliger une amende au titre du DSA.  Dans un communiqué daté du même jour, l’Arcom a indiqué avoir “contacté ce représentant légal ainsi que le régulateur maltais […] afin d’obtenir des informations détaillées sur les moyens dédiés par le service à la modération francophone, ainsi que sur le cas spécifique de la chaîne Jeanpormanove”. Un dialogue avec Kick.com a été engagé, assure l’Arcom. Cette désignation de représentant semble en tout cas récente. Contactée par POLITICO, l’autorité maltaise des télécommunications, la Malta Communications Authority (MCA), indique ne pas avoir en avoir été notifiée à date du 20 août.  Les conditions générales de Kick indiquent d’ailleurs que le site, d’origine australienne, est basé en Angleterre et donc sous sa juridiction, sans mention d’un représentant au sein de l’UE.  La Commission européenne ne pourra pas non plus intervenir pour réguler Kick : elle ne supervise que les très grandes plateformes (VLOP), qui comptent plus de 45 millions d’utilisateurs en Europe. Or les chiffres communiqués par la plateforme sont bien en deçà de ce seuil.  “On est sur un cas qui, malheureusement, sera amené à être de plus en plus fréquent si les pouvoirs publics n’interviennent pas et que les plateformes restent passives”, estime auprès de POLITICO le député socialiste Arthur Delaporte, qui travaille sur une proposition de loi de régulation de l’influence en ligne.  Selon la ministre déléguée Clara Chappaz, Kick avait malgré tout la “responsabilité légale de retirer les contenus manifestement illicites” dont ils auraient eu connaissance. JeanPormanove était, jusqu’à sa suppression en début de semaine, la chaîne la plus suivie sur Kick en France.  Sur les réseaux sociaux, Kick avait également utilisé des contenus mettant en scène Raphaël Graven pour promouvoir la plateforme.  Contacté par POLITICO, Kick n’a pas souhaité préciser si la chaîne de Jean Pormanove contrevenait à ses conditions d’utilisation au cours des mois passés. Ces dernières interdisent pourtant explicitement “les contenus qui représentent ou incitent à une violence abjecte, y compris les atteintes graves, la souffrance ou la mort”. Eliza Gkritsi a contribué à cet article.
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Les enfants sont accros aux réseaux sociaux et personne ne s’accorde sur la solution
Les enfants et les adolescents ne peuvent s’empêcher de scroller sur les réseaux sociaux et cela nuit à leur santé. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le temps de présence sur les réseaux a plus que doublé depuis 2010, pour atteindre environ trois heures par jour. En 2022, plus d’un adolescent sur dix a montré des signes d’addiction. “Tout le monde sait que cela crée une dépendance”, affirme à POLITICO Hanna Kuźmitowicz, une lycéenne polonaise qui a travaillé avec la présidence polonaise de l’UE sur ce sujet. “Je connais les dangers et les avantages et je l’utilise encore”. Sous l’impulsion d’experts en santé publique, les gouvernements européens envisagent de nouveaux moyens pour empêcher les jeunes d’utiliser leur téléphone : vérification de l’âge, campagnes de sensibilisation du public, voire interdiction des réseaux sociaux. Les pays ont depuis peu la liberté de fixer leurs propres restrictions, et ils s’en emparent. Emmanuel Macron a ainsi appelé à une interdiction totale pour les moins de 15 ans en France, tandis que le Danemark, la Grèce, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas et d’autres pays se sont ralliés à de nouvelles limitations. Entre-temps, les entreprises technologiques ont mis progressivement en place des mesures de protection des mineurs allant de la restriction de certains contenus en fonction de l’âge à la désactivation de plusieurs fonctionnalités. Des dispositions que certains observateurs jugent encore insuffisantes. PASSER LA MAIN Plusieurs experts affirment pourtant que les réseaux sociaux n’ont pas que des inconvénients et peuvent être positifs pour les jeunes. “Certaines technologies sont en fait très bénéfiques pour lier et entretenir des amitiés”, estime Jessica Piotrowski, présidente de l’Ecole de recherche en communication de l’université d’Amsterdam et conseillère de YouTube en matière de protection des mineurs, se faisant l’écho de plusieurs études. Cependant, des preuves de plus en plus nombreuses établissent un lien entre les réseaux sociaux et la dépression, les troubles du sommeil et des niveaux élevés de consommation de substances. “Il faut une régulation et une sorte de prise de conscience des entreprises technologiques qui nuisent aux adolescents et aux enfants. Il faut faire quelque chose”, affirme Kadri Soova, directeur de Mental Health Europe. Le temps que les jeunes passent sur les réseaux sociaux a plus que doublé depuis 2010 pour atteindre environ trois heures par jour. | Loung Thai Linh/EPA Elle estime qu’il est important de dialoguer avec les entreprises technologiques plutôt que de s’opposer à elles. “Mais s’il n’y a pas d’autorégulation, ou si les termes de la régulation ne sont pas assez stricts, alors il faut des règles”. De nombreux scandales survenus ces dernières années ont montré que les entreprises technologiques n’ont pas toujours privilégié la sécurité de leurs plus jeunes utilisateurs. En 2021, Frances Haugen, ancienne employée de Meta (à l’époque Facebook), a divulgué des documents internes révélant que l’entreprise était consciente des dommages causés à la santé mentale des adolescents et n’avait pas fait grand-chose pour y mettre fin. Les experts médicaux estiment que les outils réglementaires existants ne sont pas suffisants. Ils souhaitent que les entreprises de la tech agissent davantage, car elles conçoivent leurs plateformes de manière à créer une dépendance. Theo Compernolle, neuropsychiatre et ancien professeur à l’université libre d’Amsterdam, qui préconise l’interdiction des réseaux sociaux pour les enfants, estime que la régulation doit se concentrer sur les entreprises, faute de quoi “c’est comme si on luttait contre une drogue sans rien faire contre les producteurs”. Les réseaux sociaux, comme les jeux d’argent, le tabac et l’alcool, “reposent sur le déni des dangers”, selon Mark Petticrew, professeur de santé publique à la School of Hygiene and Tropical Medicine de Londres. Ce n’est pas différent de n’importe quel autre type de dépendance, estime-t-il. En juin, les ministres de la Santé ont adopté des conclusions au Conseil de l’UE appelant les pays à envisager des politiques préventives pour encadrer l’accès des jeunes aux technologies numériques. Il s’agit notamment d’instaurer des zones sans écran et des limites numériques dans les écoles, et d’inciter les concepteurs de plateformes numériques à “prendre davantage leurs responsabilités”. UNE LOI HISTORIQUE ? Le règlement sur les services numériques (DSA) est l’un des textes législatifs les plus importants concernant les plateformes en ligne. Il demande aux réseaux sociaux de mettre en place “des mesures appropriées et proportionnées pour garantir un niveau élevé de confidentialité, de sûreté et de sécurité pour les mineurs”. Facebook et Instagram de Meta, ainsi que TikTok, font l’objet d’une enquête pour violation des règles du DSA concernant les mineurs. Comme ce texte n’attribuait que de vagues responsabilités aux plateformes, l’exécutif européen a élaboré des lignes directrices — très controversées — afin de préciser ce qu’il est attendu des plateformes. Ces lignes directrices interdisent notamment d’utiliser les habitudes de navigation des mineurs pour suggérer des contenus. Elles préconisent aussi de désactiver dans les messageries les fonctions de discussions en série (streaks) et les confirmations de lecture et de définir la confidentialité et la sécurité par défaut dans les paramètres. Enfin, elles suggèrent de désactiver certaines fonctionnalités, comme l’accès à l’appareil photo. Cependant, ces lignes directrices ne sont pas contraignantes, et si les mineurs mentent sur leur âge ou si leurs parents contournent les contrôles, elles n’ont aucun effet. Le débat s’est donc déplacé vers la manière dont les plateformes peuvent vérifier l’âge des utilisateurs. SUR LES RÉSEAUX AVANT 13 ANS En vertu du règlement général sur la protection des données (RGPD), les enfants de moins de 13 ans ne peuvent pas consentir au traitement de leurs données par des services en ligne. Des plateformes comme TikTok et Instagram affirment ainsi que seuls les enfants de plus de 13 ans peuvent adhérer à leurs conditions d’utilisation. Mais les régulateurs ont pris conscience que le simple fait de cocher une case ne suffit pas à prouver son âge. Selon un rapport de l’association locale Børns Vilkår, cité dans une étude commandée par le gouvernement, 94 % des jeunes Danois ont créé un compte sur les réseaux sociaux avant l’âge de 13 ans. Facebook et Instagram de Meta, ainsi que TikTok, font l’objet d’une enquête pour violation des règles de l’ASN concernant les mineurs. John Mabanglo/EPA Le débat politique s’est donc orienté vers la mise en place de mesures obligatoires de vérification de l’âge des utilisateurs. Certains affirment que cette responsabilité incombe à la plateforme, mais des opérateurs comme Meta et TikTok soutiennent que Google et Apple, qui développent les systèmes d’exploitation des appareils, devraient être se charger de vérifier l’âge. Pour Helen Charles, directrice des politiques publiques, des produits et de la monétisation chez Meta, la nouvelle législation devrait en effet cibler la vérification de l’âge et l’approbation parentale au niveau du système d’exploitation et du magasin d’applications. Cela “sera plus facile pour les parents” et “protégera la vie privée”. Mais Google et Apple ne pensent pas qu’il faille s’en remettre uniquement à eux. “Nous pensons qu’il s’agit d’une responsabilité partagée (…). Il n’y a pas de solution unique ou de solution miracle : une seule entreprise ne peut résoudre le problème pour tout le monde”, juge Vinay Goel, directeur de la garantie de l’âge chez Google. Et d’ajouter : “Les développeurs sont les mieux placés pour savoir ce qui est potentiellement risqué”. L’INTERDICTION EN DÉBAT Les plus fervents partisans d’une action stricte — et les adolescents eux-mêmes ! — doutent d’ailleurs de l’efficacité d’une telle interdiction. “Une vérification de l’âge rigoureuse, des outils parentaux et des programmes d’éducation numérique”, par exemple, pourraient donner de meilleurs résultats que les interdictions, selon Natasha Azzopardi-Muscat, directrice de la sécurité sanitaire à l’OMS. D’autres, comme Kuźmitowicz, craignent qu’il existe toujours des moyens de contourner les interdictions et les restrictions, les rendant ainsi inefficaces. En attendant, les ministres de la Santé estiment qu’il n’y a pas suffisamment de preuves pour justifier une interdiction totale. “Comment fait-on respecter ces règles ?”, s’interroge ainsi Michael Damianos, le ministre chypriote de la Santé, interrogé par POLITICO. Pour lui, le “plus gros problème” est de s’assurer que les politiques fonctionnent dans la pratique. Interdire les réseaux sociaux “serait vraiment se lancer dans l’inconnu. Une telle politique n’est pas étayée par des preuves”, affirme de son côté le ministre maltais de la Santé, Jo Etienne Abela, auprès de POLITICO. “Mais d’un autre côté, nous savons qu’il y a un problème. Le manque de preuves doit-il nous paralyser et nous condamner à ne rien faire ?” Giedre Peseckyte a contribué à cet article. Il a d’abord été publié par POLITICO en anglais et a été édité en français par Tiphaine Saliou.
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